Nous sommes de véritables fusées capables de nous propulser très loin lorsque tous nos moteurs sont allumés.
Synonyme d’épanouissement, de bien-être et de performance, chacun d’entre nous a tout intérêt à avoir ses moteurs motivationnels allumés. Pourtant force est de constater que, dans la réalité, nous en sommes très loin, comme l’attestent les chiffres catastrophiques sur l’engagement au travail (étude Gallup 2017).
Les raisons sont sans doute multiples, mais je constate cependant 2 traits communs à toutes les personnes qui expriment souffrir d’un manque de motivation.
Le premier est que l’on compte souvent sur l’autre, c’est-à-dire son entreprise, son manager, ses collègues pour nous motiver. Mais si leur rôle était ‘’simplement’’ (et c’est déjà loin d’être facile…) de ne pas nous démotiver ? Si c’était d’abord et avant tout à nous de savoir allumer les moteurs de notre fusée ? Les travaux de Deci et Ryan, ont ainsi mis en avant la distinction entre la motivation extrinsèque (l’action est générée par rapport à un élément extérieur ; c’est la vision de la carotte ou du bâton) et la motivation intrinsèque (l’action est conduite uniquement par l’intérêt et le plaisir que la personne trouve dans cette action, indépendamment de récompenses ou punitions externes). Mais alors que la motivation est si importante pour nous au quotidien et en entreprise, on a surtout tendance à évoquer la motivation extrinsèque et à occulter que nous avons, nous aussi, notre propre travail à faire pour assurer notre motivation. Ceci est d’autant plus dommageable que la motivation intrinsèque serait bien plus puissante et durable, que la motivation extrinsèque.
La deuxième chose est que nous avons tendance à croire que ce qui nous motive est évident! Donc non seulement on attend de l’autre, et particulièrement de son manager qu’il nous motive, mais en plus, on ne lui formule pas précisément ce qui nous motiverait car on estime qu’il s’en doute, et qu’après tout, c’est son job ! Et pourtant, si je vous demande de me donner vos 4 principaux moteurs, sauriez-vous me les citer instantanément ? Il y a de fortes chances pour que ce ne soit pas le cas, car on réfléchie rarement à cette question. Et je vois bien en coaching que cela peut demander beaucoup de temps pour faire le tri et déterminer ses moteurs les plus puissants.
Donc ça semble assez fou d’attendre de l’autre qu’il nous motive, alors que nous-même nous ne savons pas précisément quels ingrédients et quel dosage mettre dans notre propre cocktail de motivation.
Daniel H.Pink dans son livre la vérité sur ce qui nous motive, nous donne quelques pistes pour comprendre ce qui active la motivation intrinsèque. Il évoque 3 grands leviers :
– L’autonomie : être autonome dans la manière de faire les choses.
– La finalité : avoir un sens satisfaisant à ses actions.
– La maitrise : réaliser des missions ni trop simples ni trop difficiles. On retrouve ici la notion de flow décrite par Csikszentmihalyi
Mais concrètement, une fois que l’on sait cela, comment fait-on pour (ré)actionner les moteurs de sa fusée ?
1/ Rappelez vous les raisons qui vous ont amenées à intégrer votre entreprise et faire votre job.
Sauf à avoir pris ce travail par contrainte, logiquement, la motivation intrinsèque jouait à plein lorsque vous avez passé les entretiens de recrutement et lors des premières semaines, mois ou années.
Qu’est-ce qui vous animait tant ? Qu’est-ce qui est différent aujourd’hui ? Qu’est-ce que vous pourriez faire pour retrouver cet élan ?
En reprenant les 3 facteurs de la motivation intrinsèque de Pink, vous pouvez trouver quelques pistes. Comparez ces 3 facteurs à vos débuts dans l’entreprise et ces 3 facteurs aujourd’hui. Vous pourrez ainsi mettre en lumière les potentiels décalages qui peuvent être du fait de l’évolution de l’entreprise, mais aussi de votre propre évolution.
Peut être aussi que dès le démarrage dans votre job, vous n’avez jamais eu une motivation très élevée, soit parce que vous avez pris ce poste par défaut, soit parce que des choses vous ont gênées très rapidement dans le fonctionnement de votre entreprise. Dans ce cas, il est difficilement envisageable d’espérer que votre manager ou votre entreprise vous motive alors que vous ne l’êtes pas totalement vous-même depuis le début.
2/Faites le point sur ce qui est essentiel pour vous.
Quels sont vos besoins, vos attentes, vos talents, vos forces, les tâches qui vous ennuient, celles qui vous stimulent ? Qu’est-ce qui a du sens pour vous ? A quoi voulez-vous contribuer ?
Encore une fois, on se pose rarement toutes ces questions, mais elles sont pourtant essentielles.
Il existe de multiples outils pour faire le point sur tout cela, mais je trouve celui de l’IKIGAI particulièrement intéressant et complet.
L’IKIGAI amène ainsi notamment à faire la différence entre la notion de compétence (=ce que je sais bien faire) et la notion d’appétence (= ce que j’aime bien faire). Car si vous privilégiez l’une de ces deux notions au détriment de l’autre, l’impact motivationnel ne sera pas le même.
Il amène aussi à se questionner autour du sens. Car même si votre entreprise nourrit un sens grâce à une raison d’être et une vision, cela ne peut pas remplacer le propre sens que vous avez envie de donner à vos actions quotidiennes.
Connaissez-vous l’histoire du maçon?
« un maçon assemble 2 briques. Lorsqu’on lui demande ce qu’il fait, le maçon peut donner 3 réponses différentes:
– J’assemble 2 briques
– Je construis un mur
– Je construis une cathédrale »
Je suis convaincue que pour que le maçon puisse donner cette 3ème réponse, il faut que l’organisation, dont il est au service, lui ait donné cette vision d’ensemble, mais aussi que cela résonne en lui et vienne donc nourrir le propre sens qu’il donne à sa fonction.
On peut aussi tout à fait trouver un sens à sa fonction qui prévaudra sur celui donné par l’entreprise (à condition qu’il n’y ait pas de conflit de valeurs). Ainsi, on n’a pas nécessairement besoin de travailler dans une entreprise au service d’une cause humanitaire ou environnementale pour mettre du sens à ce que l’on fait. Cela relève donc davantage d’une réflexion personnelle que d’un discours collectif.
Traditionnellement, cette question du sens se soulève lors de la crise de milieu de vie. Nombre de ces personnes se situent dans la case « profession » de l’IKIGAI, c’est-à-dire à la rencontre de ce pour quoi elles sont douées et ce pour quoi elles peuvent être payées. Mais il arrive un moment où cela n’est plus suffisant, quand bien même un sens est donné collectivement par l’entreprise.
Aujourd’hui, les nouvelles générations se posent cette question de plus en plus tôt. Et c’est une bonne chose. Les millennials n’attendent pas tout de l’entreprise et ont compris qu’ils avaient aussi une réflexion personnelle profonde à avoir pour allumer leurs moteurs personnels et s’épanouir dans leur travail et leur vie en général. Alors à tous managers qui raillent encore « cette mode de recherche de sens » et qui pointent du doigt ces générations qui semblent particulièrement exigeantes et peu réceptives aux différentes carottes qu’on leur propose, j’ai envie de vous dire que, au contraire, vous devriez vous en réjouir ! Lorsque vos collaborateurs se mettent dans cette réflexion, ils reprennent les rênes de leur motivation, n’attendent ainsi pas tout de vous et s’assurent les conditions d’une motivation plus saine et durable.
Certaines entreprises l’ont bien compris et proposent ainsi des démarches IKIGAI en interne. Elles ne le voient pas comme une menace, mais comme une opportunité de mieux connaitre les appétences, talents et aspirations de ses collaborateurs. Ce travail peut même être réalisé en équipe. La cohésion n’en sera que renforcée grâce à une meilleure connaissance de soi et des autres. Des organisations sont même allées plus loin en laissant leurs collaborateurs renommer leurs fonctions pour que leurs dénominations collent davantage au sens que chacun y met. Cela ne change pas fondamentalement les tâches quotidiennes, mais ça renforce l’identité propre et le sens que chacun a besoin de mettre dans son travail pour se réaliser.
3/ Passez à l’action
En fonction des deux premiers points, de nombreuses options sont envisageables :
– réaliser vos propres ajustements notamment par une meilleure connaissance de vos moteurs et donc besoins
– les expliciter auprès de votre entreprise
– s’investir dans des projets en dehors du travail qui vous permettront de vous apporter ce qui vous manque
– changer de métier et/ou d’entreprise
– devenir entrepreneur…
Dans tous les cas, n’oubliez jamais que vous avez toujours le choix. Rien que d’en prendre conscience et de sortir du sentiment de fatalité permet déjà de remettre quelques moteurs en route.
Pourtant, j’en entends d’ici-là certains me dire qu’ils n’ont pas le choix… Personnellement, je suis convaincue que si. C’est « juste » que vous n’osez pas envisager certaines options. La peur face à l’inconnu est totalement compréhensible et peut avoir cet effet paralysant. Voir l’article sur nos excuses favorites pour ne pas suivre nos aspirations professionnelles. Mais, même si vous refusez d’aller plus loin dans l’analyse de ses options, ça n’en reste pas moins des options. De même si vous décidez de maintenir la situation actuelle, alors vous faites un choix; celui du statu quo. Vous pouvez rejeter la faute sur l’environnement et les autres, et attendre que quelqu’un vienne vous sauver, mais vous savez au fond de vous que vous êtes à la fois responsable de la situation et en même temps (et heureusement) le premier à pouvoir agir pour changer cette situation.
Bien sûr, ce ne sont pas des démarches faciles. C’est pourquoi, il est souvent nécessaire de se faire accompagner. Un regard extérieur peut ainsi vous aider à mieux prendre conscience de vos forces et de vos besoins. Et il peut aussi vous permettre de passer plus facilement à l’action.
Dans tous les cas, quelle que soit la démarche que vous choisirez, l’important est de reprendre la main et « que vos choix soient le reflet de vos espoirs et non de vos peurs » (N. Mandela).
La psychologie positive nous apprend que les sources de notre bonheur seraient réparties de la manière suivante :
– 50% serait lié à notre capital génétique, et donc à une sorte de prédisposition à voir la vie en plutôt en rose ou plutôt en noire
– 10% serait lié aux sources extérieures. Et oui, seulement 10%… Autant dire que les évènements extérieurs n’ont finalement que très peu de prises sur nous, qu’ils soient positifs ou négatifs. Sur l’instant, ils ont de l’impact sur notre niveau de bonheur (ex: lorsque vous recevez une prime), mais très rapidement, l’impact s’estompe et on revient à notre niveau de satisfaction « normal ».
– 40% dépendent du regard qu’on porte sur les choses et de ce qu’on décide d’en faire.
C’est sur ces 40% que nous avons totalement le pouvoir. A nous de savoir en faire bon usage pour allumer les moteurs de notre fusée, explorer nos potentiels et atteindre nos objectifs.
Bel allumage de votre fusée.
Marion OUDOT