Nous sommes des êtres complexes et plein de paradoxes. Parmi ceux-ci, les limites qu’on se fixe sont un grand sujet. Pour quelles raisons ? Parce que nous pouvons avoir tendance à nous limiter sur des choses pour lesquelles nous pourrions faire bien plus, et à l’inverse, nous ne savons dès fois pas poser des limites là où on devrait en poser.

Alors, remettons nos limites à plat et voyons si le curseur que nous plaçons est le bon. Je vous propose pour cela d’explorer 5 situations qui reviennent régulièrement en coaching :

Nos capacités : entre surconfiance et surmodestie, où se trouvent réellement nos limites ?

Culturellement, nous avons appris à être modeste. Donc à relativiser, voire minimiser ce que nous sommes capables de faire, plutôt que d’avoir totalement confiance en nous et croire que nous avons la capacité de tout faire. D’ailleurs cette 2ème catégorie de personnes est plutôt mal vue. On les trouve trop confiantes et on attend le jour où elles se bruleront les ailes. Ou on estime qu’elles ont un égo surdimensionné et qu’elles se croient au-dessus de tout le monde. Et bien sûr que ces personnes devraient quand même apprendre à se méfier, car elles restent des êtres humains comme tout le monde, donc limitées dans ce qu’elles sont capables de réaliser. Cependant, il me semble qu’il y a relativement peu de personnes comme ça, comparé à toutes celles qui doutent de leurs capacités. Personnellement, je pense que nous serions tous gagnants à croire davantage en nous, plutôt que d’être tellement pris dans les filets de la modestie face à nos réalisations et aux autres qu’on finit par totalement méconnaitre nos capacités et donc faire beaucoup moins que ce que nous serions capable de faire.
Je fais ce constat quotidiennement lors de mes coachings, lorsque je demande aux personnes quels sont leurs talents. 9 fois sur 10, la réponse est : « moi, je n’ai pas de talent particulier ».
Mais détrompez-vous, il n’y a pas que Picasso, Zidane ou encore je ne sais quel autre artiste qui sont dotés de talents. Nous le sommes tous !
Mais nous n’avons en général pas appris à les voir, à les valoriser et à les exploiter. Et c’est ainsi que nous nous limitons de façon considérable.

Nous n’avons pas appris à les voir car notre éducation et notamment le système scolaire valorise avant tout 2 types d’intelligence : l’intelligence logico-mathématique et l’intelligence verbalo-linguistique. Hors Gardner a mis en lumière 9 types d’intelligence. Dans notre culture, les 7 autres types d’intelligence nous paraissent annexes, voir inférieures. C’est un truc en plus ; notre activité extrascolaire lorsque nous étions enfants, notre activité extraprofessionnelle aujourd’hui, ou tout simplement ce que nous faisons quotidiennement avec notre famille et nos proches. Mais de là à parler d’une intelligence, d’une compétence ou encore d’un talent, il n’y a qu’un pas que nous avons tant de mal à faire !

Les 9 types d'intelligence

Et bien pourtant, le talent, c’est ça : « une aptitude à faire particulièrement bien quelque chose » (Larousse). La comparaison est davantage à aller chercher par rapport à d’autres choses que nous faisons. Cependant culturellement, nous pensons qu’avoir un talent, c’est être meilleur que les autres. Non, notre talent se trouve là où nous avons la capacité de faire quelque chose avec aisance. C’est presque naturel. Voilà où se trouve ce qu’on appelle notre zone de génie. Et lorsqu’on évolue dans cette zone, on déploie totalement nos ailes et les limites s’éloignent considérablement.  Mais ça parait tellement facile pour nous, qu’on a du mal à le valoriser. Et voilà comment de nombreuses capacités et talents restent dormants chez nous.

Au delà de méconnaitre notre zone de génie, nous avons à l’inverse tendance à focaliser sur notre zone d’incompétence. Résultat, on investit notre temps au mauvais endroit, et en plus c’est catastrophique pour notre estime de nous-même… Ok il y a des choses pour lesquelles nous ne sommes pas doués, mais à quoi bon persévérer là-dedans, quitte à s’épuiser et finir par généraliser en se pensant nul en tout… ça serait tellement plus bénéfique d’explorer et exploiter nos talents !

Comme le disait Einstein, « si vous jugez un poisson sur sa capacité à monter à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide ».

Au milieu de tout ça, il y a la zone de compétence et la zone d’excellence qui sont des zones que nous franchissons dans différentes disciplines au cours de notre formation et de nos expériences. C’est ici qu’on essaie classiquement de repousser nos limites. Et nous y parvenons plus ou moins selon les domaines. Mais cela nous demande des efforts immenses et il y a toujours un moment où des limites (de capacité, d’envie, de sens…) vont apparaitre.

les 4 zones de compétence

Si vous vous sentez limité dans vos capacités, alors c’est peut être tout simplement que vous n’êtes pas au bon endroit. Ou alors, c’est que vous manquez de confiance en vous. Je ne peux que vous conseiller de partir à la recherche de votre zone de génie, vous y trouverez confiance, épanouissement et c’est tout un champ des possibles qui s’ouvrira pour vous.

La force du mental : la volonté n’a-t-elle réellement pas de limites ?

« Quand on veut, on peut » ! voilà une croyance largement répandue. Et bien sûr que la volonté nous permet de repousser nos limites, d’aller beaucoup plus loin que ce que l’on se serait cru capable. Et quelle fierté lorsqu’on y parvient ! Cependant, comme il n’est pas bon de se croire limiter dans ses capacités, il n’est pas non plus sain de se croire illimité par le simple fait de la volonté ! Mais c’est cependant quelque chose qui est très ancré dans notre culture. Il suffit de voir toutes les citations qui fleurissent un peu partout sur le pouvoir extraordinaire de la volonté, de la motivation et de la persévérance. Et c’est vrai que ça peut nous pousser à sortir de notre zone de confort et à réaliser de belles choses. Mais attention à ne pas aller trop loin quand même. Car ce serait alors se considérer comme une machine, un robot, que nous pouvons totalement diriger grâce au pouvoir de notre tête. Sauf que l’être humain n’est pas uniquement guidé par la tête. Le corps et le cœur (les émotions) tiennent tout autant les manettes, même si nous aimerions croire le contraire.
Pour refaire le parallèle avec la citation d’Einstein plus haut : même si le poisson était doté d’une volonté de fer, il ne parviendrait quand même pas à grimper l’arbre. Et bien, il en est strictement de même pour nous. A force de croire que le mental et la tête sont surpuissants, nous n’écoutons plus notre corps et nos émotions, qui pourtant sont là pour nous informer de nos limites.
La faim est un signal qui informe de notre limite au jeûne. Le sommeil est un signal qui informe de notre limite d’éveil. La colère est une émotion qui informe de notre limite, de ce que l’on peut accepter etc… On peut tenter d’ignorer ces informations, mais elles finissent toujours par gagner… Et le risque quand on ne les écoute pas, c’est qu’elles se fassent de plus en plus entendre, jusqu’à une réaction violente et brutale qui nous empêchera alors de faire ce que nous avions pourtant la volonté de faire. Et là, on découvre qu’on a beau vouloir, on ne peut plus.

Pour aller plus loin, je vous invite à découvrir l’article sur l’écologie personnelle qui évoquait en détail ce sujet.

Les relations avec les autres : quand notre sens du service n’a pas de limite

Combien de gens donnent tout aux autres, jusqu’à s’en oublier, se faire avoir, ou en tout cas être déçu de ne pas avoir de juste retour. On peut en vouloir à l’autre. On se dit qu’il abuse, qu’il est sans gêne. Oui, mais qui le laisse abuser ? qui ne dit jamais non ?
Savoir dire non est quelque chose de difficile pour beaucoup et notamment pour les femmes dont on attend socialement encore plus un sens de service, voire de dévotion aux autres.
Personnellement, depuis que j’ai compris que c’était ma responsabilité de poser des limites aux autres (même si, on aimerait ne pas avoir à le faire et se dire que l’autre se limitera lui-même…), je m’interroge continuellement pour savoir si la situation est OK ou pas OK pour moi. En général, je le sens directement dans mon corps si ce n’est pas OK. C’est mon petit signal qui me dit : « là, il y a quelque chose qui ne te convient pas ». C’est mon warning d’une première limite franchie. Le but est de réagir rapidement pour éviter qu’une 2ème limite soit franchie plus tard et que celle-ci soit comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ma réaction est donc soit de dire à la personne que quelque chose n’était pas OK pour moi et de proposer une autre option (en utilisant des techniques de communication non violente), soit de prendre mes distances. En tout cas, je m’écoute et je me préserve. Et c’est aussi ainsi que je préserve la relation. Car contrairement à ce que l’on pourrait instinctivement penser, savoir poser des limites aux autres permet de cultiver de meilleures relations dans un respect mutuel.

Comme le dis si bien Thomas d’Ansembourg dans son livre « Cessez d’être gentil, soyez vrai », quand vous dites oui à l’autre alors que vous sentez que ce n’est pas OK pour vous, c’est à vous que vous dites non.
Ne méritez-vous pas qu’on vous dise OUI à vous aussi ? Mais comment voulez-vous que les autres vous disent oui, alors que vous ne le faites même pas pour vous-même ?

Le travail : où mettre ses limites dans un milieu qui les repousse constamment et qui valorise cela ?

Le travail : voilà un endroit où il n’est pas facile de poser des limites ! Parce que, par définition, c’est un lieu où on attend de nous de se dépasser pour atteindre des objectifs toujours plus élevés et progresser dans sa tenue de fonction. La recherche de promotions et de reconnaissance, la peur d’être mal vu, ou encore la crainte du chômage guident aussi nombre de nos comportements. La carotte et le bâton marchent ainsi souvent à plein régime au travail et sont de puissants leviers de dépassement de nos limites.
Par exemple, comment dire à son patron que ce n’est pas OK pour nous quand il nous appelle à 19H ? Non seulement on est très consciencieux et investi et on ne voudrait pas qu’une petite phrase lui fasse croire le contraire, et puis, ce serait prendre le risque de le mettre en colère, qu’il pense qu’il ne peut pas compter sur nous, et que la prochaine augmentation ou évolution nous passe sous le nez…
Cet amalgame est très courant. Pourtant, ce qui lie avant tout un salarié à une entreprise, c’est un contrat de travail. Voilà une limite légale à laquelle on peut se référer (ce qui n’était pas le cas dans les exemples vus précédemment). Que mes propos ne soient pas mal interprétés, je n’encourage personne à être revendicatif à tout-va en ayant constamment son contrat de travail ou le règlement intérieur en main. En fait, c’est d’abord et avant tout envers soi-même qu’il peut être bon de faire ce constat. Car la majorité des personnes ne posent pas de limite au travail par peur, mais aussi par culpabilité. Dans ce cas, il est bon de se rappeler qu’un cadre légal existe et que tant que vous êtes dans le respect de ce cadre légal, vous n’avez aucune raison de culpabiliser ou d’avoir peur.
Et puis, quand bien-même vous vous référeriez au cadre légal pour reposer des limites auprès de votre employeur, rassurez-vous, entre ne pas savoir mettre de limite et devenir revendicatif, il y a tout un espace dans lequel vous pouvez trouver votre juste milieu. C’est surtout la manière de le faire qui fera la différence.

Mais quoi qu’il en soit, l’entreprise d’aujourd’hui est presque par essence un système repoussant constamment les limites. En tout cas, l’entreprise basée sur l’augmentation de la productivité tentera toujours de voir si elle peut obtenir plus avec la même chose, voire un peu moins. C’est le jeu… (si on peut dire). Donc à vous de savoir dire quand vous êtes OK et quand vous ne l’êtes plus.
Heureusement, on parle de plus en plus de qualité de vie au travail et de prévention des risques psychosociaux et donc certaines limites sont reposées grâce à cela. C’est par exemple ce qui se passe avec le droit à la déconnexion, le fait que certaines entreprises interdisent les réunions en fin de journée, bloquent les mails le soir etc…

Il existe cependant une catégorie de personnes pour lesquelles ces limites sont très difficiles à poser seules. Ces personnes sont très rigoureuses, voire en quête de perfection, parfois accro au travail, très peu sûres de leur valeur, voire victimes du syndrome de l’imposteur, ce sont ce qu’on appelle des « bons élèves » etc… Elles vont pousser leurs limites toujours plus loin. Et comme elles font du très bon travail et que l’entreprise compte sur elles, l’un et l’autre vont alimenter le dépassement des limites. Il est essentiel pour l’entreprise de ne pas abuser et d’aider ces collaborateurs à reposer des limites. Ce sont des conditions essentielles pour assurer leur santé et leur performance durable au sein de l’entreprise.

portrait robot burnout

La vie des autres : quand on porte sans limite la responsabilité de ce qui arrive aux autres

Un paradoxe très étonnant consiste à la fois à douter de ses capacités et en même temps à se sentir responsable de tout : si untel ne va pas bien, c’est de ma faute, si bidule n’a pas réussi, c’est de ma faute etc… Donc à la fois je me crois doué en rien et en même temps j’ai des superpouvoirs qui me permettent d’influer directement sur la vie et les choix des autres. Mais comme, ne l’oublions pas, je ne suis pas très doué, mon influence sur la vie des autres ne joue que lorsqu’il leur arrive des problèmes…

Il est alors bon de se rappeler ces 3 zones et les frontières qui les séparent. Notre degré d’impact est différent selon les zones: dans la zone de contrôle, j’ai un impact total et direct ; dans la zone d’influence, j’ai un impact partiel et/ou indirect ; dans la zone de préoccupation, je n’ai aucun impact; 

les 3 zones d'influence

Si vous avez tendance à porter le poids du monde sur vos épaules et à vous torturer dès qu’il se passe quelque chose dans la vie de vos proches, rappelez-vous que ce sont des individus disposant de capacités de réflexion, de prise de décision et d’action. Ils sont en capacité d’agir par eux-même. Vous pouvez peut-être les influencer. Mais peut-être pas. En tous cas, ils ne sont absolument pas sous votre contrôle. Agissez et laissez les agir en adulte.

A travers ces quelques exemples, vous voyez à quel point nous agissons comme de véritables régisseurs envers nous-même. Nous nous dictons des lois, des règlementations et donc des limites à longueur de temps. Mais alors que dans certains domaines, nous avons mis en place une législation très dense qui contraint considérablement notre capacité d’agir, à l’inverse dans d’autres domaines, c’est l’anarchie totale. Aucune de ces situations n’est idéale.

A vous de trouver votre juste milieu en fonction des domaines et de la période de votre vie. C’est donc une révision régulière à faire : s’assurer que les limites soient au bon endroit et qu’elles soient assez claires pour que vous sachiez quand c’est dans le jeu et quand c’est hors jeu. Et dans le 2ème cas, ce que vous pouvez mettre en place pour continuer de jouer dans les limites de votre cadre 😉.

Bon arbitrage !

Marion

ligne terre battue
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