Sandra est épuisée. Elle exerce un métier exigeant, stressant, nécessitant de nombreux déplacements. Elle vient me voir pour prendre du recul et l’aider à poser des limites afin de retrouver un équilibre pro/perso.

Quentin sollicite un accompagnement pour mieux gérer ses émotions et particulièrement la colère. Il reconnait en effet se montrer très souvent agacé dès que quelque chose ne se déroule pas comme il le souhaiterait. Soit il l’exprime et ça part en conflit, soit il rumine. Dans tous les cas, cela lui gâche de nombreux moments qui auraient pu être agréables.

Alice s’excuse presque de solliciter un RDV avec moi. Elle me dit ne pas aller bien, sans trop savoir pourquoi. D’ailleurs, ses amis lui disent qu’elle a tout pour être heureuse (un bon boulot, 2 magnifiques enfants, un mari aimant, une grande maison…) et qu’elle doit donc arrêter de se faire des nœuds dans la tête. Elle m’explique être hypersensible et ne plus supporter l’ambiance actuelle anxiogène.

Sandra, Quentin, Alice ne souhaitent qu’une chose : être plus heureux.

Et nous sommes tous comme eux. Très souvent enfermés dans notre train-train quotidien et insatisfaits d’un certain nombre de choses, tout ça prend tellement de place que nous n’arrivons plus à nous sentir heureux à des moments où nous pourrions objectivement l’être.

Il y a deux grandes façons de travailler cela. 2 façons qui ne devraient d’ailleurs pas être exclusives. La première, la plus classique, consiste à s’attaquer directement à ce qui pose problème. La seconde, issue de la psychologie positive, consiste à augmenter les sources de bien-être, de joie, de plaisir et in fine de bonheur. C’est cette seconde voie que nous allons explorons. 

« Je regrette qu’il faille une vie pour apprendre à vivre » Jonathan Safran Foer

Qu’est-ce que le bonheur ?

En 1984, le psychologue américain Edward Diener présenta le bonheur comme l’état de « bien-être subjectif » qu’éprouvent les personnes ayant la capacité à ressentir des émotions positives sans être polluées par les émotions négatives et affichant un sentiment élevé de satisfaction de leur existence.

Le bonheur est à différencier de la joie et du plaisir qui sont plus court-termistes. La joie est en effet une émotion intense et éphémère qui surgit en réponse à des événements positifs spécifiques, tels que recevoir une bonne nouvelle ou passer du temps avec des êtres chers. Le plaisir quant à lui est une sensation agréable et temporaire, souvent associée à des stimuli externes comme manger un bon repas, écouter de la musique ou pratiquer une activité agréable. Il est lié à la libération de dopamine dans le cerveau, une molécule qui joue un rôle clé dans le système de récompense et de motivation.

Contrairement au plaisir et à la joie, le bonheur est donc un état durable de satisfaction et de bien-être général. Il inclut une perspective positive sur la vie et une appréciation constante des expériences quotidiennes.

Jennifer De Paola, chercheuse spécialisée du Bonheur à l’Université d’Helsinki tente d’expliquer ce qui fait que la Finlande est pour la septième année consécutive première du classement du BNB (bonheur intérieur brut), rapport publié chaque année par l’ONU (La France se trouve à la 27ᵉ place en 2024). Elle émet l’hypothèse d’une compréhension plus accessible de ce qu’est une vie réussie en Finlande, contrairement à d’autres pays occidentaux où la réussite est souvent associée aux gains financiers.

Alors, le bonheur est-il uniquement une façon de voir les choses et n’aurait rien à voir avec notre niveau de vie ?

Oui et non.

Avant de chercher le bonheur, nous cherchons à assurer notre survie. Un seuil minimum est donc requis pour satisfaire nos besoins de base. Cependant, ce seuil minimum est subjectif, ou en tout cas contextuel et culturel. Ainsi, certaines populations, à nos yeux d’occidentaux, vivent dans des conditions précaires, et pourtant, elles semblent parfaitement heureuses. À l’inverse, nos cultures consuméristes ont fini par nous faire croire que notre bonheur était conditionné à l’Avoir (une belle voiture, une belle maison, de beaux enfants, le dernier iphone, l’abonnement netflix…). Résultat, nous courrons après l’accumulation. Et c’est peut-être ça qui nous empêche d’être heureux.

« Le bonheur, c’est de continuer à désirer ce qu’on possède » Saint Augustin

Un pêcheur est assis à l’ombre d’un arbre, au bord ‘un lac. Il joue avec ses enfants. Survient un homme de la ville, qui contemple la scène et entame la conversation.

 

  • « Bonjour, que faites-vous dans la vie, mon bon monsieur ?
  • Je suis pêcheur. Mon bateau est là sur la berge. J’ai pêché toute la matinée
  • Pourquoi ne pêchez-vous pas l’après-midi ?
  • J’ai de quoi nourrir ma famille pour les deux jours à venir
  • Mais si vous pêchiez toute la journée, vous pourriez aussi vendre votre poisson.
  • Et alors ?
  • Alors, vous auriez de quoi payer un associé, vous pêcheriez plus de poissons et vous augmenteriez vos revenus.
  • Qu’est-ce que j’en ferai ?
  • Eh bien, vous pourriez acheter un deuxième bateau et prospérer davantage.
  • Et après tout ça ?
  • Vous pourriez arrêter de travailler et passer du bon temps à vous détendre et à jouer avec vos enfants
  • Mais c’est exactement de ce que je suis en train de faire ! »

Avant toutes choses, la question est donc : quelle est votre représentation du bonheur ? 

Imaginez-vous 5ans plus tard et pleinement heureux (attention, j’ai dit heureux, et non dans la joie ou le plaisir). Fermez les yeux un instant pour imaginer cela. Quelle image vous vient ? Où êtes-vous ? Avec qui ? Que faites-vous ? Que voyez-vous ? Qu’entendez-vous ? Que ressentez-vous ?

Comment cultiver le bonheur ?

Sonja Lyubomirsky, chercheuse spécialisée en psychologie positive, a identifié 14 activités qu’elle nomme euphorisantes. Plusieurs études ont ainsi été menées, prouvant qu’elles peuvent significativement augmenter le sentiment de bonheur.

1. Exprimer sa gratitude

Il s’agit de savoir dire merci. Merci aux autres. Merci à soi-même. Merci à la vie.

Au-delà des règles de politesse, nous sommes assez avares de merci. Comme si, tout nous était dû. Et quand « ce dû » n’est pas là, nous pensons « mais pourquoi ? », « c’est trop injuste », « je n’ai vraiment pas de chance ». Et si au lieu de consacrer du temps à ses pensées négatives, nous prenions davantage le temps pour reconnaitre et remercier la vie, les autres et soi-même pour les choses chouettes qui nous arrivent.

J’entends d’ici là les mauvaises langues, exprimer que c’est du développement personnel à deux balles. Eh bien détrompez-vous. Les bienfaits de la gratitude ne cessent d’être démontrés scientifiquement.

Emmons et McCullough ont été les premiers à mener des études scientifiques sur la gratitude. La 1ʳᵉ, en 2003, consistait à demander à 3 groupes distincts de noter des éléments différents chaque semaine.

  • Le 1er groupe devait noter au moins 5 éléments positifs de la semaine.
  • Le 2ème groupe faisait la liste des choses irritantes de la semaine.
  • Et le 3ème identifiait les faits marquants de la semaine.
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Au bout de 10 semaines, les membres du premier groupe ont montré des signes visibles de meilleure santé morale et physique. Une autre étude démontre une réduction de plus de 23% du cortisol (l’hormone du stress). D’autres études encore démontrent les bienfaits de la gratitude sur le sommeil ainsi que sur les relations personnelles et professionnelles.

Que vous adoptiez la méthode des 3 kifs par jour, popularisée par Florence Servan Schreiber, ou encore le journal de gratitude ou la lettre de gratitude, je ne peux que vous encourager à tester par vous-même. C’est une routine simple à mettre en place, qui ne nécessite pas énormément de temps et qui offre des résultats spectaculaires. 

2. Cultiver l’optimisme

Il s’agit d’envisager les bons aspects d’une situation changeante ou imprévue.

Évidement, cela ne se fera pas sans effort pour ceux qui se considèrent d’une nature plus pessimiste. Mais en réalité, il ne s’agit pas de notre personnalité. Nous avons tous la capacité à développer notre optimisme. C’est comme un muscle. Ça se travaille. Ça demande cependant de la volonté et de la persévérance 😉

Je précise qu’il ne s’agit pas d’occulter ce qui nous contrarie et nous inquiète pour le futur. Il s’agit de s’obliger également à penser aux opportunités positives qui apparaissent et à envisager aussi les scénarios positifs qui pourraient déboucher de cette situation.

Pour aller + loin sur ce sujet, découvrez cet article : ce n’est pas ce qui arrive qui compte mais ce que vous en faites

3. Renforcer les liens sociaux

Il s’agit ici de développer des relations sociales, de se sentir entouré dans la vie réelle. On ne renforce en effet pas ses liens sociaux en augmentant son nombre d’amis sur Facebook, ses followers sur Instagram ou encore le nombre de vues de ses réels… Ces actions génèrent de la dopamine (hormone de la récompense), mais pas l’ocytocine (neurotransmetteur lié à l’attachement). Or ici, c’est bien l’ocytocine que nous allons chercher.

Quand nous ne sommes pas bien, nous pouvons avoir tendance à nous refermer sur nous-même. Même s’il est important de respecter ce besoin, cet isolement ne doit pas durer, car il viendra renforcer notre mal-être. Sachons alors contacter nos proches et les voir autant que possible. Bien sûr, choisissons des personnes positives, à l’écoute, qui vont nous faire du bien.

Les scientifiques recommandent également d’élargir son cercle de connaissance en s’inscrivant dans des associations, en réalisant des stages artistiques, sportifs ou autre. Bref, qu’on soit extraverti ou introverti, nous avons tous besoin de relations. À chacun de trouver la façon adaptée pour nourrir ce besoin.

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Une grande étude Havard a été mené pendant plus de 75ans. Durant toutes ces années, des personnes, ainsi que leurs proches, ont été régulièrement interrogées sur leur travail, leur famille, leur état de santé. De nombreuses prises de sang ont été faites, ainsi que des scanners cérébraux et même des autopsies, dans une seule optique : déterminer ce qui nous rend heureux. La conclusion est très claire : ce n’est ni notre statut, ni notre métier, ni notre richesse accumulée, mais la qualité de nos relations sociales qui influence notre perception du bonheur.

4. S’investir dans des relations intimes

En lien avec cette étude Havard, il s’agit alors de passer du temps de qualité avec l’être aimé ou des amis proches. L’intimité peut être physique, mais elle peut aussi être intellectuelle, émotionnelle. Comme l’explique l’analyse transactionnelle par le concept de la structuration du temps, l’intimité correspond à des moments où l’on s’autorise à être complètement authentique et à partager nos ressentis, doutes, émotions etc…

Le bonheur n’est donc pas un masque à afficher du style « je vais bien, tout va bien ».  S’investir pleinement dans des relations intimes, c’est justement ôter nos masques et parler avec sincérité.

5. Apprendre à pardonner

Il s’agit d’être capable de passer à autre chose, de ne pas se laisser polluer par ce qui est arrivé. Car tant que l’on rumine les événements passés, on ne peut pas être présent à ce qui arrive là maintenant et qui pourrait être source de joie, de plaisir et même de bonheur. Pour aller plus loin sur ce sujet, découvrez cet article : comment passer à autre chose ?

« le pardon ne change pas le passé mais il enrichit le futur » Proverbe sanscrit

6. Capter le flow au quotidien

Il s’agit de vivre des moments d’expérience optimale. M.Csíkszentmihályi, auteur de la théorie du flow, explique que : « les individus sont tellement intensément impliqués dans une activité que rien ne semble autrement importer que l’expérience ».

Il est important de prendre conscience des activités qui génèrent du flow chez nous. Certains vont le ressentir dans des activités artistiques, d’autres lorsqu’ils cuisinent ou jardinent, d’autres encore lorsqu’ils vont être en train de faire du codage informatique etc… Pour les repérer, pensez à ces activités qui vous font complètement perdre la notion du temps. Ce sont en général des activités pour lesquelles vous vous sentez capable, et qui, en même temps, représentent un certain défi à vos yeux (sinon, vous risqueriez de vous ennuyer). Dans un monde idéal, comme nous passons beaucoup de temps au travail, il serait bénéfique de ressentir cet état de flow dans l’exercice de nos fonctions. Cependant, c’est loin d’être le cas pour beaucoup de travailleurs. Il est donc essentiel d’identifier quelles activités personnelles génèrent chez nous ce sentiment et d’y consacrer alors le temps nécessaire. Car plus on multiplie nos expériences de flow, plus on se sent épanoui et heureux.

7. Goûter les petits plaisirs de la vie

Il s’agit de savoir profiter de l’instant présent. Cela nécessite de décrocher de nos écrans, de mettre en veille nos pensées qui nous renvoient souvent au passé (ruminations) ou au futur (anxiété) et de s’ancrer dans l’ici et le maintenant pour savourer les petits bonheurs quotidiens. Il peut s’agir d’un rayon de soleil, d’un plat délicieux, d’une musique agréable… Tous nos sens sont en éveil pour nous faire capter et profiter des petits plaisirs quotidiens. Et dans ce registre-là, notre enfant libre est un champion. Développer son sentiment de bonheur, c’est donc permettre à notre enfant libre de s’exprimer, même dans nos vies très sérieuses d’adulte.

8. Se fixer et poursuivre des objectifs concordants

Il s’agit de se donner des objectifs alignés avec nos valeurs et y accorder le temps nécessaire. Nous avons tous besoin de nous fixer des objectifs. Peu importe qu’ils soient grands ou petits. Mais nous avons besoin de cette projection et nous avons évidemment besoin qu’ils soient alignés avec nos aspirations profondes.

Pour aller plus loin sur ce sujet, découvrez cet article : En quête d’alignement 

9. Chercher un sens et un but à la vie

Un cran plus haut que nos objectifs personnels se trouve la recherche de sens. Quelles que soient notre sensibilité à la spiritualité et nos croyances, nous avons tous besoin de trouver du sens à notre vie et à la vie en général. Nous avons tous besoin de contribuer, d’une façon ou d’une autre, à quelque chose de plus grand que nous.

Pour aller plus loin sur ce sujet, découvrez l’interview de Marion OUDOT dans Le podcast le Cocon sur l’ikigai

10. Méditer

De nombreuses études ont été réalisées ces dernières années sur les effets de la méditation. Par exemple, des chercheurs ont découvert que suivre un programme de méditation de pleine conscience tel que le MBSR réduit efficacement les éléments négatifs du stress psychologique, avec des effets similaires à ce qu’on attend de l’utilisation d’un antidépresseur.

Au-delà de favoriser notre bien-être mental, les études démontrent que la méditation améliore la concentration, réduit la douleur, augmente l’immunité et prévient les risques de maladies cardiovasculaires.

Bref, la méditation, et particulièrement le mindfulness (médiation de pleine conscience) permet d’augmenter notre qualité de vie et sentiment de bien-être.

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11. Pratiquer une activité physique

Nul besoin d’être un grand sportif. Il s’agit ici de pratiquer régulièrement une activité nous permettant de nous vider la tête, de nous défouler et de prendre soin de nous. Marche, course à pied, yoga, foot, tennis etc… tout est bon. Un peu comme la méditation, faire cela nous extrait de nos préoccupations et ruminations. L’activité permet également d’éliminer le cortisol (hormone du stress) et à l’inverse de libérer des neurotransmetteurs du bonheur (dopamine et endorphine notamment).

 13. Adopter un comportement positif

Il s’agit de créer des boucles vertueuses par le sourire, l’attention positive à soi et aux autres, le fait de rendre service. Cette petite vidéo en donne une magnifique illustration.

Sonia Lyubomirsky liste encore 2 autres activités euphorisantes, mais qui, personnellement, me semble davantage être des objectifs que des activités concrètes. Objectifs, qui d’après moi, peuvent être facilité grâce aux 12 activités précédemment citées. La scientifique invite également à demander de l’aide et se tourner vers des professionnels si les ruminations et les épreuves passées restent encore trop envahissantes.

La 13ᵉ activité est ainsi de gérer le stress, les épreuves et les traumatismes et la 14ème est d’éviter de trop penser et se comparer

Peut être qu’à la lecture de tout cela, vous vous direz « OK mais faire ces activités ne m’enlèvent pas mes problèmes ! ». Et c’est vrai. Mais cela vous amènera sans aucun doute à les voir et les aborder de façon différente.

Je ne peux que vous inviter à tester. Vous verrez. Choisissez quelques activités parmi les 12 listées et efforcez-vous à les maintenir durant 1 mois. Je suis convaincue que vous verrez la différence. Et que vous aurez alors envie de les intégrer définitivement dans vos routines de vie.

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Rappelez-vous que ceux qui sont heureux ne sont pas des personnes qui n’ont rien vécu de difficile, qui ne vivent aucune contrariété ou encore qui n’ont aucune inquiétude quant à l’avenir. Ce sont simplement des personnes ordinaires, comme vous et moi, qui travaillent tous les jours pour faire en sorte que ces choses-là ne prennent pas toute la place dans leur vie. Et pour cela, ils accordent du temps à plusieurs des activités mentionnées. Comme le disent si bien Christophe André, Alexandre Jollien et Matthieu Ricard dans leur livre À nous la liberté, la clé est de se demander quel espace de liberté je fais l’effort de cultiver en moi malgré cela ; quelle place je réserve pour le bonheur malgré tout, et pour l’espérance malgré tout ?

Je vous souhaite tout le bonheur du monde 

Marion

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