Dans une seule et même journée, nous affichons différentes façons de penser, de nous comporter, de nous exprimer etc… Ces différentes façons émanent de nos différents états du moi.
Rappelez-vous, je vous en ai déjà parlé, notamment pour évoquer nos dialogues intérieurs et potentiels conflits internes
Ces états du moi, que vous voyez résumé dans le schéma ci-dessous, sont aussi en action lorsqu’on interagit avec les autres.
Dans les faits, on voit 2 personnes communiquer. En réalité, on a 6 états du moi d’un côté qui parlent à 6 états du moi de l’autre côté. Sachant que d’un côté comme de l’autre, il y a toujours des états qui se mettent naturellement en avant et d’autres qui restent silencieux.
Ces fameux échanges entre deux personnes, sont appelés transactions. J’utiliserai donc désormais ce terme pour évoquer ce qui est dit, mais aussi le non verbal (expressions du visage, attitudes corporelles, volume sonore, intonation…).
Car oui, la communication ne se résume pas aux mots utilisés. Ces derniers ne pèseraient en effet que 7% dans le message qu’on réceptionne. 93% seraient liés à ce qui n’est pas dit mais interprété, compris et ressentis.
Pour tenter de comprendre plus précisément ces concepts et vous aider à les transposer dans votre quotidien, plongeons-nous dans une journée de la vie de Bertrand.
07H30 : BERTRAND CONDUIT SES ENFANTS A L’ECOLE
Bertrand a 2 filles. 2 collégiennes. La plus grande est en 3ème et la seconde est en 6ème. Alors qu’il est en train de les conduire au collège, il leur demande si elles ont des DS aujourd’hui. Toutes les deux répondent que oui. Bertrand leur demande alors comment elles se sentent pour aborder ces évaluations.
Réponse de la plus jeune : « Maman m’a interrogée hier soir. Je savais tout parfaitement »
Réponse de la plus grande : « c’est un peu trop tard pour t’y intéresser ! »
Crise d’ado me direz-vous… oui sûrement. Mais voyons ce que l’analyse transactionnelle nous apprend de ces transactions.
Par usage, elles sont représentées comme ci-dessous, en gardant les 3 grands états du moi (Parent – Adulte et Enfant) ; les flèches matérialisant quel état s’exprime à quel autre.
La première transaction est ce qu’on appelle une transaction parallèle : Bertrand utilise son état Adulte pour parler à l’état Adulte de ses filles. Celles-ci répondent avec leur état Adulte vers l’état Adulte de leur père. Bref, discussion simple et sereine 😉 L’état Adulte d’un côté comme de l’autre se voit à travers des questions et des réponses factuelles et objectives. Si on faisait appel à un robot, les questions et les réponses ne seraient pas différentes.
Et alors que Bertrand utilise à nouveau son état Adulte pour poser une deuxième question à ses filles, il se passe quelque chose de différent : les deux répondent avec leur état Enfant.
Assez naturellement, quand quelqu’un parle avec son Enfant, il stimule l’état Parent chez l’autre. Et inversement, quand on parle en état Parent à quelqu’un, naturellement, on stimule son état Enfant. Et voilà des transactions complémentaires qui se mettent en place, puisque Bertrand change à son tour d’état, en répondant avec son état Parent.
Par principe, les transactions complémentaires peuvent durer indéfiniment. Jusqu’à ce que l’un créé une rupture :
- Soit en changeant d’état, ce qui n’est pas naturel et demande donc un effort important. Il n’est, par exemple, pas simple pour Bertrand de reprendre un état Adulte pour poser une question ouverte à sa fille afin de recréer un dialogue plus constructif
- soit en stoppant la conversation. C’est ce que fait sa plus grande qui se terre dans le silence et part sans dire un mot mais en claquant violemment la portière (dernier acte de son Enfant rebelle et dernière transaction entre elle et son père pour ce matin).
Je suis sûre que tout ça vous parle… Et pourtant, au départ, tout allait bien, la conversation était fluide. En mode Adulte/Adulte. Mais alors, pourquoi d’un seul coup, ses filles sont-elles passées en Enfant ?
Probablement qu’il y a eu des transactions cachées. C’est-à-dire un décalage entre ce qui est dit et ce qui est perçu. Entre le verbal et le non verbal (On dit aussi entre un niveau oral et un niveau psychologique). C’est ce que l’analyse transactionnelle appelle des transactions à double fond :
Quand Bertrand utilise son état Adulte pour leur demander si elles se sentent prêtes, dans son ton et/ou dans son attitude transpire son état Parent. Que ce soit un état Parent Bienveillant qui veut les encourager et les rassurer, ou un état Parent Normatif qui veut s’assurer qu’elles travaillent bien à l’école. Aussi subtil que cela puisse paraitre, comme le non verbal pèse pour 93% dans le message, les filles reçoivent surtout un stimulus du Parent de Bertrand vers leur Enfant. Elles répondent donc avec leurs états Enfants (plutôt l’enfant adapté soumis pour la plus jeune et l’enfant adapté rebelle pour la plus grande) et viennent ainsi stimuler l’état Parent leur père.
Alors, vous me direz, normal, ça reste une conversation entre un père et ses enfants. Donc naturellement que, même en leur parlant de façon Adulte, elles entendent un état Parent et répondent en tant qu’Enfant.
Oui. C’est vrai. Nul doute que cela joue. Cependant, on reproduit exactement les mêmes schémas avec des personnes qui ne sont ni nos enfants, ni nos parents…
Voyons cela de plus près en continuant la journée de Bertrand.
08H30 : BERTRAND ARRIVE AU BUREAU
Bertrand croise une collègue dans le couloir. Ils se disent Bonjour poliment et évoquent la réunion dans laquelle ils vont se retrouver en fin de matinée. Bertrand demande qui sera présent et elle s’enquiert du lieu de la réunion. Nous sommes dans une discussion classique d’échange d’informations. Discussion entre deux états Adultes.
09H00 : BERTRAND SE RETROUVE A LA MACHINE A CAFÉ AVEC DES COLLÈGUES
La discussion commence autour des projets du week-end. Ça s’anime, ça rigole. On retrouve des discussions parallèles, mais cette fois, entre enfants libres. Et oui, il en faut. Nous sommes des êtres émotionnels. Si nous étions constamment en mode Adulte, la vie serait particulièrement terne. Ce sont des bons moments de convivialité et de décompression, personne ne cherchant à se positionner en Parent au milieu de ces Enfants. Et personne ne cherchant un Parent au milieu de ces Enfants. Jusqu’à ce que l’un finisse par dire « bon allez, il faut se mettre au boulot ». Il passe ainsi en état Parent, sans doute d’abord pour lui-même, mais en l’exprimant à haute voix, il créé une rupture par rapport aux échanges qui avaient lieu. A cela, plusieurs réactions :
- Ceux qui restent en Enfant libre et qui ne se préoccupent pas de ce qui vient d’être dit
- Ceux qui passent en Enfant adapté soumis, et qui se disent qu’il a raison. Ils regagnent alors leurs bureaux. C’est ce que fait Bertrand.
- Ceux qui passent en Enfant adapté rebelle, et qui lui rétorquent qu’il est trop sérieux, voire carrément relou et qu’on peut bien encore trainer quelques minutes…
- Peut-être même que d’autres opteront pour l’état Parent Bienveillant en encourageant ceux qui le souhaitent à profiter encore un peu de ce moment
- Et d’autres enfin, en Parent Normatif, rappelleront qu’il ne faut pas être en retard à telle réunion qui ne va pas tarder à démarrer
etc…
09H30 : BERTRAND FAIT UN POINT AVEC L’UN DE SES COLLABORATEURS
Hugo est un membre de l’équipe de Bertrand. A 11H, ils participent tous les deux à une réunion particulièrement importante. Elle a pour but de présenter un projet sur lequel l’équipe de Bertrand et notamment Hugo travaillent depuis presque 6 mois. L’enjeu est fort : cette présentation va notamment être faite devant les membres de la direction pour décider de la suite de ce projet. Bertrand souhaite donc rebalayer la présentation avec Hugo pour s’assurer que tout est OK et que ce dernier passera bien les messages nécessaires sur le fond et la forme afin de convaincre l’assemblée.
Bertrand démarre le point en utilisant son état parent bienveillant. Il accueille chaleureusement Hugo, prend de ses nouvelles et lui demande comment il se sent pour la présentation de tout à l’heure. Car si Hugo fait un super job, il a tendance à ne pas avoir beaucoup confiance en lui. Bertrand le sait et tient à le rassurer, l’encourager et l’aider dans cet exercice. Top me direz vous ! oui mais… en réalité, il s’est instauré depuis le début de leur collaboration des transactions majoritairement Parent / Enfant.
Jusqu’à peu, cette relation convenait parfaitement à l’un et l’autre : Bertrand se sentait ainsi utile et plutôt bon manager, car incarnant parfaitement la posture managériale encouragée dans son entreprise, à savoir un management bienveillant. Hugo, lui, se sentait accompagné et soutenu. Lui qui n’a pas confiance en lui, c’était exactement ce dont il avait besoin comme management.
Mais cela fait presque 2ans qu’ils fonctionnent comme ça. Résultat, à la longue, Bertrand commence à estimer qu’il prend beaucoup de temps et d’énergie à accompagner Hugo. S’il veut évoluer (car il en a le potentiel), il va quand même falloir qu’il gagne en autonomie et qu’il se secoue un peu ! C’est d’ailleurs pour cette raison que Bertrand souhaite que ce soit Hugo qui fasse la présentation aujourd’hui. Cela lui permettra de sortir de sa zone de confort.
Vous sentez le ton ? Petit à petit, Bertrand est en train de basculer d’un Parent Bienveillant à un Parent Normatif. Hugo reste majoritairement en Enfant soumis. Mais son Enfant rebelle commence à se réveiller, réclamant ainsi plus de liberté, d’autonomie, de confiance de la part de son manager etc…
Bref, on a d’un côté Bertrand qui attend que Hugo soit davantage autonome, proactif, moteur…
Et de l’autre côté, Hugo qui aimerait que Bertrand le laisse un peu respirer, arrête de tout contrôler et lui fasse davantage confiance…
Cette fameuse relation Parent / Enfant qui leur convenait et qu’ils ont nourri l’un et l’autre, commence à trouver ses limites. Ils aimeraient sortir de cette relation déséquilibrée, mais ils ne parviennent pas vraiment à s’en défaire. Ils tentent alors chacun de nouvelles choses, mais inconsciemment, restent dans leur état du moi de prédilection (Parent pour Bertrand et Enfant pour Hugo).
Du coup, lors de ce point, très rapidement Bertrand commence à s’agacer de ce qui ne va pas dans la présentation (Parent Normatif) et Hugo se met progressivement sur la défensive. Au départ, il reste en Enfant soumis. Puis petit à petit, son Enfant rebelle s’agite.
Finalement, Hugo bascule en Parent Normatif. Et quand chacun commence à se positionner en Parent Normatif pour juger l’autre, le critiquer, dire ce qu’il faudrait faire, les tensions sont palpables. Chacun s’adresse à l’Enfant de l’autre pour essayer de « dominer ». Et chacun y répond avec son Parent pour dominer l’autre plutôt qu’être dominé. Jusqu’à ce que l’un « craque » et réponde avec son Enfant. Ce que va finir par faire Hugo. Bertrand est son patron. Il a beau ne pas être d’accord avec toutes ses remarques, il voit bien que l’échange ne mène à rien et que c’est Bertrand qui aura le dernier mot.
Hugo reprend donc sa position d’Enfant adapté soumis en apparence en prenant note de tout ce qu’il doit faire d’ici la réunion de 11H. Son Enfant adapté rebelle fulmine à l’intérieur. Pour ne pas exploser, Hugo préfère se taire. Mais aux yeux de Bertrand, il a l’impression d’avoir en face de lui un enfant qui boude…
Bref, nous voilà revenu sur des transactions Parent / Enfant …. En apparence, c’est moins tendu que lorsque les deux sont en Parent Normatif. Mais en réalité, ça ne leur convient pas non plus, et nul doute que ça générera encore des malentendus et crispations par la suite…
11H00 : BERTRAND EST EN RÉUNION
A cette réunion se trouve des homologues de Bertrand ainsi que des membres de la direction dont le manager direct de Bertrand. Hugo déroule sa présentation et cela se passe bien. Il quitte ensuite la salle et démarre alors un échange entre les personnes restées présentes pour décider de la suite à donner à ce projet.
Parmi les homologues de Bertrand, il y a Elisabeth avec laquelle le courant n’est jamais vraiment passé. Bertrand se méfie d’elle. Il a toujours l’impression qu’elle cherche à lui mettre des bâtons dans les roues. Et il n’est pas question qu’elle vienne mettre son nez dans le projet !
Lorsque Elisabeth prend la parole et Bertrand lui répond, il y a clairement des transactions à double fond. En surface et si on ne s’attache qu’aux mots, ce sont 2 Adultes qui se parlent. Au niveau psychologique, l’un et l’autre cherchent à prendre le dessus…
Avec les autres personnes présentes, les transactions sont davantage parallèles entre états Adultes.
Jusqu’à ce que le manager de Bertrand lui demande si Hugo est vraiment la bonne personne pour piloter le projet. Dès qu’il parle avec son Parent, automatiquement Bertrand répond avec son Enfant. Ce qui ne le met pas à l’aise et lui laisse un drôle de sentiment. Il se sent dans l’obligation de se justifier, de se battre pour une décision qu’il a prise en toute connaissance de cause, après avoir pesé le pour et le contre… Il aimerait bien que son patron ne remette pas en cause ses décisions…
12H30 BERTRAND REJOINT UN AMI POUR LE DÉJEUNER
Bertrand décompresse de sa matinée en déjeunant avec son meilleur ami. L’un et l’autre jonglent en harmonie avec leurs différents états du moi. Par exemple, tous les deux utilisent :
- Leur état Enfant pour décider ce qu’ils ont envie de manger
- Leur état Parent lorsqu’ils parlent politique et expriment leurs avis sur le gouvernement et ce qu’il faudrait faire
- Leur état Adulte lorsqu’ils évoquent les démarches qu’ils sont en train d’entreprendre pour un projet futur
Les transactions restant à chaque fois des transactions parallèles, le déjeuner est plaisant et reposant pour l’un comme pour l’autre.
13H45 BERTRAND SE FAIT ARRÊTER PAR LA POLICE
Après cette agréable pause déjeuner, et alors qu’il n’a que quelques kilomètres à faire en voiture entre le resto et le bureau, pas de bol, Bertrand se fait arrêter par la police. Contrôle des papiers du véhicule.
Alors que le policier parle avec son état Adulte à l’état Adulte de Bertrand, c’est l’Enfant rebelle de Bertrand qui répond, venant ainsi chercher inconsciemment l’état Parent du policier. Ce dernier tente malgré tout de ne pas rentrer dans ce jeu, en restant en mode Adulte. Cependant, au deuxième appel du pied de Bertrand, il finit par craquer et se positionner en Parent, et notamment en Parent normatif. Et là, vous l’avez compris maintenant, ça risque de s’envenimer… Je n’irai donc pas plus loin dans les mots échangés. Je peux juste émettre l’hypothèse que si Bertrand avait répondu avec son état Adulte, tout aurait sans doute été différent.
Pourquoi Bertrand a-t-il réagi comme ça ? Alors même qu’il ne semblait pas y avoir de transactions à double fond ?
La transaction Parent/Enfant est la première et presque la seule transaction que nous vivons dans nos premières années. C’est donc une transaction très naturelle pour nous. Nos parents incarnent l’autorité et le soutien et nous apprenons à y répondre en écoutant sagement et en testant le NON. En grandissant, nous élargissons les figures d’autorité et de soutien à nos instituteurs, professeurs, adultes de références, experts en tout genre, politiques, représentants de l’ordre, dirigeants, managers etc… Naturellement quand nous nous trouvons en face de ces personnes, notre enfant est stimulé. Un enfant adapté soumis ou rebelle. Et donc, bien des fois, alors que cette figure d’autorité et/ou de soutien nous parle en Adulte, nous pouvons naturellement nous positionner en Enfant. Nous envoyons alors un message au Parent de l’autre, qui aura de forte chance d’y répondre soit par un Parent bienveillant, soit par un Parent normatif (car rappelons le, ne pas répondre en Parent quand l’autre nous parle avec son état Enfant, est un vrai challenge !).
A l’inverse, en grandissant, en fonction de ce qu’on incarne, nous allons, nous aussi, apparaitre aux yeux de certains, comme une figure d’autorité et/ou de soutien. Pour ces personnes, même si nous, nous ne les voyons pas comme des Enfants, il y a de fortes chances, qu’elles s’adressent à nous avec leur état Enfant et que donc spontanément ce soit notre état Parent qui réponde.
Enfin, d’autres, parce qu’ils se sentent « au dessus », disposant d’une expertise ou d’un savoir particulier, se positionnent naturellement en Parent, provoquant ainsi instantanément un état Enfant chez les autres, avec toutes les réactions possibles que cela implique.
Cette fameuse infantilisation dont on parle tant actuellement est donc en partie liée au positionnement de l’autre, mais aussi et surtout à la façon dont on se positionne par rapport à l’autre.
Quand on cherche à imposer, à montrer notre savoir, à donner des conseils, à aider les autres, on génère naturellement une relation Parent / Enfant.
Quand on cherche de l’aide, un mentor, un soutien, un sachant, un sauveur, un décideur, on génère aussi naturellement une relation Parent / Enfant.
Et quand bien même, cette relation peut nous convenir au départ, il y a toujours de fortes chances qu’on s’en plaigne à un moment ou à un autre. C’est exactement ce qui se passe entre Bertrand et Hugo.
15H00 BERTRAND REFAIT LE POINT AVEC HUGO
Bertrand doit informer Hugo des décisions prises à la suite de sa présentation. Il veut lui faire passer le message qu’il a du se battre pour qu’Hugo reste à la tête du projet et qu’il a donc intérêt à assurer !
Bertrand s’efforce de rester dans l’état adulte. Mais voilà, la relation s’étant construite depuis longtemps sur des transactions Parent / Enfant, l’un comme l’autre recontactent très vite leurs états habituels dans leur relation.
Hugo se sous-estime et évoque ses doutes. Bertrand tente de le rassurer, lui donne des conseils pour la suite. Hugo écoute, prend des notes, mais il y toujours un « oui mais… ». Bertrand s’agace, montre à quel point il fait tout pour Hugo et lui exprime ce qu’il attend en retour. Hugo trouve ces remarques injustes et renvoie la balle à Bertrand en remettant en question son accompagnement. Ce dernier se défend et pointe du doigt le comportement d’Hugo. etc…
Et c’est reparti pour un tour ! bienvenue dans le triangle dramatique (appelé aussi triangle de Karpman).
C’est un triangle dans lequel nous rentrons tous. C’est humain. Mais on n’en sort jamais gagnant. Il est donc préférable de ne pas s’y enfermer. Et pour cela, le mieux est de reprendre un état Adulte. (pour en savoir + sur ce mécanisme, découvrez l’article Comment structurez-vous votre temps ?)
Quand on est coincé la dedans, on a tendance à attendre que ce soit l’autre qui fasse le premier pas (« arrêtez de me persécuter ! » « arrêtez de faire la victime ! » « arrêtez de m’infantiliser ! »). Sauf que, à ce jeu là, on peut, non seulement attendre longtemps, mais aussi ne pas voir quand l’autre a fait ce pas et ainsi le faire replonger aussi vite qu’il en était sorti.
Je m’explique : imaginons que nous en sommes à un stade où Hugo se positionne en victime et Bertrand en persécuteur. Leur échange se termine là. Ils se revoient la semaine suivante sur un sujet totalement différent. Bertrand s’efforce de rester concentré sur le sujet, d’être le plus neutre et objectif possible avec Hugo, d’autant plus que, n’oublions pas, il l’estime beaucoup et estime beaucoup son travail. Sauf qu’Hugo, lui, rumine tout ça depuis une semaine. Voire même avant. Du coup, si Bertrand est sorti du rôle du persécuteur et sollicite son état Adulte, Hugo est resté en victime et en état Enfant.
Maintenant vous le savez, en se positionnant comme cela, il sollicite spontanément l’état Parent de Bertrand. Celui-ci pourra résister à la première, à la deuxième ou encore à la troisième transaction, mais si Hugo continue comme ça, ce sera plus fort que Bertrand, il se repositionnera en Parent et donc soit en sauveur, soit en persécuteur.
Et ce sera reparti pour un énième tour…
16H30 BERTRAND EST À NOUVEAU EN RÉUNION
C’est une réunion avec moins d’enjeux pour Bertrand. Il est serein, concentré. Il pose des questions, utilise à 100% son état Adulte. Mais il sent bien une certaine tension dans la salle. Il ne comprend pas vraiment les raisons et ne saurait objectivement pas expliquer pourquoi il perçoit cela. Sans doute des transactions à double fond et des personnes prises dans les mailles du triangle dramatique. Ouf, il est en dehors, et il compte bien y rester 😉
19H00 BERTRAND RENTRE À LA MAISON
La journée de Bertrand a été bien remplie ! Il est heureux de rentrer à la maison et retrouver sa femme et ses filles.
Spontanément, il demande à sa femme à quelle heure ils vont manger. Et à sa grande surprise, sa femme explose. Elle s’agace, lui dit que s’il n’est pas content, il n’a qu’à faire à manger etc…Bertrand est surpris. Il posait une simple question. Il a fait appel à son état Adulte et sollicitait l’état Adulte de sa femme.
Tout à l’heure, après sa dernière réunion, il a lu un article sur les états du moi et les transactions. Il comprend que sa femme vient de lui répondre avec son état Parent. Et il sent bien d’ailleurs, à l’intérieur de lui, que son Enfant, et notamment son Enfant rebelle a envie de répondre et de se défendre. Mais il a bien compris que ça ne faisait qu’alimenter le conflit. Alors, il décide de ne pas se faire infantiliser en rentrant dans le rôle du rebelle ou du soumis, et de ne pas infantiliser non plus sa femme en jugeant sa réaction.
Il s’efforce alors de rester en Adulte et de mettre en pratique quelques éléments de la communication non violente qu’il a eu l’occasion de voir lors d’une formation :
« je posais une question sans aucun sous-entendu. Je suis désolé si j’ai pu faire quelque chose qui te laissait entendre l’inverse. J’ai l’impression que tu es contrariée et sans doute pour autre chose que ma question. Tu veux bien m’expliquer ce qui t’arrive ? »
La femme de Bertrand est désarçonnée par cette réaction inhabituelle. Elle avoue confuse qu’elle vient de passer une mauvaise journée. Bertrand par ses mots et son attitude lui montre qu’il est à son écoute totale. Il utilise alors à escient un peu de son Parent bienveillant pour réconforter et encourager sa femme à parler, et aussi un peu de son Enfant libre pour la faire sourire, et beaucoup de son Adulte pour l’écouter pleinement et lui poser des questions.
Bref, comme toujours, en conclusion, j’ai envie de vous dire que tout est une question de conscience de soi, d’équilibre et d’action personnelle.
– De conscience de soi car plus on connait ces concepts, plus on apprend sur soi et ses mécanismes, plus on comprend les pièges dans lesquels on peut tomber et donc plus, on peut y être vigilant. Mais nous sommes et restons des êtres humains avec nos limites, et donc même en sachant tout ça, nous continuerons de temps en temps de nous comporter comme des parents pour essayer de dominer quelqu’un, et comme des enfants quand une figure d’autorité nous conseille quelque chose ou nous juge. Et c’est OK. L’important est juste de s’en rendre compte pour ne pas s’enfermer dans ces mécanismes.
-D’équilibre car, comme pour nos dialogues internes, le but n’est pas de réagir toujours en adulte. Plus on utilise tous nos états, plus nous sommes équilibrés à l’intérieur de nous et plus nous avons également des relations équilibrées avec les autres.
– Enfin, d’action personnelle car, nous avons toujours le pouvoir d’agir d’une façon ou d’une autre pour que les relations soient plus satisfaisantes. Personne ne peut nous infantiliser lorsqu’on sait se mettre en Adulte. Et personne ne peut nous faire prendre le rôle du responsable lorsqu’on sait aussi se mettre en Adulte. C’est un travail difficile, une vigilance de tous les jours, beaucoup d’efforts. Mais ça fonctionnera toujours mieux que d’accuser l’autre et d’attendre qu’il change.
Voilà, vous êtes maintenant dotés de lunettes d’analyse transactionnelle. Amusez-vous à les chausser pour observer les transactions entre les autres et identifier les états du moi . Et amusez-vous aussi à le faire pour vous : identifiez vos propres états du moi en réaction lorsque quelqu’un vous parle en Adulte, en Parent bienveillant, en Parent Normatif, en Enfant etc… Et testez différentes réponses pour apprécier l’impact que cela a sur l’autre et sur la qualité de l’échange.
Belles transactions 😉
Marion