Sylvie doit monter sur scène lors de la prochaine convention nationale de son entreprise. Son manager lui a demandé de venir présenter le projet très structurant sur lequel elle travaille depuis de nombreux mois. Sylvie est terrifiée à l’idée de devoir prendre la parole devant plus de 1000 personnes. Elle est à deux doigts de renoncer, malgré l’insistance et la confiance de son manager.

Charles rêve de quitter son emploi pour se lancer dans l’entrepreneuriat. Ça fait plus de 2 ans qu’il y pense. 2 ans qu’il s’ennuie dans son job. 2 ans qu’il affine son projet. Mais il ne parvient pas à passer à l’étape suivante. La peur de l’échec et de l’incertitude financière le freinent.

Magalie a peur de l’avion. L’idée même de monter dans un appareil en vol lui donne des sueurs froides. Bien qu’elle rêve de voyager et de découvrir le monde, sa peur de l’avion la cloue au sol depuis de nombreuses années. Mais voilà qu’elle est désormais amenée à faire des déplacements en Europe pour son travail. Il va devenir de plus en plus difficile d’échapper à ce mode de transport. Cette perspective l’angoisse terriblement.

Jonathan se présente à moi comme l’as de la procrastination. Il remet tout à plus tard. Même s’il reconnait finalement s’en sortir correctement à chaque fois, il sait qu’il pourrait faire les choses mieux et de façon plus sereine. Il ne comprend pas pourquoi il agit ainsi. En fait, Jonathan souffre du syndrome de l’imposteur. Il a peur de ne pas réussir et il a peur de réussir.

Ces situations, aussi diverses soient-elles, montrent comment la peur peut nous immobiliser, nous empêcher d’agir, et nous couper des opportunités.

Le mécanisme de la peur

La peur est un mécanisme de survie profondément ancré en nous, un héritage de nos ancêtres qui vivaient dans des environnements particulièrement hostiles. Lorsqu’ils étaient confrontés à des prédateurs ou des dangers immédiats, leur cerveau déclenchait un signal d’alarme pour préparer le corps à réagir. Ce processus, connu sous le nom de « réponse combat-fuite », est régulé par une partie du cerveau appelée l’amygdale. Lorsque nous percevons une menace – réelle ou imaginaire – l’amygdale envoie des signaux à notre système nerveux qui libère des hormones telles que l’adrénaline et le cortisol. Ces hormones augmentent notre fréquence cardiaque, élèvent la pression artérielle et nous mettent en état d’alerte. En d’autres termes, elles nous préparent à agir rapidement pour fuir ou affronter le danger.

La peur n’est donc pas une émotion négative. Son rôle est de nous protéger. À l’inverse, quelqu’un qui ne ressentirait jamais aucune peur prendrait des risques considérables au quotidien. Son espérance de vie serait probablement assez réduite.

« tous les Hommes ont peur. Tous. Celui qui n’a pas peur n’est pas normal » Jean-Paul Sartre

Imaginons que vous installiez une alarme pour votre maison. Il faudra que cette dernière soit bien paramétrée pour que :

  • Elle se déclenche au bon moment, c’est-à-dire quand quelqu’un essaie effectivement de forcer la porte (et non par exemple quand votre animal de compagnie s’y frotte)
  • Elle émet le bon niveau sonore : ni trop faible, car ça n’alerterait personne, ni trop fort pour ne pas angoisser tout le quartier

Eh bien, pour l’être humain, c’est un peu pareil. Notre peur est un système d’alarme qui peut rencontrer des problèmes de timing et/ou d’intensité. Ces problèmes de paramétrages de la peur viennent essentiellement du fait que, dans nos vies modernes, la peur n’est pas de la même nature que lorsque nos ancêtres vivaient en milieu hostile. Sauf que le système, lui, est resté le même. Aujourd’hui, nos peurs sont avant tout liées à des situations sociales, professionnelles ou émotionnelles, et notre cerveau ne fait pas toujours la distinction entre un danger réel et un danger perçu.

C’est ainsi que la peur de prendre la parole en public, de quitter un emploi, de monter dans un avion, d’échouer ou de réussir peut provoquer la même réponse que face à un prédateur. Sauf qu’au lieu de nous pousser à agir, cette peur devient paralysante, car elle est souvent associée à un sentiment d’impuissance ou de manque de contrôle. C’est ce que l’on appelle le « gel » ou l’immobilisation : notre esprit et notre corps se figent, incapables de répondre de manière adaptée à la situation.

 « La peur est fondamentalement l’anticipation de quelque chose qui ne s’est pas encore produit, mais que l’on croit inévitable. » Dr. Karl Albrecht, psychiatre américain

Les 5 peurs psychologiques

Selon les recherches en psychologie, il existe cinq grandes peurs universelles qui influencent la plupart de nos angoisses quotidiennes :

  1. La peur du manque : C’est la peur de manquer de quelque chose, que ce soit d’argent, de temps, d’amour ou d’opportunités. Charles illustre cette peur : il a peur de quitter son emploi par crainte de manquer de stabilité financière. Ce sentiment de rareté et de précarité nous pousse à rester dans des situations sécurisantes mais parfois insatisfaisantes.
  2. La peur de l’autre : Il s’agit de la peur du jugement, du rejet ou de l’agression. Nous craignons ce que les autres pourraient penser de nous, ou d’être blessés émotionnellement ou physiquement. On retrouve cette peur par exemple chez toutes les personnes qui ont du mal à dire non. Il y a aussi de cette peur chez Sylvie. Rien que d’imaginer 1000 personnes en face d’elle, elle ne se sent pas bien. Elle projette que toutes ces personnes penseront la même chose que ce qu’elle pense d’elle-même, à savoir, qu’elle n’a pas sa place sur scène.
  3. La peur de la mort : C’est la peur la plus primitive, liée à notre instinct de survie. Magalie, avec sa phobie de l’avion, est terrorisée à l’idée de mourir dans un crash. Même si la probabilité d’un tel événement est extrêmement faible, cette peur est profondément ancrée en elle.
  4. La peur d’échouer : c’est la peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas prendre les bonnes décisions, de ne pas être assez compétent ou intelligent etc… Sylvie redoute de prendre la parole en public parce qu’elle se juge incapable de réussir cet exercice. Elle estime que d’autres personnes sauront mieux faire qu’elle.

5. La peur de réussir : Cela peut sembler paradoxal, mais réussir comporte son lot d’incertitudes. C’est exactement ce que vit Jonathan. Il se sent déjà un imposteur à son poste actuel. Et il sait que son manager croit énormément en lui et aimerait le faire évoluer. Sa réussite amènerait donc encore plus de responsabilités et d’exposition. Cette peur le pousse inconsciemment à mettre le pied sur le frein de son potentiel.

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Comment reprendre le contrôle de ses peurs ?

1. Reconnaitre, accepter et normaliser la peur

Le premier pas pour surmonter une peur, c’est de la reconnaître. Ça vous parait évident, mais croyez-moi, c’est rarement le cas. Beaucoup de personnes ressentent en effet de la honte à avoir peur. Parce que, intellectuellement, elles comprennent bien que leur peur est disproportionnée par rapport à la réalité. Prenons Magalie et sa peur de l’avion. Elle n’ose pas en parler. Elle me raconte avoir usé d’arguments écologiques et économiques pour organiser un déplacement professionnel en train, alors qu’on la poussait à prendre l’avion. Mais elle sait ce qu’il va se passer si elle dit qu’elle a peur de prendre l’avion. On lui dira que « il ne faut pas avoir peur », que « c’est l’un des moyens de transport les plus sûrs » etc… Elle a déjà entendu 100 fois ces arguments. Est-ce que ça l’aide ? Non. Au contraire, ça nourrit un sentiment d’anormalité et donc de honte chez elle. 

Beaucoup de personnes essaient également de nier leurs peurs, pensant qu’ignorer ce sentiment le fera disparaître. Ça pourrait par exemple être le cas de quelqu’un qui, comme Sylvie, a peur de prendre la parole en public, mais qui va tout faire pour étouffer cette peur, se montrer fort, et y aller quand même. Sauf qu’il y a de très fortes chances que le système d’alarme s’intensifie chaque jour un peu plus. Jusqu’au jour J où la personne perd totalement ses moyens.

Avoir peur est normal. Ça fait partie de notre expérience humaine. Savoir le reconnaitre, c’est déjà diminuer un peu son pouvoir et éviter de s’enfoncer dans la honte ou le déni. Je ne peux donc que vous encourager à ouvrir la porte de cette peur quand elle vient sonner chez vous. Car tant que vous laisserez la porte fermée, elle continuera d’appuyer sur la sonnette. 

2. Identifier la source de la peur

Il est essentiel de bien cerner la source exacte de notre peur. Car comme les trains, une peur peut en cacher une autre 😉

Par exemple, Sylvie se rend compte que sa peur de prendre la parole sur scène, c’est finalement surtout la peur d’être ridicule. C’est important de nommer et accueillir cette peur sans la juger. Nous explorons alors ensemble totalement cette peur afin d’en avoir une représentation plus précise. « ça serait quoi être ridicule sur scène ? Tu aurais fait quoi pour ça ? Il se passera alors quoi chez toi ? Et pour le public ? Et ensuite, qu’est-ce qui se passe ? etc…

On pourrait croire qu’on remue le couteau dans la plaie et qu’on nourrit la peur, mais en fait, d’une part, on respecte la peur et d’autre part, on la rend plus concrète. Et c’est en la rendant plus concrète que parfois, elle se désagrège toute seule. Car la personne se rend compte que ce scénario est assez invraisemblable.

3. Dézoomer

La peur agit sur nous, comme si nous avions des œillères. En effet, quand nous ressentons de la peur, notre vision périphérique se réduit et nous ne voyons plus que l’objet de notre peur. Il faut donc se forcer à dézoomer, à enlever nos œillères.

Continuons avec l’exemple de Sylvie. Une fois que la source de sa peur a été bien identifiée, une fois que j’ai respecté sa peur d’être ridicule en explorant tout ce que cela signifiait pour elle, nous sommes allées chercher toutes ses expériences ressources, c’est-à-dire toutes les fois où Sylvie a pris la parole et n’a pas été ridicule. Ce sont autant de contre-exemples qui viennent rééquilibrer la balance interne de Sylvie. Avant tout, le poids était réparti sur le risque d’être ridicule, et elle ne voyait plus que cela. Désormais, il y a une répartition plus équitable entre le risque d’être ridicule et la possibilité de ne pas l’être.

4. Identifier et répondre à ses besoins

Chaque émotion désagréable est le signal qu’un besoin n’est pas satisfait chez nous.

Quand on a peur, on a besoin de se sentir protégé, de pouvoir anticiper et se préparer à ce qui pourrait se passer.

Prenons cette fois l’exemple de Charles qui n’ose pas quitter le salariat pour l’entreprenariat, à cause notamment de l’insécurité financière que le statut d’indépendant génère.

Nous réfléchissons ensemble aux stratégies qui pourraient lui permettre de se sentir davantage protégé face à ce risque. Il en ressort, qu’il pourrait demander un 80% (ça passerait pour lui financièrement) et commencer ainsi sa nouvelle activité en autoentrepreneur. Il évoque également le portage salarial, qui pourrait être une piste intermédiaire pour lui.  Son objectif est clairement de créer sa structure indépendante. Mais il réalise que le gap entre cet objectif et son statut actuel est trop important et que c’est cela qui le plonge dans l’immobilisme. Envisager des étapes intermédiaires le rassure et l’aide à passer à l’action.

Rappelez-vous quand vous avez appris à nager. Vous ne vous êtes pas jeté directement dans le grand bain ! Il y a eu des étapes. Et bien bizarrement, devenus adultes, nous avons non seulement tendance à oublier les étapes, mais en plus, nous aimerions tout de suite savoir-faire et bien faire. Donc en somme, c’est comme si on estimait qu’on devrait savoir nager, avant même d’avoir mis un pied dans l’eau.

Dites-vous bien que quand vous avez peur et n’avancez pas, c’est sans doute que vous vous trouvez devant une marche qui est trop haute. Découpez la alors, autant que possible, en étapes intermédiaires, jusqu’à ce que le prochain step vous paraisse accessible. C’est la méthode des petits pas 😉

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5. S’exposer progressivement à sa peur

Nos peurs persistent quand nous leur obéissons et fuyons. Si nous voulons les faire taire, il faut donc s’y exposer. Mais attention, pas n’importe comment !

Pour reprendre l’exemple de l’apprentissage de la nage, même si malheureusement cela s’est pratiqué, on ne combat pas la peur de l’eau en jetant un enfant dans le grand bain. Eh bien, par exemple pour Magalie et sa peur de l’avion, c’est pareil. Notre travail lui permet d’élaborer une stratégie d’immersion progressive :

  1. Se renseigner sur les statistiques et les mesures de sécurité. Finalement, Magalie se rend compte qu’elle connait ce que les gens ont tendance à lui dire pour la rassurer. Mais ça ne vaut pas des paroles d’experts. Elle décide donc de se renseigner sérieusement.
  2. Se rendre dans un aéroport. Ça vous parait peut-être anodin, mais pour Magalie, se rendre à l’aéroport est déjà une étape conséquente. L’idée est qu’elle normalise cet endroit et qu’elle le dissocie de sa peur de prendre l’avion. Elle prend un magazine, s’installe à un café et prend le temps d’observer tout ce qui se passe autour d’elle. Elle me raconte avoir davantage ressenti de joie que de peur. La joie de voir des enfants surexcités à l’idée de prendre l’avion et partir en vacances. La joie d’assister à de magnifiques scènes de retrouvailles. La joie d’observer ces stewards et hôtesses de l’air tirés à 4 épingles et complices en se racontant des anecdotes de vol etc…
  3. Utiliser un simulateur de vol. Quand Magalie parle de simulateur de vol, c’est comme une solution idéale pour elle, mais auquel elle ne croît pas, car elle est convaincue que ce n’est pas accessible. Quelle ne fut pas sa surprise en découvrant qu’il existait de nombreuses offres, justement à destination de ceux qui ont peur de prendre l’avion. Cet exercice a été vraiment aidant pour elle. 
  4. Prendre un vol court dans un « gros avion ». Cette étape « gros avion » est très importante pour Magalie. Elle veut être sûre de réaliser son premier vol dans un appareil qui lui semble plus fiable qu’un « coucou »
  5. Prendre un vol court sans regarder quel type d’avion
  6. Allonger la durée des vols

« J’ai appris que le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité à la vaincre » Nelson MANDELA

 

6. Se concentrer sur notre zone de contrôle

Beaucoup de peurs sont liées à l’inconnu ou à l’incertitude. Nous aimons avoir un contrôle total sur notre environnement, mais la réalité est que certaines choses sont imprévisibles et incontrôlables. Et vouloir à tout prix essayer de contrôler des choses sur lesquelles nous n’avons pas le contrôle génère encore plus de stress car on se sent impuissant.

C’est donc important de revenir à ce qui dépend 100% de nous.

C’est le travail qu’on réalise avec Jonathan qui a peur de réussir.

Il reproduit ces 3 cercles et notent à l’intérieur de chacun ce qui l’inquiète. Il prend alors conscience qu’il a tendance à consacrer son énergie sur des éléments qui sont en dehors de sa zone de contrôle. Ce qui augmente son stress, son sentiment d’impuissance et finalement son syndrome de l’imposteur. 

Nous réalisons ensuite un travail autour de tout ce qu’il a noté dans sa zone de contrôle. Gagnant ainsi en maitrise sur ce qui se passe, il gagne aussi en confiance en lui et in fine, en estime de lui. Cela modifie progressivement son rapport à ses peurs.

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7. Visualisation positive

La visualisation est une technique puissante pour apaiser la peur et reprogrammer le cerveau. Il s’agit de s’imaginer avec succès dans la situation redoutée. Au-delà du bienfait immédiat que cela génère, ce travail permet également de changer la représentation qu’on a d’une situation ainsi que les émotions associées.

Par exemple, dans le cerveau de Sylvie, prise de parole = 1000 paires d’yeux perplexes de son intervention, voire moqueurs, et une Sylvie qui bafouille, qui n’est pas claire, qui a les jambes coupées par le stress etc… Lui faire visualiser une foule bienveillante, qui l’applaudit, qui rit de ses bons mots. Se sentir bien ancré sur ses deux pieds, micro à la main, s’entendre parler avec conviction et clarté etc.. Tout ça vient modifier profondément l’image de « prise de parole en public » de Sylvie. Ce n’est pas qu’intellectuel comme démarche. Elle l’a ressenti dans son corps et dans son cœur. Et ça, ça change tout.

 « Ma vie a été remplie de terribles malheurs, dont la plupart ne se sont jamais produits » Montaigne

Il paraitrait de seulement 8% de nos peurs sont fondées sur une menace réelle. Tout le reste ne serait que des projections et scénarios plus ou moins fantaisistes de notre cerveau pour nous permettre d’anticiper et nous préparer à d’éventuels dangers.

Le problème, c’est quand nous commençons à confondre danger réel et danger possible. Et que ça prend de plus en plus de place dans nos vies, au point de nous empêcher de faire des choses. On finit alors par avoir peur d’avoir peur. On en vient alors à survivre plutôt que vivre. C’est non seulement dommage, mais c’est aussi catastrophique pour notre estime de nous. Et plus notre estime de nous se dégrade, moins nous nous sentons capable d’affronter notre peur. Heureusement, il n’est jamais trop tard pour inverser la tendance.

Je vous souhaite de passer du mode survie au mode vie !

Marion

« La seule chose que nous ayons à craindre est la peur elle-même. » Franklin D. Roosevelt

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