Commençons cet article par une petite expérimentation :
Prenez 10 secondes pour mémoriser le plus d’éléments verts se trouvant dans la pièce autour de vous.
Au bout de ces 10 secondes, revenez vers votre écran. Je compte sur vous pour garder les yeux rivés ici et ne pas tricher, pour répondre aux questions suivantes :

– Combien d’éléments verts avez-vous mémorisés ? plus de 10 ? entre 5 et 10 ? moins de 5 ? Listez-les à haute voix et comptabilisez votre score ;

– Et maintenant, toujours en gardant vos yeux rivés sur cet écran, combien d’éléments bleu pouvez-vous lister ?

À moins que vous vous trouviez dans une pièce que vous connaissez bien et donc que votre mémoire moyen et long terme soit venue à votre secours, il y a de fortes chances que vous ayez du mal à citer plusieurs éléments bleus.

Pour quelle raison ? Notre attention ne peut pas être focalisée à 2 endroits en même temps. Nous captons, par l’ensemble de nos sens, un nombre incroyable d’informations chaque seconde. Tout cela ne peut pas arriver à notre conscience. Nous croulerions sinon sous une tonne d’informations que nous ne saurions pas traiter. C’est pourquoi, nous disposons d’une fonction appelé système d’activité réticulaire (SAR). Le SAR a pour objectif de filtrer les informations et de transmettre à notre conscience uniquement ce qui semble pertinent pour nous de remarquer à ce moment précis. C’est donc lui qui dirige notre attention. C’est ce qui explique par exemple que lorsque vous êtes en réflexion pour acheter un modèle de voiture précis, vous avez d’un seul coup l’impression de voir précisément ce modèle partout.

Le SAR est un véritable radar, qui dès qu’il juge une information importante pour nous, va la transmettre à notre conscience. Et cela pour le meilleur et pour le pire…
En effet, imaginons que vous êtes convaincus que l’un de vos collègues ne vous apprécie pas. Vous devez cet après-midi travailler avec lui pendant 2H et vous appréhendez donc cette réunion. Votre SAR va alors être focalisé sur la réception de toutes les informations qui viendront alimenter cette pensée. Tous les signaux inverses ne seront pas transmis, ou vous leur accorderez moins d’importance (comme vous avez accordé moins d’importance aux éléments bleus lors de l’expérimentation).

Je vous laisse imaginer le rôle et l’impact de notre SAR, lorsque nous nous levons le matin en étant convaincus que ce sera une mauvaise journée vs convaincus que nous allons passer une merveilleuse journée…

D’autre part, vous avez peut-être déjà entendu dire que notre cerveau ne prenait pas en compte les négations. Si je vous dis de ne pas penser à un éléphant. Avant même de prendre totalement conscience de la consigne, vous aurez sans doute déjà visualisé un éléphant…

C’est toujours notre SAR qui est à l’œuvre. Si nous avons pour objectif de fuir quelque chose, celui-ci va solliciter notre attention à chaque fois qu’une information apparait comme nécessitant notre vigilance par rapport à cet objectif. Donc par exemple, si j’ai en tête d’arrêter de manger des choses trop sucrées, mon SAR focalise mon attention sur tout ce qui représente un danger pour moi, car trop sucré. Autant dire que c’est assez contre-productif et que je vais finir par craquer à force d’avoir l’impression que tout le monde s’est ligué contre moi pour me mettre sous le nez justement ce que je cherche à fuir !

Tout cela pour dire que la formulation de nos objectifs a toute son importance… Entre « j’espère qu’on ne va pas se prendre la tête avec mon collègue » et « j’ai l’intention de réussir à travailler de manière constructive avec mon collègue » ou entre « je ne veux plus manger de choses trop sucrées » et « je veux manger des aliments sains », l’impact sur notre cerveau est considérable. Voilà donc un point de départ essentiel pour reprogrammer son cerveau.

Certains professionnels vont encore plus loin dans la reprogrammation de leur cerveau, en associant objectif positif et exercice de visualisation. Ils se servent alors des pouvoirs incroyables de leur inconscient. C’est par exemple le cas des chirurgiens, ou des sportifs de haut niveau. Se voir réussir, ressentir les émotions de cette réussite, percevoir par tous ses sens ce qui se passe autour, imaginer comment on a réussi… Tout cela les conditionne et conditionne leur cerveau à saisir, lors de l’épreuve réelle, toutes les informations aidantes pour atteindre leurs objectifs, et à accorder moins d’importance à tous les signaux venant contredire leur conditionnement. On imagine également aisément que cela donne aussi forcément plus d’énergie de s’imaginer gagnant, plutôt que battu d’avance…

Mais si dans le cadre du sport, on admet assez facilement qu’on a plus de chance de gagner avec un état d’esprit de winner, pourquoi ne l’applique-t-on pas davantage dans notre vie quotidienne ?

L’une des raisons est que l’on s’interroge rarement sur notre objectif, notre intention de départ… Mais c’est pourtant à partir de notre intention, que notre attention se dirigera vers telle ou telle information

« Le cerveau n’est pas fait pour donner des résultats, il suit des directions. Si vous savez comment fonctionne votre cerveau, vous pouvez alors définir vos propres directions »
Richard Bandler

Prenons un exemple : imaginons que vous êtes agacés car vous estimez que votre conjoint ne participe pas assez aux tâches ménagères.
Ce soir, « comme toujours » vous n’avez pas eu une seconde pour vous depuis que vous êtes rentrés à la maison. Votre conjoint arrive et met les pieds sous la table en se plaignant de sa journée harassante. Aucune question sur votre journée à vous et encore moins de reconnaissance sur le diner que vous avez préparé… Votre machine à ruminations fonctionne à plein régime ! Vous bouillonnez en repensant à tout ce que vous faites quotidiennement et au manque de considération de votre conjoint. Résultat, le moindre fait et geste de votre moitié vous exaspère et vous vous énervez d’avance à l’idée qu’il ne comprenne pas tout seul qu’il doit réagir et faire les choses autrement.  Alors vous ne lésinez pas sur les moyens pour montrer votre exaspération pendant tout le diner… L’ambiance est tendue… 

femme énervée

 Je pense qu’on pourra tous se reconnaitre dans ce type de réactions… 😉

Mais dans ce cas, quelle est réellement notre intention ? Que notre conjoint nous aide ? ou montrer que nous avons raison d’être agacé ?
Dans le 1er cas de figure, notre SAR nous conduira sûrement à saisir le moment favorable pour exprimer ce que nous avons sur le cœur et demander de l’aide et du soutien à notre conjoint.
Dans le 2ème cas de figure, notre SAR nous amènera à une comptabilité insidieuse des points : « voilà tout ce que je fais par rapport à lui ». Et autant dire que ce qu’il a pu faire à côté pour le foyer est totalement occulté ou ne semble pas rapporter beaucoup de points…

Notre intention est-elle alors de gagner (obtenir son aide) ou d’avoir raison (montrer que nous sommes indispensables pour faire tourner correctement cette maison et que nous ne sommes pas reconnus à notre juste valeur ! ) ? C’est une question cruciale car dans nombre de nos difficultés et notamment dans nos conflits avec les autres, on peut avoir tendance à focaliser notre intention sur le fait que l’autre est le problème, plutôt que de focaliser notre intention sur le fait de trouver une solution avec l’autre…

Vous l’aurez donc compris, au démarrage du programme de notre cerveau, il y a le conditionnement que nous lui mettons. Plus nous avons une intention bien définie et positive, plus nous aurons de chance de vivre une situation satisfaisante.

Ce n’est cependant pas simple, car naturellement, notre cerveau est programmé sur un mode négatif. C’est l’héritage de notre cerveau reptilien qui nous amène à focaliser d’abord sur ce qui pourrait être signe de danger pour nous. C’est pour cette raison que nous avons toujours plus de facilité à définir ce que nous ne voulons plus, plutôt que ce que nous voulons. Sauf que, comme vous l’avez désormais compris, pour notre SAR, « ce que nous ne voulons plus » est traduit par « ce que nous voulons »…

Autre biais cognitif qui ne joue pas en notre faveur : le biais de confirmation. Notre cerveau aime avoir raison. Donc quand bien même, nous captons des informations qui vont contredire notre 1ère opinion, nous aurons tendance à leur accorder moins d’importance qu’aux informations soutenant notre thèse.

Ainsi certaines études estiment que sur les 60 000 pensées que nous avons par jour, 80% sont négatives et 95% seraient les mêmes que la veille… Vous voyez le cercle vicieux qui peut s’instaurer ? Disons que dans ce cas, vous portez des lunettes bleues.

Le but est d’essayer de nouvelles lunettes. Imaginons les vertes ; elles génèrent un cercle vertueux en définissant des objectifs positifs, en étant tourné vers les solutions plutôt que les problèmes, et en restant ouvert à d’autres informations et possibilités.

Carol Dweck, professeur de Psychologie à Stanford, a étudié comment la vie des gens étaient influencée en fonction de leur état d’esprit et donc de la couleur des lunettes qu’ils portent.

Dans son livre “Osez réussir ! Changez d’état d’esprit”, elle explique qu’il existe deux types de personnes : ceux qui ont un état d’esprit de développement (appelé “growth mindset”) et ceux qui ont un état d’esprit fixe (fixed mindset). D’après ces travaux, ceux qui adoptent un état d’esprit de développement sont plus heureux et ont plus de réussite dans leur vie.

Travaux Carole Dweck

Lorsque l’on porte les lunettes bleues de l’état d’esprit fixe, on a tendance à croire qu’on ne peut pas faire grand-chose à ce qui arrive. Par exemple, nos qualités, nos aptitudes et notre personnalité sont définies. C’est comme ça… c’est notre nature… Pour nos points faibles, il en est de même. On ne peut rien y faire. Donc à quoi bon faire des efforts et subir des critiques ? Cependant, comme tout le monde, on cherche à être apprécié par les autres. Ce qui nous pousse à essayer au maximum de cacher nos points faibles et à prendre le moins de risques possibles afin de ne pas être pris à défaut. 

Lorsque l’on porte les lunettes vertes de l’état d’esprit de croissance, on croit peu en l’inné. Pour nous, tout peut se développer et s’améliorer si l’on s’en donne la peine. Les challenges nous font moins peur et même face aux difficultés, voire à l’échec, on parvient à en tirer des enseignements pour progresser et éviter de reproduire les mêmes erreurs.

“Nos états d’esprit sont une part importante de notre personnalité, mais nous pouvons en changer. Simplement en connaissant les deux états d’esprit, vous pouvez commencer à penser et à réagir de nouvelles manières.” Carol Dweck

Personnellement, je mettrai davantage de nuance à cette vision binaire. Nous avons une capacité à jongler avec les 2. Et puis, souvenons-nous petits, nous étions tous avec des lunettes vertes. Sans ça, nous n’aurions jamais appris à marcher, à parler etc… Mais aujourd’hui adulte, lié à notre éducation, notre histoire de vie, nos croyances, nous avons spontanément une paire de lunettes avec laquelle nous nous sentons plus à l’aise. La bonne nouvelle, c’est que si vous prenez conscience que vous avez tendance à porter des lunettes bleues, vous savez désormais que des lunettes vertes sont disponibles et qu’il ne tient qu’à vous de les essayer. Ce sont notamment les découvertes sur la neuroplasticité qui nous permettent aujourd’hui de dire que l’on peut continuer d’apprendre et d’évoluer à tout âge. Nous ne sommes donc pas enfermés dans nos connaissances et dans notre état d’esprit.

Et bonne nouvelle également : c’est bien sûr aussi le cas pour les gens qui nous entourent.
Donc arrêtons par exemple en entreprise de dire que les salariés sont réfractaires au changement ! car cela nous amène à les classer directement dans la catégorie « fixed-minded », à ne sélectionner alors que les informations et comportements allant dans ce sens, et ainsi à nourrir nous-même la situation que l’on cherchait à combattre.
Si notre état d’esprit est donc essentiel, l’état d’esprit que l’on prête aux autres est tout aussi important.
Dans l’exemple précédent, sur la scène du diner, si Madame a un esprit de développement et accorde le même état d’esprit à son mari, alors, elle aura confiance sur le fait qu’une discussion sera plus efficace que des ruminations.
Et ce qui est drôle, c’est qu’en général, lorsqu’on commence à reprocher à l’autre d’être buté et donc en esprit fixe, c’est que, nous-même, sommes tombés dans cet état d’esprit… 😉

Alors en résumé pour reprogrammer notre cerveau :
1/ Prenons conscience de notre programme naturel. S’il nous semble aidant, parfait ! sinon, rassurons-nous, ce n’est qu’un programme parmi d’autres.
2/ Formulons des objectifs positifs
3/ Amusons-nous à visualiser la réalisation de nos objectifs. Ressentons pleinement ce que cela nous procure intellectuellement, physiquement et émotionnellement.
4/ Dès qu’une situation ne nous satisfait pas, rappelons-nous que nous avons le pouvoir d’agir. Interrogeons-nous sur notre programme en cours. Il est alors fort à parier que nous serons dans l’un des 4 points du fixed minded. Entrainons-nous alors à prendre le contre-pied.
5/ Enfin, soyons positif et bienveillant envers vous-même : distinguons ce que nous faisons de ce que nous sommes, célébrons nos victoires et félicitons-nous de ce que nous avons encore appris aujourd’hui.

lunette verte

Alors maintenant, si ce que vous vivez ou voyez ne vous convient pas, pensez à changer de programme ou de lunettes 😉

Marion

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