Robin n’arrive pas à avancer sur son projet entrepreneurial. Pourtant, c’est un projet qui lui tient à cœur. Cela fait plusieurs années qu’il a une idée en tête. La crise du covid a été un déclencheur pour lui. Il a décidé de quitter son CDI et de se consacrer à 100% à son projet en se lançant dans l’aventure entrepreneuriale. Oui, mais voilà, depuis presque 5 mois qu’il est à la maison, il n’a pratiquement pas avancé. Au départ, il a voulu profiter un peu de sa famille, de ses amis, de la maison. Mais aujourd’hui, à la fois, il souhaite avancer et en même temps, il traine, n’arrive pas à s’y mettre réellement et passe la majeure partie de son temps sur tout autre chose.  Résultat, il se met à douter de ses choix, de ses capacités. Il perd confiance en lui, en son projet… Il en vient même à regretter le cadre de l’entreprise. Il se dit qu’il n’est finalement pas fait pour bosser seul devant son écran, sans compte à rendre à personne. Il est convaincu qu’il a besoin d’éléments extérieurs pour le motiver. Il décide donc de faire appel à du coaching.

Après avoir écouté Robin, je lui explique les 2 types de motivation, notamment mises en lumière par Decy et Ryan :

  • La motivation extrinsèque : l’action est générée par rapport à un élément extérieur. C’est le fameux système de la carotte et du bâton
  • La motivation intrinsèque : l’action est conduite par l’intérêt et le plaisir que la personne trouve dans cette action, indépendamment de récompenses ou punitions externes.

Les études montrant que c’est la motivation intrinsèque qui est la plus puissante, je propose donc à Robin que l’on travaille à la retrouver, plutôt que de mettre en place avec moi ou quelqu’un d’autre une motivation extrinsèque qui le fera peut-être redémarrer plus vite dans un premier temps, mais dont les ressorts s’épuiseront aussi plus rapidement..

Notre motivation, qu’elle soit intrinsèque ou extrinsèque, a besoin d’être entretenue. C’est comme si notre motivation était un grand feu, qui brûle à l’intérieur de nous et nous donne ainsi toute l’énergie pour avancer. Mais ce feu ne s’entretient pas tout seul. Il a besoin d’être nourri. Alors, on peut attendre des autres qu’ils entretiennent ce feu pour nous en remettant des bûches de temps en temps, mais on peut aussi entretenir notre feu nous-mêmes. Et pour cela, rien de mieux que de savoir comment il fonctionne et disposer de quelques allumettes pour pouvoir redonner un peu de vigueur à ce feu quand on sent qu’il faiblit.

allumette flamme

L’équation de la motivation, proposée par Bernard Anselem et Emmanuelle Joseph Dailly dans leur livre Les talents cachés de votre cerveau au travail nous donne des indications précieuses sur les éléments à nourrir pour alimenter ce feu :

MOTIVATION =

  (BESOINS x AMÉLIORATION ATTENDUE)
 ________________________________________________
                     EFFORTS À FOURNIR

Regardons de plus près, chaque élément de cette équation :

BESOIN :

« si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas des hommes et des femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose…. Si tu veux construire un bateau, fais naitre dans le cœur des hommes et des femmes le désir de la mer » Antoine de St Exupéry

Le besoin de sens est aujourd’hui largement reconnu en entreprise. Pourtant, si on comprend qu’il est extrêmement puissant pour mettre des gens en mouvement, bizarrement, on se l’applique rarement à soi-même.

Quand je demande à Robin ce qu’il l’a amené à vouloir travailler sur son projet entrepreneurial, il m’évoque d’abord, tout ce qui fait qu’il n’était plus épanoui dans son précédemment job. Je repose plusieurs fois la question et Robin reste focus sur ce à quoi il voulait échapper. Ça explique déjà une partie de sa perte de motivation car ça y est, il a quitté son job et donc réellement échappé à tout cela. Ce n’est donc plus moteur pour lui. La vraie question maintenant est « que souhaitez-vous à la place ? », « quelles sont vos aspirations professionnelles ? » (Pour en savoir + sur l’impact du sens et la définition d’un objectif, découvrez l’article Reprogrammons notre cerveau )

Plus on va en profondeur dans les réponses et plus on va trouver des moteurs intrinsèques et même des valeurs. Et là, le sens se révèle. L’énergie se remobilise naturellement car ça vient toucher quelque chose de puissant à l’intérieur de la personne.

En creusant donc avec Robin, on met à jour un besoin fort de contribuer à quelque chose de plus grand. Ses valeurs autour de l’altruisme, de l’écologie, du mieux vivre ensemble sont totalement à la racine de son projet. En se rappelant cela, Robin se reconnecte à ce qui l’anime profondément. Ce qui redonne instantanément du cœur et du sens à l’ouvrage.

Action 1 pour entretenir sa flamme : rattacher notre action à un sens fort pour nous, en lien avec nos valeurs

Cependant, ça ne suffit pas toujours. En effet, d’autres motivations peuvent rentrer en conflit avec ce besoin. C’est ce qu’on appelle des motivations secondaires ou contraires.

Quand je demande à Robin comment il réussit à ne pas avancer sur son projet, il m’explique qu’il passe beaucoup de temps avec sa famille. Il veut « rattraper le temps perdu », toutes ces soirées et ces week-ends où son esprit était au travail au lieu d’être pleinement avec ses proches. Sa décision professionnelle et le contexte actuel qui amène toute la famille à être davantage à la maison sont pour lui des opportunités incroyables de passer enfin plus de temps avec eux. Mais, comme pendant des années, Robin juge ne pas avoir réussi à concilier le pro et le perso, il est convaincu que c’est une fatalité. Et donc se consacrer à son projet professionnel, ce serait automatiquement, à nouveau, remettre sa vie de famille au second plan, ce qu’il ne souhaite pas. L’échange avec Robin consiste donc à envisager ces deux motivations comme étant complémentaires et non contraires, et voir les pistes d’action pour trouver le juste équilibre entre les deux.

Action 2 pour entretenir sa flamme : concilier des motivations qui peuvent paraitre opposées

Au bout de 2 séances, Robin est remonté à bloc. Il avance énormément sur son projet en très peu de temps. Mais pouf, ça retombe aussi vite que c’était remonté. Il arrive à une séance fatigué, tendu et la tête dans le guidon, comme il dit. Certes ça avance. Mais plus il avance et plus il a l’impression qu’il y a encore davantage de choses à faire. Impression tout à fait normale.

Dans ces moments où nous sommes pris par notre do to list, où les « comment » (comment faire ceci, comment avancer vers cela..), envahissent nos pensées, il est important de remettre au-devant de la scène le « pourquoi ». Car le sens est notre moteur, mais on l’oublie vite, lorsqu’on est absorbé par le chemin à parcourir.  Et là, c’est le risque de revenir à la panne sèche.

Action 3 pour entretenir sa flamme : garder toujours en tête le « pourquoi » 

AMELIORATION ATTENDUE :

« Si vous pouvez le rêver, vous pouvez le faire. » Walt Disney

Lors de la même séance que celle où Robin est arrivé fatigué et la tête dans le guidon, je l’invite à se projeter dans le futur et à imaginer en quoi sa vie sera meilleure quand il aura atteint son objectif.

Pour cela, des exercices de visualisation sont très puissants. Ils permettent de voir, d’entendre et de ressentir ce que cela génère autour de soi et pour soi lorsqu’on a réussi. Si on ne perçoit pas de différence avec la situation actuelle, alors effectivement, à quoi bon fournir des efforts ? Mais en général, lorsque je fais faire cet exercice, les personnes se connectent à des sensations très positives et agréables. Je vois alors des sourires apparaitre, des épaules se décontracter, des personnes se redresser.

La visualisation est un outil particulièrement puissant, car il vient connecter la personne à des ressentis et des émotions. Rappelons que le mot émotion vient du latin motion qui signifie mouvement. Ce sont nos émotions qui nous font mettre en mouvement. Bien plus que notre volonté. Je sais que, dans notre société, nous aimons croire à la puissance de notre tête, mais entre la tête et le cœur, c’est toujours le cœur qui gagne. Ce sont nos émotions qui nous guident. Si je ressens de la joie, j’active des neurotransmetteurs comme la dopamine. C’est tellement agréable comme sensations, que cela crée une dépendance et que je vais donc à tout prix chercher à nouveau cet état. C’est alors un cercle vertueux qui se met en marche. 

Ressentir cela en anticipation permet d’activer profondément notre motivation intrinsèque. Ça vaut tous les « il faut », « je dois » qu’on peut se répéter à longueur de temps et qui ont tendance au fur et à mesure à nous couper l’élan et à nous faire culpabiliser quand on ne parvient pas à les écouter. (Pour en savoir + sur nos dialogues internes, découvrir l’article  Tu n’es pas seul dans ta tête et c’est une bonne chose)

Faut que je me secoue

Action 4 pour entretenir sa flamme : visualiser ce que le résultat attendu va apporter de bon pour nous et pour notre environnement

EFFORTS A FOURNIR

« celui qui déplace une montagne commence par déplacer les petites graines » Confucius

Ça parait évident dis comme ça, mais souvent, c’est l’ampleur de toute la tâche que l’on voit, et alors, on se sent dépassé par tout ce qu’il y aurait à faire. Il est alors préférable d’opter pour ce qu’on appelle la méthode des petits pas. Et c’est celle que Robin doit reprendre pour avancer dans son projet. En effet, tant qu’il était salarié, le temps qu’il pouvait consacrer à son projet était réduit. Il se mettait donc des petites tâches à faire régulièrement. À partir du moment où il a pu consacrer tout son temps sur son projet, il a grossi les tâches. Ce qui a fini par entacher sa motivation 😉

methode des petits pas

Action 5 pour entretenir sa flamme : opter pour la méthode des petits pas

L’estimation des efforts à fournir est particulièrement subjective. Elle varie selon notre moral, notre énergie, la longueur de notre to do list…. D’où une motivation fluctuante.

Beaucoup de ces choses sont liées à notre sentiment d’autoefficacité, c’est-à-dire nos croyances en nos capacités à réaliser/réussir quelque chose. En fonction des jours, on peut douter plus ou moins de ses compétences, de soi, on peut aussi ressentir des peurs de façon plus ou moins forte. Tout ça est totalement normal.

Avec Robin, nous regardons chacune de ses peurs et explorons ce qui se cache derrière et comment sécuriser au maximum pour que ces craintes soient acceptables et non plus paralysantes. (Découvrez toutes les peurs qui émergent en général lorsqu’on souhaite changer de voie professionnelle dans cet article : J’voudrais bien mais jpeux point : nos excuses préférées pour ne pas suivre nos aspirations professionnelles)

Action 6 pour entretenir sa flamme : ne pas nier ses peurs. Au contraire, les regarder bien en face, comprendre ce qu’elles signifient et tenter d’y répondre pour les enlever ou les atténuer

D’après Daniel Pink dans son livre la vérité sur ce qui nous motive, il existe 3 grands leviers pour alimenter notre motivation intrinsèque.

  • L’autonomie : être libre dans la manière de faire les choses, le « comment ». Et c’est d’ailleurs bien souvent cela qui anime les personnes qui souhaitent devenir leur propre patron ;
  • La finalité : c’est le sens, le pourquoi, évoqué en début d’article ;
  • La maitrise : réaliser des missions ni trop simples, ni trop difficiles.

On retrouve dans ce dernier levier la notion de flow. Vous savez, ce sont ces moments où nous sommes tellement absorbés dans une activité, qu’on en oublie toute notion du temps et de ce qui nous entoure. Et bien, pour être dans ce flow, il faut que nous nous sentions pleinement dans nos compétences et, en même temps, qu’il y ait un peu de difficultés. Et oui, sinon, c’est l’ennui qui pointe le bout de son nez. Pour nous motiver, il ne faut donc pas que les efforts à fournir soient nuls ! il faut qu’ils soient à un juste niveau pour être ni dans l’ennui, ni dans le stress (générant de la fatigue, de la tension, de la peur de ne pas y arriver…).

Si Robin s’éclate dans l’avancée de son projet, force est de constater qu’il y a quand même des jours où c’est moins fun pour lui. Il me dit en effet avoir l’impression de faire ce qu’il a déjà fait tant de fois en entreprise. Ces choses-là, il les maitrise parfaitement. Il n’y a pas de peur. Mais un ennui total. Il a bien sûr conscience que ça fait aussi partie du jeu. Si c’est bien normal de ne pas être ultra-motivé dans ces moments-là, le souci, c’est que Robin a pris l’habitude de concentrer toutes ces tâches-là sur une seule journée. En fait, certaines sont prévues depuis longtemps, mais il repousse et repousse encore. Jusqu’au jour où il n’a plus le choix. Mais voilà, il se retrouve avec une journée où sur sa to do list, il n’y a que des activités qui l’ennuient… Il prend donc conscience qu’il doit s’organiser différemment pour mieux équilibrer ses activités.

Action 7 pour entretenir sa flamme : intercaler les activités non motivantes au milieu d’activités de flow (ou encore mieux si c’est possible, les déléguer)

Notre motivation et la perception de nos efforts à fournir peuvent aussi varier en fonction de notre environnement. Il paraitrait que nous sommes la moyenne des 5 personnes avec lesquelles nous passons le plus de temps. Si vous passez beaucoup de temps avec des personnes pessimistes, qui ne comprennent pas votre projet, qui vous coupent constamment votre élan, qui ne croient pas en vos capacités, alors, même si votre projet vous motive, ça va vous demander beaucoup beaucoup d’énergie pour avancer à contre-courant. A l’inverse, si vous vous entourez de personnes pleines d’énergie, positives, volontaires, bosseuses, alors il est fort à parier que vous serez dans ce mood également. C’est l’une des raisons qui explique le succès des espaces de coworking pour les entrepreneurs. Au-delà de trouver un cadre professionnel et séparer maison et le travail, c’est surtout le fait d’être entouré de personnes partageant des motivations proches et des énergies positives qui est apprécié.

Robin a la chance de se sentir totalement soutenu par sa femme et ses enfants. Par contre, il avoue que d’autres personnes de son entourage sont plus perplexes, voire pessimistes quant à son projet. Le contexte sanitaire ne lui a pas permis au départ de rencontrer autant de personnes qu’il l’aurait souhaité, mais désormais, c’est possible.

Action 8 pour entretenir sa flamme : s’entourer de personnes motivées et positives

Malgré toutes ces actions, il peut arriver un moment où avec tous ces petits pas effectués depuis des mois, on en finit par avoir l’impression de patiner, voire de ne plus avancer. C’est totalement compréhensible. Et Robin n’échappe pas à cela. Il s’impatiente déjà à certains moments. C’est alors toujours l’occasion de faire une pause, d’arrêter quelques minutes de regarder vers le futur et vers tout ce qu’il y a à faire, pour regarder dans le rétroviseur et prendre conscience de tout ce qui a déjà été fait.

Quand on devient entrepreneur, on devient son propre patron et donc aussi son propre manager. J’entends continuellement dire que les managers ne félicitent pas assez, en demandent toujours plus, comme si ce qui était fait était normal. Mais on a tendance à faire la même chose pour nous-même. Alors, soyons un bon manager pour nous-même et n’oublions pas de fêter nos petites victoires, de reconnaitre chaque avancée, c’est ce qui donnera l’énergie de continuer encore à avancer.

Action 9 pour entretenir sa flamme : regarder régulièrement et fièrement tout le chemin parcouru

Robin a mis énormément de choses en place. Et ça avance bien. Il est content. Cependant, il exprime qu’il lui arrive encore de ne pas avoir envie de se mettre au travail. Et si c’était plutôt sain ?

Pour moi, ça veut simplement dire que Robin a d’autres passions, d’autres envies, d’autres choses qui l’animent. Et ça me parait plutôt normal. Prenez un plat ou un dessert que vous adorez. Imaginez maintenant que vous ne mangez plus que ça. Vous allez finir par vous en lasser, non ? Et bien pour réaliser notre objectif, c’est pareil. Sachons garder du temps pour se reposer et faire d’autres choses pour éviter l’écœurement et l’épuisement. Et puis, on sait que c’est souvent dans ces moments de pause, qu’on retrouve de la lucidité, de l’énergie et de nouvelles idées. 

prendre du temps pour soi

Action 10 pour entretenir sa flamme : savoir se reposer et faire d’autres choses

Enfin, pour finir sur cette partie des efforts à fournir, vous pouvez aussi tester la méthode des dix minutes.

Cette méthode consiste à consacrer uniquement 10 minutes pour faire ou commencer la tâche pour laquelle vous avez du mal à vous motiver. 10 minutes, ce n’est rien, n’est-ce pas. Après, vous pourrez retourner vous prélasser dans votre canapé ou jouer à votre jeu préféré 😉

Le but : se mettre à la tâche. Car dès fois, l’effort le plus conséquent est de s’y mettre. Une fois qu’on y est, ça déroule. Et les 10minutes, on ne les voit pas passer. Surtout si vous êtes dans le flow. Alors, à vous de décider ensuite si vous vous arrêtez ou si vous continuez.

 

« La motivation est pour l’esprit semblable à de la nourriture. Une seule assiette ne suffit pas. » Peter J. Davie

Normalement avec tout ça, vous disposez d’assez d’assiettes (ou tout du moins d’allumettes) pour nourrir votre feu intérieur. Alors, toujours la flemme ou vous avez retrouvé la flamme ?

Bon entretien de votre motivation intrinsèque.

Marion

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