Pour clôturer ma série d’articles sur les drivers (messages contraignants), j’avais envie de vous partager comment j’avais pu les utiliser dans le management. En tant que manager, j’ai toujours eu à cœur de m’adapter à mes équipes afin de les mettre dans les meilleures conditions possibles pour que chacun puisse pleinement s’épanouir, libérer son potentiel et ainsi réussir dans sa mission. Et les messages contraignants ont donc souvent été une base sur laquelle je me suis appuyée. Ainsi, avec un peu de pratique, je réussissais assez rapidement à capter le ou les 2 drivers dominants chez chacun(e) des responsables de magasins et responsables régionaux que j’ai pu manager. J’ai d’ailleurs toujours fini par faire le test avec eux pour qu’ils puissent mieux se connaitre et mieux comprendre ceux qui étaient pilotés par des drivers différents.
Sois parfait
Quand je pense au driver sois parfait, je vois S. et A. qui malgré de très bonnes performances étaient toujours inquiètes de ne pas faire assez bien et de décevoir. Les signes de reconnaissance positifs étaient donc des points incontournables de nos échanges pour continuer d’alimenter leur confiance en elles et leur motivation. Je faisais encore plus attention S. qui, à mon avis, souffrait du syndrome de l’imposteur.
Je pense aussi à A. qui pouvait être dans son magasin 2H avant ma visite pour s’assurer que tout était OK. Je lui faisais systématiquement reformuler ce qu’elle avait retenu de mon passage, pour m’assurer qu’elle ait bien entendu les messages positifs.
Je pense aussi à V. qui m’interrogeait immédiatement sur ce que je pensais de son magasin et de ses performances, avant même que je n’ai eu le temps de poser mon sac et ma veste.
Avec des collaborateurs dont le driver sois parfait est élevé, il faut faire redescendre la pression. Inutile de pointer ce qui ne va pas et mettre la barre toujours plus haute. Ils le font tout seuls. Il faut donc davantage les rassurer et leur montrer tout ce qui est déjà fait et très bien fait.
Fais plaisir
Quand j’évoque le driver fais plaisir, je pense à J. et à tous les échanges informels et tellement riches que nous avons pu avoir. Je vois encore son sourire et le bienfait que ces moments off pouvaient avoir à ses yeux : elle avait besoin d’avoir des moments privilégiés avec moi, des temps centrés sur la relation et non sur les tâches, des moments de convivialité et de partage sur des sujets divers et variés.
Je pense aussi à M. qui m’accompagnait jusqu’au pas de la porte, voire même jusqu’à ma voiture pour prolonger au maximum le temps passé ensemble et qui à chacune de mes visites m’accueillait avec un gâteau qu’elle avait spécialement préparé pour moi.
Je pense aussi à A. qui m’appelait régulièrement pour savoir comment j’allais et qui était toujours inquiète de me voir enchainer les kilomètres et les missions. Elle avait aussi à cœur d’être un vrai soutien pour moi dans la dynamique collective, et était ainsi un relai fort de mes messages.
Je pense enfin à M. qui était tout étonnée au départ de mes appels ‘’gratuits’’, mais qui était tellement contente de cet appel sans autre motif que celui de prendre de ses nouvelles ! Cela lui redonnait instantanément une énergie et une motivation de fou !
Voilà ce qu’il faut avant tout pour motiver un fais plaisir, de la relation, de l’écoute et de la générosité. Et ils vous en redonneront tout autant.
Sois fort
Quand je pense au driver sois fort, je vois C. qui était au départ très méfiante de mon arrivée et qui m’avait clairement exprimée qu’elle n’avait pas besoin de moi. Mes visites magasins étaient très courtes au départ, car elle me faisait vite comprendre qu’elle en ‘’avait marre de m’avoir sur son dos » et qu’elle avait bien d’autres choses à faire ! Progressivement, elle a compris qui j’étais et quelles étaient mes intentions, et elle a su qu’elle pouvait baisser la garde. Et voir un sois fort enlever un peu de son armure, c’est un magnifique cadeau qu’il se fait et qu’il nous fait. Mais j’ai loupé le coche lorsque son fais plaisir a pris de l’importance et qu’elle aurait ainsi voulu passer plus de temps avec moi et partager des moments plus informels (d’où l’importance de ne pas mettre les gens dans des cases).
Je pense aussi à M. qui malgré le stress, la fatigue et des évènements personnels difficiles, tenait absolument à garder la face et à dire que tout allait bien. Mais forcément, qu’on le veuille ou non, la tension interne ressort et dans ces cas-là, ça peut être assez maladroit. Petit à petit, en respectant son rythme et sa pudeur, je l’ai amené sur le registre des émotions pour qu’elle évite d’en être envahie et esclave à ses dépens et aux dépens de son équipe…
Je pense aussi à C. qui m’a rapidement fait comprendre que mes « appels gratuits » la dérangeaient. Si je n’ai rien à lui dire ou à lui demander, que je la laisse tranquille ! Elle m’avait aussi prévenu : « je t’appelle uniquement si j’ai besoin ». Je n’avais pas envie d’être juste présente pour ça, mais j’ai respecté son besoin initial. Je ne l’ai pas pris contre moi. Et j’ai répondu dès qu’elle me sollicitait (car sur l’échelle d’un sois fort, s’il demande de l’aide, c’est qu’il en a vraiment besoin). C’est uniquement en passant déjà par cette étape que nous avons pu poser les conditions d’une relation de confiance et poursuivre ensuite sur des échanges plus réguliers et plus larges.
Quand on manage une personne avec un sois fort dominant, il faut accepter la distance qu’il peut mettre au départ. Accepter son indépendance et prendre le temps de créer la relation et les conditions de confiance pour que le sois fort puisse faire tomber le masque petit à petit.
Fais des efforts
Quand je pense au driver fais efforts, je vois K. et S. qui s’épanouissaient uniquement lorsqu’elles étaient en face de situations inédites et complexes. La routine et la facilité n’étant par pour elles, je devais les alimenter au mieux et toujours trouver de nouvelles manières de faire pour qu’elles ne restent pas longtemps dans leur zone de confort, qui était une vraie zone d’ennui pour elles.
Je pense aussi à D. qui avait un investissement énorme et que j’accompagnais pour mettre ses efforts au bon endroit afin d’avoir des résultats plus facilement.
Je vois aussi S. que je n’ai hélas jamais réussi à accompagner tellement mon ‘’dépêche-toi’’ la stressait et était en contradiction avec son ‘’fais des efforts’.
Quand on manage des personnes avec un driver fais des efforts important, il faut comprendre que la complexité et la persévérance sont leurs moteurs. S’ils réussissent très bien, alors il ne faut pas hésiter à continuer de les alimenter en ce sens. Et s’ils ont plus en difficulté, il faut les accompagner tout en douceur sur le chemin de la priorisation et des quicks wins.
Depêche toi
Enfin, quand je pense au driver dépêche toi, je vois K. qui me disait qu’elle avait mis 2 minutes pour faire ceci, 5 minutes pour faire cela, et qui me challengeait parce qu’elle n’avait maintenant plus grand-chose à faire et qu’elle s’ennuyait. Je me souviens encore de mon grand désarroi en balayant son magasin du regard : certes, si tout était effectivement fait, rien n’était réellement abouti et au niveau de qualité attendue. Il a donc fallu un peu de temps pour aligner nos niveaux d’exigences.
Je vois aussi M. après qui j’avais constamment l’impression de courir. Elle avait toujours 10 000 choses à faire et je n’en faisais pas toujours partie. Je la vois aussi encore s’agiter en réunion car bien sûr, rester assise sur sa chaise toute une journée pour une personne avec un driver dépêche toi, c’est encore moins facile que pour d’autres. Alors, je la prenais au jeu, et je la mettais en mouvement dès que possible.
Pour manager des personnes avec un driver « dêpeche toi » dominant, je m’attachais à aligner nos attendus en termes de qualité plutôt qu’en termes de quantité. J’étais également particulièrement vigilante sur leur niveau d’énergie. Les personnes avec un fort dépêche-toi oscillent en effet constamment entre des hauts très hauts, car elles sont stimulées par tout ce qu’il y a à faire, et des bas très bas quand l’ennui les guette ou que la fatigue leur tombe dessus.
Et au milieu de tout ça, il y avait moi, avec à l’époque un sois parfait et un dépeche toi très élevés. Autant dire que si je me laissais aller, lorsque j’arrivais en magasin, je pouvais aller directement droit au but et au petit détail qui me sautait déjà aux yeux. Heureusement, en étant consciente de mes drivers, j’ai toujours été vigilante, car je savais les conséquences que cela pouvait avoir. Cependant, on est tous humains, et sous stress, ces traits de caractères pouvaient ressortir bien malgré moi… Je me souviens ainsi d’une visite que j’avais démarrée sur les chapeaux de roue. Je n’avais pas beaucoup de temps et je n’étais pas satisfaite des résultats du magasin et de ce que je voyais. Bref, je suis tout de suite rentrée dans le vif du sujet. Je me rappelle encore du regard perdu de ma responsable de magasin. Un regard qui exprimait toute l’incompréhension qu’elle ressentait face à ma démarche qui n’était pas habituelle. Ce regard m’a interpellé et j’ai compris. J’ai alors souri, j’ai refermé mon ordinateur, je me suis excusée et je lui ai proposé qu’on recommence la visite. J’ai repris mes affaires, j’ai fait comme si je venais d’arriver et je lui ai proposé qu’on aille se prendre un café. Cette responsable de magasin avait un driver fais plaisir important. Elle avait besoin qu’on passe d’abord par un temps relationnel et informel. Comme nous venions de voir les drivers en réunion, ce fut l’occasion de lui expliquer ce qui venait de se passer pour moi et pour elle. Une belle illustration de la théorie 😉
La vie avec les autres n’est pas toujours simple et lorsqu’on entre dans des relations plus difficiles, voire conflictuelles (qu’elles soient personnelles ou professionnelles) on aurait toujours tendance à reporter la faute sur l’AUTRE et à vouloir le changer. Comprendre le driver dominant de l’autre, c’est déjà faire un pas vers lui pour mieux le comprendre et l’accepter tel qu’il est. Comprendre aussi son propre driver dominant, c’est mettre de la conscience dans ses actions ou réactions et envisager que ce n’est ni la seule manière de faire, ni la meilleure manière. Juste notre manière à nous, liée à notre histoire de vie. Partager entre 2 personnes, leurs drivers, c’est mettre de la compréhension réciproque. Et souvent, rien que cela peut être un réel démineur de tensions ; chacun faisant ainsi un pas vers soi et vers l’autre.
Enfin, les choses ne sont jamais figées. Je n’ai aujourd’hui plus les mêmes drivers dominants. Donc ne nous mettons pas dans une case, et ne mettons pas les autres dans une case. C’est juste une indication. Mais une indication puissante pour savoir quel levier activer lorsqu’on est manager.
Belle route sur la compréhension de vous-même et des autres.
Marion