Dans la série « on n’est jamais content de ce qu’on a » ou encore « décidément, c’est bien difficile de comprendre certaines personnes…», les différences entre introversion et extraversion nourrissent nombre de fantasmes et incompréhensions.

Ainsi, les introvertis aimeraient davantage ressembler aux extravertis. Mais bon, de leurs aveux, pas trop quand même, parce qu’en général, ils les trouvent fatigants à s’agiter et à parler tout le temps, de tout et de rien.

Et les extravertis aimeraient aussi davantage ressembler quelques fois aux introverties (si si, je vous jure). Mais bon, pour eux aussi, pas trop tout de même, parce qu’en général, ils ne les trouvent pas très funs et se demandent toujours ce qu’ils pensent.

Mais commençons par le début : qu’est-ce que l’introversion et l’extraversion ?

Les idées reçues assimilent l’introversion à la timidité, à quelqu’un de sauvage qui n’aimerait pas les gens. Et le cliché d’une personne extravertie serait une personne hyper sociable, festive, énergique.

On voit déjà que les clichés semblent plus favorables aux extravertis qu’aux introvertis… on y reviendra juste après.

Le premier à décrire les deux traits de caractère que sont l’introversion et l’extraversion est Carl Jung. Il explique que les introvertis ont une énergie tournée vers l’intérieur (leurs pensées, leurs émotions, leurs sentiments…) alors que les extravertis ont une énergie tournée vers l’extérieur (les personnes, l’action…).

La différence est donc l’orientation de notre énergie : comment et où on la puise ?

Les extravertis puisent donc leur énergie en allant vers l’extérieur, en étant en interaction avec les autres, en réalisant des activités etc… Pour être en énergie, ils ont besoin des autres et de stimulations extérieures.

Les introvertis, eux, puisent leur énergie en allant vers le monde intérieur, en étant en interaction avec eux-mêmes, avec leurs idées, leurs sentiments, leurs pensées… pour être en énergie, ils ont besoin de calme et de solitude.

Ce sont véritablement deux mondes qui peuvent ainsi s’opposer. Ou en tout cas, deux mondes qui peuvent avoir beaucoup de difficultés à se comprendre et s’accepter tel qu’ils sont, notamment pour les introvertis, car nous vivons dans un monde qui encourage plutôt l’extraversion.

Regardons comment cela se passe par exemple dès l’enfance.  Un enfant extraverti, c’est rassurant. Ça parait presque normal. Un enfant introverti, à l’inverse, ça peut prêter à inquiétude quand on ne sait pas ce que c’est réellement. On fera alors remarquer que cet enfant ne se mêle pas assez aux autres, qu’on ne l’entend pas en classe, qu’il est trop en retrait, trop timide, toujours perdu dans ses pensées ou dans ses livres… Et donc qu’il devrait faire des efforts pour faire comme tout le monde. Enfin… quand on dit tout le monde, on parle des extravertis.

Mais après quelques heures en classe à avoir écouté, appris, s’être concentré et donc avoir puisé beaucoup d’énergie, des enfants introvertis et extravertis n’ont simplement pas les mêmes besoins pour se ressourcer : un enfant extraverti va récupérer de l’énergie en se mêlant à un groupe, en jouant, en parlant, en faisant le pitre… un enfant introverti va récupérer de l’énergie par un moment de calme, soit totalement seul, soit avec un ou deux autres camarades pour parler tranquillement ou même ne rien dire ensemble.

C’est comme si, entre introvertis et extravertis, notre besoin de contacts sociaux n’était pas le même : les introvertis en ont moins besoin et vont privilégier la qualité (souvent des discussions plus profondes et intimes) alors que les extravertis en ont davantage besoin et vont privilégier la quantité. C’est ce que l’analyse transactionnelle a modélisé à travers les strokes et ce que les auteurs appellent la structuration du temps

illustration introversion vs extraversion

Et vous, êtes-vous plutôt introverti ou extraverti ?

Il est essentiel de bien comprendre que personne n’est 100% introverti ou 100% extraverti.

  • Ce qui veut dire que même un très grand extraverti a bien sûr aussi besoin de temps calme et de solitude. Et que même un grand introverti apprécie d’être entouré et pouvoir rencontrer du monde. C’est juste que l’un comme l’autre n’éterniseront pas ces moments car ce n’est pas ça qui leur donne de l’énergie (ça va même plutôt leur en coûter si ça dure trop longtemps) ;
  • Ce qui veut dire aussi qu’il y a autant d’introvertis différents que d’extravertis différents ; Prenons quelqu’un de très introverti (plutôt très à gauche sur le continuum) et quelqu’un de moyennement introverti (presque au centre), ils ne se comporteront pas de la même façon. Idem pour deux extravertis à des degrés différents ;
  • On parle même désormais d’ambiverti pour ceux qui se trouveraient au milieu de ce continuum.
continuum extraversion introversion

Difficile de connaitre la proportion d’introvertis et d’extravertis dans la population. Certains auteurs estiment qu’il y a 70% à 80% d’extravertis, d’autres estiment qu’on est plutôt à 60% voire la moitié… Encore une fois, il semblerait que la balance penche davantage du côté des extravertis qui seraient plus nombreux et dont les comportements seraient davantage encouragés dans notre société, comme l’illustre si bien Susan Cain dans ce ted X que je vous encourage à regarder.

Pour illustrer les différences entre introvertis et extravertis, plongeons dans une journée : celle de Charlotte et Lucie.

Charlotte et Lucie se connaissent depuis quelques années car elles travaillent dans la même société et toutes les deux au sein du service ressources humaines. Elles n’habitent pas loin l’une de l’autre et reprennent donc leur habitude de covoiturage après presque un an de télétravail dû à la crise du covid.

Charlotte est impatiente de revenir au bureau ! En grande extravertie qu’elle est, cette période de crise sanitaire et donc de restriction et diminution des rapports sociaux a été un vrai calvaire ! Non pas qu’elle se soit ennuyée. Entre son travail, le suivi des devoirs des enfants et toutes les activités supplémentaires comme le sport en visio qu’elle s’est mise à faire au premier confinement, son planning était bien chargé. Mais rester le plus souvent entre les 4 murs de sa maison, à voir exclusivement ses enfants et son mari (même si bien sûr, elle les aime énormément), c’était trop limité pour elle. Et les apéros visio et autres substituts n’ont pas réussi à combler ses besoins d’échanges, de contacts sociaux, de vie quoi ! Comme elle le dit, « elle était à deux doigts de la dépression »

À l’inverse, Lucie, pourtant, elle aussi, mère de famille et bien occupée avec son travail durant cette période, n’a pas du tout vécu les choses de la même façon. Si cela lui fait plaisir de revoir du monde au travail et de reprendre progressivement une vie sociale, elle avoue presque honteuse n’avoir eu aucune difficulté, aucun sentiment de manque de relations sociales durant cette période. Elle et son mari ont eu plus de temps pour eux, et pour les enfants. Elle appelait régulièrement une amie avec qui elle pouvait facilement passer 1h au téléphone etc… Et le télétravail a été une révélation pour elle ! Alors qu’elle a beaucoup plus travaillé ces mois derniers, elle a ressenti étrangement beaucoup moins de fatigue à la fin de ses journées. Surement dû au fait qu’elle était beaucoup moins interrompue tout au long de la journée, qu’elle avait réussi à se faire un petit espace isolé et tranquille, rien que pour elle (ce qui n’est pas le cas au bureau où elle est en plein milieu d’un open-space), et que les réunions visio duraient beaucoup moins longtemps qu’en présentiel. Bref, moins de contacts et quand elle en avait, c’était pour elle, des contacts de meilleures qualités.

Bref, Charlotte et Lucie sont heureuses de se retrouver ce lundi matin pour reprendre une vie « normale » et donc leur covoiturage. À deux et en ce début de journée, on pourrait presque avoir du mal à distinguer qui est introverti et qui est extraverti. Elles passent le trajet de 30 min à papoter. Si on prête une oreille plus attentive, on pourra cependant remarquer qu’à chaque silence, c’est Charlotte qui relance la conversation. On peut aussi remarquer qu’il arrive à Charlotte de couper la parole de son amie ou finir ses phrases. Mais Lucie ne s’en offusque pas. C’est son amie. Et puis, elle sait que lorsqu’elle a besoin de parler de choses qui lui tiennent plus à cœur, Charlotte sait aussi se taire et l’écouter.

À peine arrivée au bureau, Charlotte décide d’aller faire un tour dans tous les services pour dire Bonjour et prendre des nouvelles des uns et des autres. Lucie, en tant que RH, trouve que c’est effectivement important. Elle propose cependant à Charlotte de faire cela seule. Lucie préfère aller à son bureau, poser des affaires, s’installer tranquillement et ensuite dans la semaine faire progressivement le tour de chacun des services.

Lucie s’installe donc à son bureau et commence la lecture de ses mails. Cependant, elle est continuellement interrompue à l’arrivée de chacun de ses collègues. Elle sourit, tente de participer aux discussions sur le week-end, la reprise en présentiel… Mais ce n’est pas un moment où elle se sent à l’aise. Elle ne sait pas quoi dire. Alors, elle écoute, observe, sourit… 10H00, il est l’heure de la réunion d’équipe. Béatrice, leur manager, a décidé de prendre le temps d’une réunion d’équipe pour que chacun se retrouve, puisse échanger, partager ce qu’il a vécu et que l’équipe coconstruise les priorités des prochains mois. Charlotte est particulièrement moteur. Très spontanée, elle fait part de son vécu, de ses idées… D’autres collègues, sans doute à tendance extravertie également, prennent naturellement la parole. Lucie, elle, réfléchit à ce qu’elle pourrait dire. Elle envie ces extravertis qui parlent si facilement. À plusieurs reprises, elle a la bouche ouverte pour se lancer, mais quelqu’un, qui parle plus fort et plus vite qu’elle, prend la parole. Béatrice est un bon manager, qui veille à ce que chacun puisse s’exprimer. Elle laisse donc avec plaisir les extravertis commencer. Elle sait que c’est naturel chez eux et que ça arrange aussi les introvertis qui ont ainsi le temps de réfléchir à ce qu’ils vont dire. Lorsque arrive le moment pour Lucie de s’exprimer, même si elle dit ne pas aimer parler en public, c’est très clair et tout le monde l’écoute. Charlotte a un petit sourire au coin. Ça lui fait toujours cet effet-là quand Lucie parle. Elle aimerait tellement savoir faire cela : exprimer une idée aboutie, claire, synthétique.

La réunion se prolonge par un déjeuner d’équipe. Charlotte est aux anges. Lucie est ravie de passer un temps convivial avec ses collègues, mais elle sent qu’elle doit se faire violence pour rester connectée aux autres. Si ça ne tenait qu’à elle, elle aurait déjeuné seule dans le parc d’à côté, au calme. Mais bon, pas le choix…Naturellement, Charlotte se place au milieu de la grande table pour pouvoir être au milieu de l’action. Lucie, quant à elle, se place à une extrémité auprès d’un collègue qu’elle apprécie beaucoup. Ils passeront ainsi une bonne partie du déjeuner à parler tous les deux de leur famille, du confinement, de leurs projets… discussion intime à deux. Un autre groupe intimiste se forme de la même manière. Et pour le reste de la tablée, c’est un groupe de 6 qui interagit, parle fort, rigole etc…

introverti et extraverti

Charlotte n’aime pas voir Lucie en retrait comme ça. Elle s’inquiète pour son amie. Elle trouve que c’est dommage de ne pas profiter de ce temps tous ensemble et elle craint que Lucie s’exclue ainsi du groupe. Alors, elle lui fait régulièrement des appels du pied pour l’intégrer dans cette discussion collective animée, mais elle ne reçoit en retour qu’un sourire poli.

De retour au bureau, chacun vaque à ses occupations. Lucie avait un RDV avec une candidate pour un poste aux achats. Une fois celui-ci terminé, elle décide de rester un peu toute seule dans la salle d’entretien pour travailler au calme et avancer. Elle y restera finalement 2H sans voir le temps passer. Mais elle est contente d’elle ; elle a bien travaillé. Elle finit donc par remonter au bureau. Charlotte quant à elle a enchainé les réunions et revient hyper enthousiaste de cette reprise sur les chapeaux de roue. L’après-midi continue à son rythme pour chacune.

Sur la route du retour, Charlotte n’a qu’une envie : débriefer de la journée avec Lucie. Mais Lucie, elle, n’a qu’une envie : être au calme, regarder le paysage défiler et laisser son esprit vagabonder. Comme elles se connaissent bien, Charlotte a appris à lui laisser un peu de temps. Mais on voit bien qu’elle ronge son frein. Alors, elle met la musique et commence à chanter. Jusqu’à finir par demander à Lucie si tout va bien. Lucie met du temps à répondre ; elle était dans ses pensées. Elle finit par rassurer Charlotte. Puis elle lui raconte que son mari emmène les enfants ce week-end chez leurs grands-parents et qu’elle sera donc seule à la maison. Lucie a le sourire aux lèvres en pensant à cette perspective de 2 jours seule à pouvoir bouquiner et jardiner… Charlotte, elle, est horrifiée. Elle prend un air catastrophé en lui disant qu’il est hors de question qu’elle passe deux jours toute seule, c’est bien trop déprimant ! Elle l’invite à venir à la maison samedi soir, elle lui propose aussi d’aller courir toutes les deux samedi et de venir aussi au barbecue organisée dimanche par l’une de ses amies. Difficile pour Lucie de refuser toutes ses propositions adorables de Charlotte, mais elle a appris à s’écouter et prendre soin d’elle, alors elle le fait délicatement en lui disant que ça lui fera le plus grand bien d’être seule pendant 2 jours. Mais difficile pour Charlotte de comprendre que Lucie préfère être seule pendant 2 longues journées. Charlotte se demande décidément pourquoi Lucie est si distante…

Osez la meilleure version de vous-même

Vous êtes vous retrouvés un peu ou totalement dans Lucie ou Charlotte ? Avez-vous peut-être aussi reconnu le comportement de certains de vos proches, de vos collègues, de vos enfants… ?

Ce qu’il est important de comprendre, c’est qu’il n’y a pas un meilleur trait qu’un autre. Nous avons besoin d’introvertis et d’extravertis. Imaginez en effet un monde avec uniquement des extravertis ou un monde avec uniquement des introvertis ! Ce serait l’horreur !

Introvertis et extravertis apportent des choses différentes. Mais comme toutes les différences, soit on décide d’en faire des points de friction, soit on décide d’en faire des complémentarités extraordinaires 

Récap introverti extraverti

Le premier travail selon moi est de se connaitre et s’accepter comme nous sommes, introverti ou extraverti.

Pourquoi ? parce qu’il est essentiel de comprendre comment on fonctionne et de quoi on a besoin ; Et parce qu’il est encore plus essentiel de se respecter soi-même avant d’attendre des autres qu’ils nous respectent.

Le second travail est de prendre conscience de toutes les forces que cela nous apporte. Ça vous parait sans doute « normal », « évident », mais non, ça ne l’est pas. Il n’y a qu’à voir les différences entre les richesses d’un introverti et d’un extraverti. Au lieu de focaliser sur ce qui vous manque, ce que vous aimeriez être davantage ou moins, regardez ce que vous faites de très bien et facilement grâce à ce trait de caractère.

Le troisième point est de ne pas s’enfermer dans ce qu’on est. Car comme je l’ai dit, on est à la fois introverti et extraverti, même si on a une tendance plus marquée qu’une autre. D’autre part, il serait dangereux de se dire : « bon moi, je suis introverti donc les soirées avec beaucoup de monde, je n’y vais plus » , « ou alors, « bon moi, je suis extraverti donc je coupe la parole mais c’est comme ça ». On doit chacun être vigilant sur nos axes de progrès, surtout s’ils nous gênent. Par exemple, les extravertis n’aiment sans doute pas avoir l’image de quelqu’un de superficiel, ou pas à l’écoute, et les introvertis n’aiment sans doute pas avoir l’image de quelqu’un qui n’aime pas les autres et ne sait pas s’amuser.

Donc sachons qui nous sommes, de quoi nous avons besoin, quelles sont nos forces, et enfin, sur quoi on doit être vigilant pour ne pas donner l’image ou même devenir quelqu’un que nous n’avons pas envie d’être.

Enfin, faisons le même processus d’acceptation avec les autres, et notamment ceux qui sont différents.

Acceptons qu’un extraverti parle, prenne de la place, soit moteur, quelques fois même exubérant. Remercions-le pour son énergie, sa spontanéité… Et acceptons qu’un introverti écoute, soit en retrait, dans la réflexion et quelques fois perdu dans ses pensées. Et remercions-le pour son sens de l’observation, ses prises de parole rares mais souvent très pertinentes…

En conclusion, vous l’aurez compris, arrêtons d’attendre d’un extraverti qu’il se comporte comme un introverti (c’est rare, mais je l’ai déjà vu, notamment si l’extraverti se trouve exceptionnellement en minorité au milieu d’un groupe d’introvertis). Et arrêtons d’attendre d’un introverti qu’il se comporte comme un extraverti (mais tout en gardant quand même ses qualités d’introverti…). Dans les deux cas, on leur fait consommer encore plus d’énergie, ce qui les poussera forcément à revenir encore plus fort à leur stratégie naturelle pour se ressourcer…

Introversion ou Extraversion, osez être la meilleure version pour vous-même d’abord et pour les autres ensuite 😉

Marion

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