Nous avons une capacité incroyable, nous êtres humains, et particulièrement nous Français, reconnus champions du monde des râleurs, à nous empoisonner la vie. Et par la même occasion, puisque nous savons être généreux dans notre râlerie, à empoisonner la vie des gens qui nous entourent.
Alors, j’entends d’ici là certains me dire qu’il y a de multiples raisons d’être mécontent ; il n’y a qu’à voir les informations… En effet, lorsqu’on évoque le climat social ou les questions environnementales, il y a largement de quoi s’inquiéter. Et une multitude d’autres sujets peuvent facilement venir enrichir la liste de nos inquiétudes et/ou colères. Mais est-ce une raison pour occulter le reste ? Car à se répéter sans cesse que « rien ne va », « que c’était mieux avant », ou que « tout est foutu », on en oublie qu’il y a des choses qui vont bien et même qui progressent. On en oublie aussi que des actes extraordinaires, mais aussi ordinaires, se produisent tous les jours et contribuent à rendre nos vies plus belles et plus légères. Mais encore faut-il ouvrir ses yeux et sa conscience pour s’en apercevoir.
Et si on remettait un peu de magie, de couleurs et de paillettes dans nos vies ?
Et croyez-le ou non, pour réussir cela, ce n’est pas Kevin, le monde ou les gens qui nous entourent qu’il faut changer, mais le regard que nous portons sur eux.
Des chercheurs en psychologie positive ont ainsi déterminé que notre bonheur dépend pour 40% du regard qu’on porte sur ce qui nous arrive.
Et les 60% restant me direz-vous ?
– 50% sont génétiques. Nous aurions ainsi une sorte de prédisposition à voir la vie plutôt en rose ou plutôt en noire.
– Enfin, 10% sont liés à ce qui se passe autour de nous. Oui, vous avez bien lu, les sources extérieures, positives comme négatives, ne comptent que pour 10%… En fait, elles ont un impact sur l’instant, mais très rapidement, cet impact s’estompe et on revient à notre nouveau « normal » de satisfaction.
Et pourtant, combien de fois par jour associons-nous notre bonheur ou notre malheur aux sources extérieures ?
Et oui désolée Ines, mais ce n’est pas le resto, les moulures et les marques de fringues qui auront réellement un impact sur ton bonheur et te permettront d’avoir des paillettes dans ta vie 😉
La pratique de la psychologie positive, peut, elle, être très efficace pour obtenir ces paillettes, puisqu’elle permettra d’agir sur au moins 40%… J’arrête dès maintenant ceux qui voudraient associer la psychologie positive à de la naïveté et au monde des bisounours. Non non non, ce n’est pas ça. Pratiquer la psychologie positive ne veut pas dire faire comme si tout allait bien alors que ce n’est pas le cas. Mais consiste à ne pas uniquement focaliser sur le négatif et donc à voir aussi ce qui va bien.
Dans un monde où on a beaucoup trop pris l’habitude de voir la vie en noir ou en gris, et à se plaindre ensuite de cette grisaille, les adeptes de la psychologique positive, s’efforcent de voir toutes les nuances et d’accorder de l’importance à ce qui met de la couleur dans nos vies.
On est donc très loin de l’image de gens perchés et naïfs, car il faut beaucoup de courage et de détermination pour refuser de tomber dans la facilité ambiante de l’insatisfaction, de la victimisation et du fatalisme.
Prenons un exemple qui revient souvent dans l’actualité : les grèves. Que l’on soutienne ou non le mouvement et sans faire de politique, il est incontestable que bon nombre de personnes voient leurs quotidiens chamboulés lorsqu’il y a un mouvement de grève nationale. On peut être en colère contre les grévistes ou le gouvernement, mais en soit, ça ne changera pas immédiatement la situation. Que pouvons-nous faire alors pour influer positivement sur nos 40% ?
1/ Ne pas uniquement résumer sa journée par les conséquences désagréables que ce mouvement de grève peut avoir. Il s’est sans aucun doute passé plein d’autres choses dans la journée. À nous de savoir les remettre au 1er plan
2/ Essayer de voir le positif que ce mouvement de grève peut apporter. Par exemple, le télétravail pour ceux qui ont la chance de pouvoir faire leur travail à distance, les rencontres insolites entre gens en galère et solidaires, les covoiturages avec des collègues qu’on connaissait peu jusqu’à présent, les chemins de traverses qu’on découvre…
3/ Se focaliser sur l’action plutôt que les ruminations. Passer des heures à râler de ce qui se passe en France semble vous faire du bien sur le coup. Surtout si vous trouvez une oreille attentive et quelqu’un qui partagera votre discours. Si ça dure deux minutes, pourquoi pas. Mais quand ça dure des heures… et bien, on alimente des pensées négatives. Celles-ci vont notamment libérer l’hormone du stress : le cortisol. Et à haute dose, celui-ci a des effets dévastateurs pour notre santé. D’autre part, pendant qu’on refait le monde en nuance de noir et de gris, nous ne sommes pas en train de chercher des solutions concrètes pour résoudre le problème auquel nous sommes confrontés.
À l’inverse, la dopamine est un neurotransmetteur qui génère du bien-être. C’est l’hormone du bonheur, qui se libère dans notre cerveau dès lors qu’il juge une expérience bénéfique. La dopamine a un effet incroyable : celui de nous rendre positifs et de nous donner des ailes (et de manière plus saine qu’une célèbre marque de boisson…).
Donc au-delà de l’impact court terme que votre choix entre pensées positives et pensées négatives va générer sur votre organisme, vous allez inconsciemment nourrir un cercle vertueux ou vicieux :
– le cortisol nous amène en effet à être encore plus vigilant à ce qui se passe autour de nous et pourrait représenter une menace. Résultat, on accentue notre tendance déjà naturelle à voir le négatif plutôt que le positif (tendance naturelle héritée de notre cerveau reptilien et qui a permis à l’homme préhistorique de survivre dans les milieux les plus hostiles).
– A l’inverse, la dopamine rend dépendant (dopage ici 100% naturel !) : le sentiment positif qu’elle génère nous invite à repérer partout où cela est possible des raisons de se réjouir et donc de produire encore un peu plus de dopamine.
Bref, je pense que vous l’aurez compris : à moins d’être maso, on a tout à gagner à se protéger un maximum des sources négatives et à initier un cercle vertueux.
Comment ?
Voici mes 5 ingrédients :
1/ S’entrainer à revenir dans l’instant présent
Notre cerveau ne sait pas s’ancrer dans le présent. Naturellement, il va, soit repenser au passé, soit se projeter vers le futur. Alors, si c’est pour se remémorer de bons moments ou en imaginer de futurs, parfait ! Mais si le passé provoque des regrets, de la rumination, de la colère ou encore de la tristesse, c’est beaucoup moins bénéfique. Bien sûr, les émotions sont importantes et il faut les respecter, mais le mieux est de les traiter dans le présent, plutôt que de refaire le film.
Le futur peut être lui une grande source d’angoisse. Cette émotion est par définition l’anticipation de quelque chose de désagréable. Notre cerveau va avoir tendance à élaborer quantité de scénarios pour être prêt à réagir. Sauf que tous ces scénarios vont venir amplifier notre peur. Et voilà comment seulement 8% de nos peurs seraient fondées sur une menace réelle…
Donc pour éviter de créer du cortisol pour rien, le mieux est d’être dans l’ici et maintenant. Car à moins d’être coursé par une bête féroce ou en train de vivre un moment terrible, le présent est en général beaucoup plus apaisé que le passé ou le futur. Et c’est, pour cette raison qu’on évoque de plus en plus les vertus de la méditation. Concentré sur notre respiration, on s’exerce à s’ancrer dans le présent et à s’ôter toutes pensées polluantes. Mais ce n’est pas un exercice facile, car très vite, notre cerveau repart dans le passé ou le futur. Pour ceux qui diraient qu’ils n’ont pas le temps de faire de la méditation, il existe un autre exercice plus facile à intégrer dans notre quotidien pour s’ancrer dans l’instant présent : l’écoute active. Et oui, réellement écouter l’autre, sans partir dans ses propres pensées, nécessite de rester dans l’ici et maintenant et dans ce que l’autre nous dit. Et même si c’est valorisant de dire qu’on pratique constamment l’écoute active, force est d’avouer que ce n’est pas naturel et donc aussi difficile que la méditation 😉 Dans les deux cas, la clé est l’entrainement.
2/ S’entrainer à focaliser sur le positif
Comme je l’ai précisé plus haut, notre cerveau n’est pas programmé pour s’attarder sur le positif. Naturellement, il va plutôt s’arrêter sur le négatif et ce qui pourrait être signe de danger pour nous. Comme le premier point, cela nécessite donc de l’entrainement.
Le meilleur moyen, d’après moi, d’y parvenir, est de retrouver notre capacité d’émerveillement. Se forcer à regarder les choses, même les plus courantes, comme si c’était la première fois ou que c’était exceptionnel : un rayon de soleil, le sourire de votre enfant, le diner préparé par votre conjoint, une musique qui passe à la radio et que vous aimez particulièrement, le sms d’un ami qui prend de vos nouvelles, l’odeur de la pluie…
Aujourd’hui, on a hélas tendance à prendre tout cela pour acquis et à ne plus savoir reconnaitre la chance que nous avons. C’est d’ailleurs souvent ce dont témoignent des personnes qui ont frôlé la mort. Elles reviennent à la vie avec cette capacité d’émerveillement démultipliée. Si on peut avoir la chance d’éviter de passer par là, tout en bénéficiant de leur sagesse acquise, ce serait dommage de s’en priver, non ?
Autre clé pour focaliser sur le positif : arrêter de constamment se comparer aux autres. Car à envier ce que les autres ont, on en oublie de profiter de ce que nous, nous avons. Encore une fois, travailler notre capacité d’émerveillement permettra naturellement et petit à petit de s’écarter ce penchant à toujours croire que l’herbe est plus verte qu’ailleurs.
3/ Face aux éléments négatifs, laissez passer ce sur quoi vous n’avez pas de pouvoir, et sur le reste, agissez.
Je crois que c’est l’un des points les plus difficiles : savoir lâcher prise sur les choses et les événements où nous n’avons pas de pouvoir. Cette prière de Marc-Aurèle, bien connu des alcooliques anonymes, résume parfaitement la sagesse à acquérir pour ne pas perdre d’énergie inutilement.
Attention, cela ne doit pas être confondu avec le fatalisme.
Comme dans l’exemple plus haut sur la grève des transports, si je ne peux pas agir directement sur la grève, je peux agir sur la manière dont je vais la vivre. Pour cela, il est essentiel de se tourner rapidement vers l’action ; lister les options possibles qui dépendent avant tout de nous, nous permet alors de sortir du rôle de victime, nous replace au centre jeu, et nous invite à agir.
4/ Faire preuve de générosité et exprimer sa gratitude
Lorsqu’on commence à pratiquer les 3 points du haut, il y a une émotion que l’on ressent plus régulièrement et/ou plus fortement : la joie.
Et la joie a cette chose de magique que c’est une émotion qui se partage. Cela génère un autre cercle vertueux : la contamination positive.
Hélas, cela demande souvent de faire fi d’une certaine pudeur à donner ou recevoir un compliment ou juste un MERCI, et de dépasser quelques croyances… (« si j’exprime quelque chose de positif, on va croire que tout va bien, alors que ce n’est pas le cas », « si j’exprime ma gratitude à quelqu’un, alors on va croire que je suis faux-cul ou que j’attends quelque chose en retour »; « si je suis trop gentil, je vais me faire bouffer », « si je lui dit des choses positives, alors il va croire qu’il est génial et ne saura plus se remettre en question »…)
L’art de la gratitude n’est pas si spontané, mais comme le reste, ça se travaille. Et la particularité de cette action, c’est qu’elle générera autant de dopamine chez celui qui donne, que chez celui qui reçoit. Un cadeau simple et gratuit qu’on devrait offrir tous les jours de l’année.
5/ S’éloigner des sources négatives
Enfin, lorsque l’on fait tout cela, on vit de plus en plus en conscience de ce qui est OK pour nous et qui nous fait du bien, et de ce qui n’est pas OK pour nous et qui nous fait du mal (ou en tous cas, pas du bien). S’il est, d’après moi, important d’apprendre à voir et verbaliser ce qui est OK, il est tout aussi important de voir ce qui n’est pas OK et de verbaliser ou de s’en éloigner lorsque cela est possible. Imaginons que, dans votre travail vous faites partie d’une équipe qui a tendance à se plaindre et râler. Vous commencez depuis quelque temps à mettre en pratique quelques éléments de psychologie positive. Sauf que désormais, vous vous sentez un peu seul et que les ruminations de vos collègues vous pèsent. Vous allez devoir jongler entre deux actions principales : faire preuve d’assertivité et prendre vos distances. L’assertivité doit vous permettre d’exprimer que l’état d’esprit ambiant n’est pas OK pour vous et de proposer d’autres points de vue et actions à vos collègues. Cela doit se faire dans le plus grand respect. Chacun est libre de fonctionner et d’agir comme il le souhaite. Mais au moins, vous aurez exprimé votre ressenti et votre avis, comme eux, le font. Et si votre présence n’est pas obligatoire, libre à vous de quitter la discussion. L’idée n’étant surtout pas de rompre la relation, mais d’une part de vous protéger d’un échange qui n’aboutira pas à grand-chose, et d’autre part, de semer des graines dans l’esprit des autres, comme quoi, une autre manière de voir les choses et d’agir est possible. Mais encore une fois, et afin de soi-même ne pas alimenter du négatif, tout cela doit se faire dans le respect de chacun, sans jugement et sans chercher à avoir raison.
Je ne suis pas un grand sage, le chemin est encore long. Je n’échappe pas au moment de ruminations et d’agacements. Mais désormais, j’en prends plus vite conscience et je m’autocoache pour focaliser à nouveau mon esprit sur l’instant présent, sur le positif et sur les actions à ma portée.
Pour finir, je vous propose cette histoire très courte, qui résume parfaitement ce qui se passe en chacun d’entre nous.
Un disciple vient chercher conseil auprès d’un sage :
– « Dites, vous qui êtes sage, qu’est-ce qu’il y a dans votre esprit ?
– Dans mon esprit, il y a 2 chiens : un noir et un blanc. Le noir est le chien de la haine, de la colère et du pessimisme. Le blanc est celui de l’amour, de la générosité et de l’optimisme. Ils se battent tout le temps.
Le disciple est un peu surpris. Il demande au sage :
– 2 chiens ? Qui se battent ?
– Oui pratiquement tout le temps
– Et lequel gagne ?
– Celui que je nourris le plus »
À vous de choisir maintenant entre le cortisol ou la dopamine, entre le chien noir ou le chien blanc 😉
Marion