Il vous est peut-être déjà arrivé de sourire de quelqu’un en pensant que cette personne n’était pas seule dans sa tête… et bien désolé de vous l’apprendre, mais vous aussi, vous n’êtes pas seul. Alors, ça ne se voit peut-être pas forcément de l’extérieur, mais à l’intérieur, aucun doute possible.
Une preuve ?
Je suis sûre que vous avez déjà remarqué ces dialogues, voire même ces conflits internes que vous pouvez ressentir. Cette impression dans certaines situations de batailler entre le cœur et la raison ; d’entendre une voix vous chuchoter une idée, et quelques secondes plus tard d’en entendre une autre contre-argumenter, etc…
Et malgré les apparences, il n’y a pas que 2 entités en vous, mais carrément 6 !
Ah oui, on comprend tout de suite mieux pourquoi, à des moments, on peut se sentir totalement déchiré ou perdu. Et en général, pendant qu’il se passe tout ça dans notre tête, eh bien, on n’avance pas vraiment…
Et c’est exactement ce que j’ai vécu lors de l’écriture de cet article… En gros, voilà le dialogue interne qui a émergé alors que je procrastinais depuis déjà un long moment devant mon ordinateur, à regarder mes mails, consulter les réseaux sociaux, bref, faire tout autre chose que ce que j’avais prévu à ce moment-là : écrire mon prochain article.
J’espère ne pas avoir perdu toute ma crédibilité en vous partageant ainsi ce qui a pu se passer en quelques minutes dans mon petit cerveau… 😉
Et pour ceux qui aurait envie de se moquer, genre « moi, jamais, il ne se passe ça dans ma tête », j’ai hélas une mauvaise nouvelle pour vous : entendre et reconnaitre toutes ces facettes est un signe de bonne santé mentale. Ne pas les écouter et laisser une seule, ou deux, dominer les autres, est beaucoup plus ennuyant…
Revenons maintenant à un peu de théorie. Ces 6 entités sont appelées des « états du moi » en analyse transactionnelle.
Avant de rentrer dans le détail des 6, voici les 3 grandes catégories :
– L’état du moi PARENT : on se retrouve alors dans le même état d’esprit que l’un de nos parents (ou autres figures d’autorité) et nous répondons de la même manière qu’eux aux stimulus externes (même façon de penser, même vocabulaire, même façon de s’exprimer, même posture corporelle, même gestes…).
– L’état du moi ADULTE : cet état nous permet de réaliser une évaluation objective des situations.
– L’état du moi ENFANT : on se retrouve dans le même état d’esprit que lorsque nous étions une petite fille ou un petit garçon.
Pour schématiser, lorsqu’on est dans le PARENT, on privilégie les codes, les valeurs, les normes. Lorsqu’on est dans l’ENFANT, on privilégie les besoins et les émotions. Et lorsqu’on est en ADULTE, on raisonne en mode ordinateur et on agit. Vous comprenez ainsi assez facilement que nous avons bien besoin de ces 3 états pour fonctionner de manière optimale.
Si l’ADULTE est assez simple puisqu’il n’a qu’une facette, celle du mode robot analysant les faits et délivrant une analyse objective, les états PARENT et ENFANT sont un peu plus complexes, car disposant de sous-catégories.
Commençons par le PARENT qui a 2 facettes :
– Le PARENT NORMATIF : c’est la facette parentale qui fait la loi, la rappelle et la fait respecter. C’est celui dans votre tête qui vous donne toutes les injonctions du type « il faut », « tu dois ». C’est donc cette voix qui me disait qu’il fallait que j’avance dans l’écriture de mon article.
– Le PARENT BIENVEILLANT (appelé aussi NOURRICIER) : c’est la facette parentale qui prend soin des autres, qui protège et nourrit. C’était cette voix qui me demandait ce qui me ferait plaisir et qui m’invitait à faire ça avant de me remettre au travail.
L’ENFANT quant à lui dispose de 3 facettes :
– L’ENFANT ADAPTE SOUMIS : c’est l’enfant qui respecte ce que ses parents et autres figures d’autorité, lui disent. Dans mon exemple, mon enfant adapté soumis est celui qui veut respecter ce qu’on lui a conseillé, à savoir être régulier dans ses publications.
– L’ENFANT ADAPTE REBELLE : c’est l’enfant qui ne respecte pas ce que ses parents et autres figures d’autorité lui disent. Il s’oppose. C’est donc celui qui n’avait pas envie d’écouter le parent normatif et qui aurait bien voulu voir si vraiment ça poserait problème d’envoyer la newsletter plus tard.
– L’ENFANT LIBRE : c’est l’enfant spontané, totalement libre du regard des autres. C’est donc mon enfant libre qui avait envie de prendre l’air à ce moment-là.
En soi, il n’y a pas de bons ou de mauvais états. Chacun de ces 6 états à ses avantages et ses inconvénients. Et surtout, chacun de ses 6 états tente, à sa manière, de nous dire ce qui serait le mieux pour nous. Leur intention est donc bienveillante. Le tableau ci-dessous récapitule leurs caractéristiques.
Ce qui est intéressant pour chacun d’entre nous, c’est de prendre conscience de nos états qui s’expriment, de ceux qui potentiellement ne s’exprimeraient pas et de ceux qui ont tendance à dominer.
Prenons l’exemple d’Olivier. Olivier vient me voir en coaching car il a un projet professionnel mais rencontre des difficultés à passer à l’action. Son projet est très clair dans son esprit, il a déjà une expérience réussie d’entrepreneur sur laquelle s’appuyer et partage beaucoup avec son amie Marie qui semble être un vrai mentor pour lui. En échangeant avec Olivier, je me rends compte que les conseils de Marie se transforment, dans sa tête, en discours de PARENT NORMATIF « tu dois faire ceci », « il faut être comme ça si tu veux y arriver » … En réponse, Olivier semble avoir un ENFANT ADAPTE SOUMIS très présent, qui fait de son mieux mais qui ne semble jamais satisfait de ce qu’il produit. Son ENFANT se dévalorise et craint de ne jamais arriver au niveau de ce que son PARENT attendrait. Résultat : Olivier ne parvient pas à avancer comme il le souhaiterait dans son projet.
Après avoir rapidement présenté les états du moi à Olivier, je lui propose de les représenter lorsqu’il est en train de travailler sur son projet. Plus il les met proche de lui, plus cela signifie qu’ils sont présents. Je lui demande également de noter quelques phrases typiques de chacun de ses états du moi.
Le schéma me confirme que 2 états du moi prennent beaucoup de place chez Olivier lorsqu’il travaille sur son projet : le PARENT NORMATIF et l’ENFANT ADAPTE SOUMIS. Comme beaucoup de personnes, il souffre alors d’un conflit interne entre ces 2 états du moi surreprésentés. Son PARENT NORMATIF l’assomme de règles et d’injonctions et son ENFANT ADAPTE SOUMIS est tétanisé devant ces attentes fortes. Il se retrouve alors dans un dialogue binaire qui ne laisse pas la place aux autres états du moi. Or, les 6 ont leur utilité.
Par exemple, l’ENFANT ADAPTE REBELLE d’Olivier lui permettrait de challenger les nombreuses injonctions de son parent normatif. Il l’amènerait à tester d’autres choses et à solliciter d’autres avis. Or, comme il n’y a que son enfant adapté soumis qui est présent, il prend tout pour argent comptant. Mais ce qui a marché pour Marie et l’a motivé, s’avère paralysant pour lui…
Le PARENT BIENVEILLANT d’Olivier lui permettrait aussi de poser un regard plus souple sur ce qu’il fait ou ne fait pas. En effet, Olivier est très critique sur ce qu’il a déjà commencé à réaliser dans le cadre de son projet. Rien ne semble atteindre le niveau qu’il s’est fixé. Olivier est en effet très exigeant avec lui. Si, dans ses propos, il semble très bienveillant avec les autres, avec lui-même et dans le cadre de son projet, c’est une autre paire de manche. Et cela le paralyse également.
Enfin, l’ENFANT LIBRE d’Olivier lui permettrait de se reconnecter à ses besoins et envies. Il a d’ailleurs eu l’idée de ce projet sans doute grâce à son enfant libre. Mais depuis, il l’a complètement laissé de côté. Sauf que notre énergie vitale vient de notre enfant libre. Sans lui, difficile d’avoir le carburant nécessaire pour aller au bout de ses projets.
Enfin, son ADULTE est présent, mais pourrait encore s’exprimer davantage. Il lui permettrait de regarder la situation de manière plus objective, sans tomber dans l’excès des injonctions de son parent normatif et l’excès des émotions de son enfant (notamment peur et colère).
On comprend donc que la difficulté à se mettre en action est autant liée aux 2 états qui se challengent, qu’aux 4 autres peu ou pas du tout reconnus et considérés.
Le travail consiste alors à se reconnecter à chacun de ses états du moi et voir comment ils peuvent aider Olivier dans la réalisation de son projet.
Pour revenir à mon propre exemple, j’aurais pu rester « coincée » entre les injonctions de mon PARENT NORMATIF et osciller entre soumission ou rébellion de mon ENFANT ADAPTE. C’est exactement ce qui se passait de manière inconsciente pendant que je procrastinais ou essayait d’écrire quelques phrases avant de les effacer quelques minutes plus tard. Et comme beaucoup d’entre nous, j’ai fonctionné ainsi pendant des années avec un PARENT NORMATIF qui finissait souvent par remporter la manche, mais au prix d’un ENFANT qui ne se sentait quand même jamais à la hauteur et pas assez entendu. Situation très épuisante et frustrante sur le long terme… Désormais, je vais chercher les autres états du moi qui ne s’expriment pas spontanément et je m’efforce de leur prêter autant d’attention qu’aux trois premiers. Et c’est grâce à l’attention que je porte à la globalité des messages, que je chemine et sors du conflit en trouvant une solution qui me convienne sans avoir l’impression de devoir renoncer à une partie de moi.
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Et vous, lorsque vous travaillez, êtes à la maison, êtes avec des amis, quels sont vos états du moi présents ?
Il est important de contextualiser à chaque fois, car selon les environnements, la répartition peut changer. Pour reprendre l’exemple d’Olivier, lorsqu’il évoque sa vie de famille et son rôle de père, on sent que les 6 états du moi sont présents et équilibrés. Son PARENT NORMATIF est toujours dominant, mais il sait parfaitement le compenser par son PARENT BIENVEILLANT et son ENFANT LIBRE, par exemple lorsqu’il joue avec ses enfants.
Vous comprenez donc que, contre toute attente, c’est bien en accueillant nos 6 états du moi et en leur laissant chacun une place, qu’on parvient à être le plus équilibré et finalement à vivre le moins de conflits internes (et de conflits externes également, car de la même manière que certains états du moi transpirent dans vos dialogues internes, ils transpirent aussi dans vos relations avec les autres à travers ce qu’on appelle des transactions.)
À l’inverse, lorsque 2 états du moi se confrontent particulièrement et ne laissent plus de place aux autres, c’est là où l’on vit les conflits internes les plus forts, opposant souvent un PARENT NORMATIF à un ENFANT ADAPTE REBELLE ou SOUMIS. C’est typiquement dans ce cas qu’on ressent une bataille acharnée entre la tête (le parent) et le cœur (l’enfant). L’adulte représentant plutôt le corps, celui qui fait passer à l’action.
Si vous avez le sentiment de vivre souvent ce type de situation, il peut être alors intéressant de creuser les drivers (appelés aussi messages contraignants) dominants chez vous. Ils résument en général parfaitement ce que votre PARENT vous dit. L’analyse transactionnelle en a distingué 5, dont vous trouverez les descriptions dans les articles suivants :
Sois parfait
Fais plaisir
Sois fort
Dépeches-toi
Fais des efforts
Le travail consiste alors à relativiser les injonctions du PARENT et à prêter une oreille attentive aux messages des autres.
La clé se trouve donc dans l’équilibre et l’acceptation de tout ce que l’on est. Renier un ou plusieurs états du moi est en effet renier une partie de soi. Et tout ce qu’on essaie de renier voire d’étouffer ressort toujours d’une manière ou d’une autre (paralysie, fuite, rigidité des comportements ou encore autosabotage…)
Pour conclure, je vous laisse avec ce magnifique épisode de Et tout le monde s’en fout qui nous invite à réconcilier notre ENFANT et notre PARENT pour devenir un ADULTE 😉
Belle acceptation de vos 6 états du moi
Marion OUDOT