Hugo, 12ans ne veut plus aller au tennis. Pourtant il a fait des pieds et des mains auprès de ses parents pour s’inscrire à ce sport, en plus du football qu’il pratique depuis ses 6 ans. Ses parents tentent de comprendre :

-« Pourquoi tu ne veux plus aller au tennis ? Ce sont les matchs qui t’inquiètent ?

-Non pas du tout !

-Tu es sûr ?

-Oui je suis sûr !

-Tu sais, ce n’est pas parce que tu as perdu tes deux premiers matchs qu’il faut abandonner. C’est comme ça que tu apprends. D’ailleurs, j’ai vu tous les progrès que tu as fait entre tes 2 matchs

-Je te dis que ce n’est pas ça ! répond Hugo agacé

-Alors c’est quoi ?

-Bah c’est l’ambiance. C’est pas pareil qu’au foot… »

Les parents d’Hugo l’écoutent. Mais ils ont bien remarqué que leur fils était plus anxieux depuis quelques semaines. À vrai dire depuis qu’Hugo est inscrit à sa première compétition. Même s’il joue avec des débutants comme lui. Il se retrouve seul sur le terrain. Au foot, la victoire et la défaite, c’est en équipe. Ça amoindrit un peu la déception et la responsabilité en cas de défaite. Là, dans un sport individuel, tous les yeux sont braqués sur lui. On perd ou on gagne seul. Pas facile pour l’égo…

Et il n’y a pas qu’Hugo qui cherche à protéger son égo. Nous le faisons tous. Pourquoi ? parce que notre égo nous pousse toujours à garder la face auprès des autres et auprès de nous-même. On veut montrer la plus belle image de nous. Quitte à faire des choses qui ne sont pas profondément ce que nous avons envie de faire (Malgré tout, Hugo aime beaucoup le tennis), et quitte au final à ne pas toujours montrer la meilleure image de nous… (alors même que c’est l’objectif premier de notre stratégie de défense) . Car quand notre égo refuse la remise en question, ça ne nous aide pas à nourrir de bonnes relations avec les autres : on va alors avoir tendance à rejeter la faute sur l’autre, ne pas reconnaitre nos torts etc…

Bref, quand notre égo s’emballe et use et abuse de stratégies de protection, il finit par être contreproductif.

Car ne jamais vouloir perdre la face, c’est ne vouloir jamais échouer, se remettre en question, admettre ses difficultés. Dans ces conditions, difficile de progresser. Difficile d’apprendre sur soi ; difficile d’oser entreprendre quoi que ce soit en dehors de notre zone de confort… Intellectuellement, nous sommes tous capables de le comprendre. Pourtant, dans la réalité, nous ne réagissons pas toujours de la façon qui sera la plus riche d’apprentissage pour nous.

« A notre époque, le cerveau ne fait plus la différence entre la perception de ce qui menace la survie et la perception de ce qui menace l’égo. Il déclenche la même réaction : lutte, fuite ou paralysie ».

Cette phrase issue du magnifique livre de Serge Marquis, le Jour où je me suis aimé pour de vrai, résume parfaitement les mécanismes trop souvent à l’œuvre. Mécanismes généralement totalement inconscients.

Voyons d’un peu plus près les 6 mécanismes principaux et leurs conséquences :

1/ L’évitement

La stratégie d’évitement consiste à nous amener à fuir toute situation qui risquerait de mettre à mal notre égo.

Vincent est un homme qui a réussi comme on dit. La quarantaine passée, il jouit d’un beau poste. Oui mais voilà, il commence à aspirer à de nouvelles choses.  Il travaille ainsi depuis quelques mois sur un projet entrepreneurial. Cependant depuis plusieurs semaines, il n’avance plus. Il est en effet arrivé à un stade, où il est temps de parler de son projet pour affiner sa cible, trouver des investisseurs etc… Mais la peur d’échouer est tellement profonde qu’il est bloqué.

Après avoir factuellement répondu aux objections classiques qu’il pouvait avoir quant à la fiabilité de son projet,  Vincent admet que ses craintes sont de savoir ce que les autres pourraient penser de lui s’il échouait, ce que lui penserait de lui-même s’il échouait. Bref, il n’est pas prêt à se confronter à l’image qu’il pourrait donner en parlant de son projet, en quittant une situation enviée de beaucoup et en prenant le risque d’échouer. L’image dont il bénéficie actuellement lui plait. En tout cas, elle lui semble correspondre à ce qu’on attend de lui. Et pour lui ça risque de ne plus être le cas s’il entreprend son projet. Voir l’article sur nos excuses préférées pour ne pas aller au bout de nos aspirations professionnelles

2/ Le déni

Dans ce cas, notre égo nous amène à nier le problème ou la difficulté.

Christine est manager d’une équipe de huit personnes. C’est son propre manager qui a souhaité qu’elle se fasse coacher, car plusieurs membres de l’équipe de Christine sont venus se plaindre de son style managérial trop directif et de son ton très cassant. Malgré des indicateurs factuels comme l’augmentation du turnover, l’augmentation du taux d’absentéisme, la baisse des résultats, Christine refuse d’admettre qu’il y a effectivement un problème.

déni

Son égo est aux commandes. Admettre qu’il y a un problème, ce serait, pour elle, admettre qu’elle rencontre des difficultés. C’est, pour le moment, impensable. Elle ne rejette pas particulièrement la faute sur son équipe. Elle est réellement persuadée qu’il n’y a aucun problème et que son manager a pris trop au sérieux des éléments qui font de toute façon partie de la vie d’une équipe. Tant que son égo la fera persister dans cette stratégie, Christine ne sera pas ouverte à remettre en question quoi que ce soit. Le risque serait qu’il faille attendre que la situation se dégrade dangereusement pour qu’il y ait enfin une prise de conscience de l’existence d’un problème. Ce qui ne veut pas pour autant dire que Christine reconnaitra sa part. D’autres stratégies de défense de l’égo peuvent succéder à ce premier mécanisme de déni.

3/ La projection

Cette stratégie consiste pour notre égo à nous faire attribuer aux autres nos difficultés et sentiments négatifs.

Ines a entrepris une démarche de coaching car elle sent qu’elle est en train de perdre pied à la maison et au travail. Elle est dans ce qu’on appelle une phase de surchauffe. Phase qui mène tout droit au burnout si on n’agit pas. Heureusement, elle en a conscience et sollicite donc mon aide. Mais elle a beau savoir intellectuellement qu’elle fait son maximum et sans doute plus, elle se juge négativement de ne plus y arriver. Lors de notre première séance, elle se montre particulièrement agressive, pensant que moi, comme les autres, la jugeons comme quelqu’un de faible, de dépressive, de mal organisée etc… Mais c’est d’abord Ines qui porte ce regard-là sur elle. Bien plus que les autres…

4/ Les fantasmes et rêveries

Ici, la stratégie de notre égo est de nous amener à imaginer notre réussite. Nous vivons dans un monde merveilleux, mais hélas totalement fictif. Et qui a toutes les chances de le rester si nous passons plus de temps à rêver qu’à nous confronter à la réalité pour construire.

Elisabeth s’est lancée en tant qu’indépendante depuis plusieurs années. Et ça fonctionne relativement bien. Cependant, elle a d’autres ambitions pour son activité. Mais depuis qu’elle pense sérieusement à cela, elle n’avance plus. Ni dans son activité actuelle. Ni dans son projet. Elle sollicite donc quelques séances de coaching pour combattre cette procrastination envahissante. En fait, Elisabeth ne voit pas ses journées passer. Mais à la fin de la journée, elle n’a pourtant rien fait. Elle « rêvasse » comme elle dit. Son égo a trouvé un refuge confortable.

5/ La rationalisation

Dans ce cas, notre égo reconnait le problème, mais il va y attribuer des causes qui éviteront une remise en question personnelle.

Arnold est le patron d’une PME. Son entreprise fonctionne bien et compte aujourd’hui plus de 50 salariés. Il sollicite un RDV pour parler d’épuisement professionnel. Il m’explique que les cas se multiplient depuis 2ans et qu’il cherche donc à comprendre. Mais très rapidement, il énumère de façon factuelle toutes les raisons externes à l’entreprise et qui ont amené chacun de ses collaborateurs dans une situation de burnout. Son égo a pris les commandes. 

 

6/ La compensation

Cette dernière stratégie consiste à fuir un sentiment d’infériorité en s’investissant dans d’autres domaines.

Le fameux « je possède, donc je suis » reflète typiquement cette stratégie : je n’ai peut-être pas autant réussi professionnellement qu’untel, mais regardez ma maison, ma voiture, ma montre, mes fringues, ma famille…

Corinne est une femme de 55ans. Hyper dynamique, elle est sur tous les fronts : elle est une maman et une toute jeune grand-mère toujours disponible, elle s’investit dans une association, elle fait du sport, elle a plein d’amies qu’elle voit régulièrement etc… Oui mais Corinne n’arrive pas à trouver du travail. Elle est convaincue qu’à son âge, aucune entreprise ne voudra la recruter. Et puis, d’après elle, si toutefois elle avait une proposition, ce serait forcément dans des postes sous-qualifiés, où elle s’ennuiera. Quand je lui demande à combien d’offres, elle a postulé. Sa réponse est zéro. Elle se sent tellement sans valeur sur le marché du travail qu’elle préfère investir tous les autres pans de sa vie.

Toutes ses stratégies sont humaines. Elles sont totalement compréhensibles. Le problème, c’est quand on les surutilise. Car vous voyez bien que dans tous les cas évoqués, tant que ces personnes resteront avant tout guidées par leur égo, alors elles auront du mal à avancer.

orgeuil

Pour réussir à avancer, il faut intégrer le cycle des 4R :

  • Reconnaitre la difficulté, l’erreur et sa réelle part de responsabilité. Cela nécessite une prise de conscience qui n’est pas toujours évidente. Mais si vous prêtez une oreille attentive à vos proches, vous verrez qu’ils tentent souvent de vous suggérer une autre réalité que celle que vous vous racontez…
  • Se Réconcilier avec soi-même. Vous n’êtes pas votre erreur ou votre difficulté. Vous avez aussi à votre actif des tonnes de réussites, des talents, des compétences. Ne soyons pas aussi dur avec nous-même. Soyons un meilleur ami envers nous. Un ami qui nous porte un regard bienveillant et nous pardonne.
  • Résoudre les potentielles conséquences de son erreur et de sa stratégie initiale de défense de l’égo. Vous voilà dans l’action. Et dans une action plus conforme à vos aspirations profondes
  • Recommencer. Car vous referez d’autres erreurs. C’est la vie. C’est comme ça que vous apprendrez à nouveau

 

À travers tous les exemples, vous avez aussi compris que ces systèmes de protections n’étaient pas uniquement l’apanage de ceux qu’on qualifie de personne à l’égo surdimensionné. Ceux dont la fragilité de l’égo est plus visible (ceux que l’on qualifie souvent comme « manquant de confiance en eux » sont tout aussi adeptes de ces stratégies).

Bref, si nous n’y prenons pas garde, nous avons TOUS tendance à être mené par le bout du nez par notre égo. Encore une fois, c’est un mécanisme naturel et souvent automatique.

D’ailleurs, je mettrai ma main à couper que votre égo était en marche à la lecture de cet article. À quoi je pourrais voir ça ? Au fait que vous avez facilement attribué les différentes stratégies à des personnes de votre entourage, plutôt qu’à vous-même. Encore une pirouette d’évitement de notre égo 😉

Mais si vous êtes prêt à le laisser de côté quelques secondes, demandez-vous :

  • Quelles sont les 2 stratégies que j’ai le plus tendance à utiliser ?
  • Si je repense aux 3 dernières situations où j’ai usé de ces stratégies, qu’est-ce que cela m’a apporté de positif ?
  • Et de négatif ?
  • Qu’est-ce qui se serait passé si j’avais reconnu ma difficulté, mon erreur, mes émotions ?

Et s’il était temps de baisser un peu la garde de votre égo ?

Marion

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