Si je vous demande une carte de la Provence et que je ne vous donne aucune indication supplémentaire, que m’apportez-vous ? Une carte routière ? Une carte IGN ? Une carte postale ?
Toutes les options possibles. Toutes ces cartes représentent d’une manière ou d’une autre la Provence. Mais il est impossible de la représenter de façon totalement exhaustive en une seule et même carte. On doit faire des choix. Si je veux avoir une vision juste de la Provence, je ne dois donc pas me concentrer sur une seule carte, mais plutôt les combiner.
« Une carte n’est pas le territoire qu’elle représente » (Korzybski)
Cette citation est un présupposé essentiel en PNL et de façon générale en développement personnel.
Pourquoi ?
- Parce que d’une part, elle permet de comprendre qu’on peut tous avoir des cartes différentes pour représenter un même territoire. C’est ok. Et chercher à savoir qui a raison ou qui a tort n’a pas de sens. Des cartes, nous nous en construisons mentalement à longueur de temps pour comprendre, analyser et interpréter les choses. (voir L’histoire inspirante des aveugles et de l’éléphant). Cela explique pourquoi 10 personnes assistant à un accident vont chacune donner, en toute bonne foi, des versions différentes. Sauf à avoir une caméra (et encore, il peut y avoir des angles morts), personne ne peut livrer LA vérité absolue et objective de l’accident.
- Parce que, d’autre part, la majorité des choses qui nous font réagir ne sont souvent pas liées au territoire, mais à notre carte. C’est-à-dire que ce n’est pas le fait qui nous procure de la joie ou de la peine, mais la représentation que nous en avons. D’ailleurs, un évènement difficile par lequel vous êtes passés, vous paraitra sans doute moins difficile quelques années plus tard. Pourtant, le fait est bien le même. Mais votre représentation a évolué.
- Parce qu’enfin, lorsqu’on comprend cela, on comprend que les interactions avec les autres puissent générer autant de quiproquos ou de conflits. Demandez à quelqu’un de vous dessiner une maison ; vous aurez autant d’illustrations différentes que de personnes. Si on l’admet facilement dans ce cas, on a souvent tendance à le nier dans les conversations, à s’énerver que l’autre ne partage pas notre souvenir ou notre point de vue et à vouloir imposer notre carte aux autres….
Bref, la Vérité n’existe pas vraiment. Seules nos interprétations existent.
« De toutes les illusions, la plus périlleuse consiste à penser qu’il n’existe qu’une seule réalité » Paul Watzlawick
Comment expliquer ces représentations si différentes ?
Nous sommes constamment soumis à une tonne d’informations. Notre cerveau ne peut pas tout analyser de façon consciente. Notre inconscient intervient donc pour traiter et filtrer. Pour en savoir + (re)découvrez l’article : Reprogrammons notre cerveau
Plusieurs filtres entrent ainsi en jeu :
- Nos sens : nous en privilégions souvent un ou deux par rapport aux autres. Et cela influe forcément sur nos perceptions ;
- Les heuristiques : ce sont tous les raccourcis que fait notre cerveau en mode automatique pour nous éviter une surconsommation d’énergie. Résultat, nous sommes soumis à de nombreux biais cognitifs qui influent également sur notre perception. Ces raccourcis nous conduisent notamment à faire des généralisations (« c’est toujours comme ça », « ils sont tous comme ci », « jamais »…), des omissions (on occulte certaines informations) et des distorsions (on élabore par exemple des liens de cause à effet entre deux choses indépendantes) ;
- Notre histoire de vie, nos expériences, notre éducation, notre culture, nos croyances etc… tout cela nous amène aussi à percevoir les choses d’une façon qui nous est propre
Prenons un exemple. C’est dimanche et un couple avec 2 enfants décide d’aller au parc par ce bel après-midi d’automne.
Le père
Pensée : « les couleurs d’automne doivent être magnifiques »
Emotion : Joie
Comportement : se prépare avec entrain.
La mère
Pensée : « prendre l’air va faire le plus grand bien à tout le monde »
Emotion : Joie
Comportement : se prépare avec entrain
L’ainé
Pensée : « j’adore les jeux qu’il y a là-bas «
Emotion : Joie
Comportement : se prépare avec entrain
Le benjamin
Pensée : « je vais peut être revoir les canards de la dernière fois «
Emotion : Joie
Comportement : se prépare avec entrain
Le parc n’étant pas très loin de la maison, ils partent à pied. Au bout de 10 minutes, ils arrivent au parc et prennent la direction de l’aire de jeux qui se trouvent en plein milieu de ce très grand parc.
Voilà comment les représentations de chacun évoluent :
Le père
Pensée : « c’est vraiment magnifque »
Emotion : Joie
Comportement : marche avec bonheur et respire à plein poumon
La mère
Pensée : « les enfants commencent à ralentir le pas. j’espère qu’ils ne vont pas commencer à se plaindre de trop marcher »
Emotion : Peur
Comportement : Ralentit le pas et tente de faire oublier la marche en proposant de jouer aux devinettes
L’ainé
Pensée : « c’est nul de marcher. J’aurai du prendre ma trottinette »
Emotion : Agacement
Comportement : ralentit et tape dans les cailloux
Le benjamin
Pensée : « humm, ça sent trop bon ces crêpes. j’espère qu’on pourra en avoir une tout à l’heure «
Emotion : Joie
Comportement : ralentit et regarde avec envie ceux qui passent avec une crêpe dans les mains
Un dernier virage avant d’arriver à l’aire de jeux. On entend déjà les enfants qui jouent. Soudain, un chien surgit.
Le père
Pensée : « ce chien n’est pas attaché et a l’air méchant. J’espère que ses maitres ne sont pas loin »
Emotion : Peur
Comportement : ralentit et demande aux enfants de rester vers lui
La mère
Pensée : « on dirait le chien de mes voisins quand j’étais enfant »
Emotion : Joie
Comportement : S’arrête pour admirer l’animal
L’ainé
Pensée : « on entend beaucoup de bruit vers l’aire de jeux. il doit y avoir du monde »
Emotion : Peur
Comportement : accélère le pas pour être sûr de trouver de la place sur son jeu favori
Le benjamin
Pensée : « il est trop mignon ce chien «
Emotion : Joie
Comportement : avance vers le chien pour pouvoir lui faire un calin
Et l’après-midi va continuer de se dérouler ainsi. Ils sont ensemble. Ils font face à des situations communes. Et pourtant chacun a, à chaque instant, une représentation interne différente. Et donc des pensées, des émotions et finalement des comportements différents. En rentrant chez eux, chacun se représentera ce moment de façon unique. Et personne n’aura tort ou raison. Or, trop souvent, si l’autre ne raconte pas les choses de la même façon que nous, au lieu de nous montrer curieux et tolérant, nous allons vouloir raconter notre version en espérant que ce soit celle-ci qui soit retenue comme LA version juste et officielle.
Une fois que l’on a compris tout cela, et bien on peut s’amuser à découvrir les représentations internes des autres et on peut jouer avec ses propres représentations.
Quels apprentissages peut-on en tirer ?
Face à une situation qui nous fait souffrir
Si une situation ne nous convient pas, nous pouvons travailler sur la perception que nous en avons. Cela ne veut pas dire nier les difficultés, mais focaliser sur ce qui est aidant et positif pour nous. Pour en savoir +, voir l’article Ce n’est pas ce qui arrive qui compte mais ce que vous en faites
Nos souvenirs sont aussi des représentations de ce qui s’est passé. On peut donc modifier l’impact de souvenirs douloureux en modifiant la représentation qu’on en a. Prenons l’exemple d’une personne qui a vécu un accident il y a quelques mois, et reste très marquée, ne réussissant plus à reprendre le volant. Par un travail de visualisation, je la fais se reconnecter à son souvenir, aux représentations internes qu’elle en a. Elle m’explique qu’elle voit notamment une image qui la rend particulièrement mal. Je lui propose alors de réduire cette image pour la rendre toute petite, de la placer dans un coin. Puis de passer cette image en noir et blanc, ou même en sépia et de garder les paramètres qui sont les plus confortables pour elle. On fait ensuite la même chose avec les sons (on les change, on les baisse, et elle finit par mettre une musique qu’elle aime particulièrement en ce moment…) puis de même avec les odeurs (on les baisse, on les change, on en rajoute des plus agréables…). Jusqu’à ce que la représentation interne du souvenir soit tellement modifiée que la charge émotionnelle qui allait avec disparaisse.
Vous avez du mal à y croire ? Essayez, vous verrez 😉
Face à une croyance qui ne nous aide pas
Imaginez que vous alliez à un entretien de recrutement en étant persuadé que ça ne va pas le faire. Il est fort à parier que par le biais cognitif de confirmation, vous allez filtrer toutes les informations qui pourraient venir confirmer votre thèse. Ce qui vous stresse et vous tend encore plus. Et puis, vous êtes convaincu que votre âge pose problème. Vous le voyez bien dans les yeux de cette petite jeune en charge du recrutement . Bref, envahi par ces pensées et les émotions qu’elles génèrent, vous ne vous montrez pas très ouvert et à l’écoute. Comme vous vous en doutez, vous ne serez pas choisi.
Imaginez maintenant que vous êtes convaincu d’être la bonne personne pour ce poste. Vous rebondissez sur tout ce que le recruteur dit pour justement confirmer que décidément, vous correspondez en tous points. Vous êtes hyper enthousiaste. L’entretien se passe bien. Peut-être que vous ne serez finalement pas pris car vous ne savez pas le niveau des autres candidats, mais une chose est sûre, votre état d’esprit vous permet d’envisager que si ce n’est pas ce poste, ce sera le prochain.
Quelle croyance vous parait la plus aidante pour se préparer à un entretien ?
Les sportifs de haut niveau se préparent mentalement pour une compétition et bien sûr, ils ne visualisent jamais la défaite. Que la victoire ! Bizarrement, dans nos quotidiens, nous passons plus de temps à nous construire des images mentales d’échecs, de problèmes, de difficultés, plutôt que des images de réussite, de victoire, d’aisance.
L’auteur en développement personnel Paul McKenna raconte ainsi que lors d’une soirée où il rencontre Will Smith, il lui fait part de toute son admiration pour son travail, mais aussi son attitude positive et inspirante pour beaucoup de monde. Ce dernier lui répondit : « merci, merci beaucoup. Mais je dois dire que cela a été facile pour moi…je suis noir »
Croire que la vie est difficile quand on est noir ou croire que la vie est facile quand on est noir, nous fait fondamentalement mener des vies très différentes face à évènements pourtant similaires. Et on peut remplacer noir par « être une femme », « être petit », « être hypersensible », « être de telle confession religieuse » etc…
« Nous ne voyons pas les choses telles qu’elles sont mais plutôt tels que nous sommes » Anais Nin
La question est : quelle croyance sera la plus aidante pour vous ?
Face à des difficultés relationnelles
La majorité de nos difficultés relationnelles viennent d’un choc entre des cartes différentes.
Il y a d’abord les quiproquos. On était persuadé de parler le même langage et on se rend finalement compte qu’on ne se comprend pas. Et oui, comme dans l’exemple de la carte de Provence, si vous ne donnez pas plus d’explications, car pour vous, c’est évident que vous parlez d’une carte routière, vous risquez de ne pas comprendre que l’autre vous apporte une carte postale.
On fait des tonnes de présupposés comme ça. En pensant que c’est du bon sens et que l’autre va comprendre comme nous. Mais non ce n’est pas le cas. Et ça l’est encore moins lorsqu’on évoque des termes conceptuels comme « liberté », « authenticité », « communication », « autonomie »… Si certains se servent de cela pour parler la fameuse langue de bois et permettre à chacun d’interpréter les choses comme bon lui semble, dans la majorité des cas, ces imprécisions alimentent de nombreux malentendus.
C’est pour cette raison qu’il est plus facile de s’entourer de gens qui pensent comme nous. On se comprend mieux, car nos cartes du monde et donc nos interprétations sont proches. C’est plus facile, plus fluide. Et puis, ça évite des remises en question brutales. Car certaines de nos cartes du monde viennent toucher nos valeurs et nos croyances profondes. Imaginons que, dans votre carte du monde, on vous a appris qu’il faut être fort, ne jamais montrer ses émotions, ses doutes, ses faiblesses… Vous rencontrez quelqu’un, qui à l’inverse est convaincu qu’il faut savoir douter, montrer ses émotions, assumer ses faiblesses… Non seulement vous aurez sans doute du mal à comprendre cette personne, mais de façon consciente ou non, vous allez essayer de lui prouver que votre carte est plus efficace que la sienne. Normal, admettre le contraire reviendrait à se rendre compte que vous avez passé plusieurs décennies de votre vie à suivre une règle qui n’avait pas de sens !, c’est difficile, voire inenvisageable pour beaucoup.
Voilà pourquoi, dès fois, on s’attache si fortement à certaines de nos cartes… Et voilà pourquoi on cherche à imposer nos représentations, à avoir raison, à affirmer que nous, on détient LA vérité.
Mais si déjà, on arrive à accepter que d’autres puissent avoir des cartes différentes et que c’est ok, disons qu’on aura déjà fait un énoooorme pas dans la tolérance et l’acception de nos différences.
Dans les métiers de l’accompagnement, la relation de confiance est essentielle. Et pour cela, la personne a besoin de sentir qu’on la comprend, qu’on ne la juge pas. Comment fait-on ça ? En étant curieux de comprendre sa carte du monde. Et c’est seulement quand on a rejoint l’autre dans sa carte du monde qu’on peut l’inviter en sécurité à en sortir. Car si LA vérité n’existe pas, alors c’est celle qu’on se raconte qui a le pouvoir de nous rendre heureux ou malheureux. Tout le travail en développement personnel sert à ça : prendre conscience de sa carte du monde, découvrir que d’autres cartes existent et réaliser les mises à jour qui nous aideront à accomplir ce que l’on souhaite.
Belle découverte de vos cartes et de celles des autres 😉
Marion