« Je ne dois pas montrer mes doutes », « à mon âge, on ne peut plus changer », « je ne sais pas faire de choix », « les hommes, tous les mêmes… ».
Voici quelques exemples de croyances.
Comment sait-on qu’il s’agit de croyances ?
Parce que ce sont des opinions assénées comme des vérités : aux yeux de la personne qui s’exprime, c’est comme ça et ça ne peut pas être autrement. On reconnait également une croyance par l’utilisation de termes comme « il faut », « je dois », « toujours », « jamais », « tous », « personne » etc…
Comment se créent nos croyances ?
Nous avons tous des croyances. Elles sont issues de notre éducation et de nos expériences. Tout au long de notre vie, nous continuons à en alimenter certaines, nous en abandonnons d’autres et nous en créons de nouvelles. Cela est lié au fonctionnement de notre cerveau : pour traiter rapidement les informations et consommer le moins d’énergie possible, il simplifie naturellement les choses et fonctionne par généralités.
Imaginons, par exemple, qu’enfant, je me sois fait mordre par un chien. Cette expérience m’apprend qu’un chien peut mordre. C’est une possibilité. Sauf que, si je n’y prends pas garde, mon cerveau va très rapidement créer un lien du type chien = danger. Je vais alors faire une généralité de mon expérience, en me disant par exemple que tous les chiens sont dangereux.
Je peux également avoir la même croyance en ne m’étant jamais fait mordre par un chien. Mais parce que quelqu’un dans mon environnement a eu cette expérience, ou parce que mes parents ont cette croyance et sont donc nerveux à chaque fois que nous croisons un chien, je finis par me forger la croyance que les chiens sont dangereux.
À l’inverse, je peux m’être fait mordre enfant sans pour autant me créer cette croyance…Ainsi, deux enfants élevés par les mêmes parents, de la même façon et dans le même environnement, peuvent cultiver des croyances différentes. Simplement parce que leur cerveau n’a pas focalisé son intention au même endroit et/ou n’a pas tiré la même conclusion face à une expérience similaire. C’est, entre autres, ce qui explique que parmi les 5 croyances universelles décrites par l’analyse transactionnelle, une fratrie ne développera pas forcément les mêmes.
Une croyance agit comme un filtre qui nous fait trier les informations en vrai ou faux (alors que les valeurs nous font trier les choses en bon ou mauvais). Donc si j’ai la croyance qu’un chien est forcément dangereux, même si je croise un promeneur qui me dit « n’ait pas peur, mon chien est gentil », ce n’est pas ma croyance que je vais remettre en question, mais la parole de l’autre.
C’est exactement ce qu’illustre l’histoire du fou qui se prenait pour un cadavre :
Un malade mental se prenait pour un cadavre. Désireux de l’arracher à son illusion, son psychiatre lui demanda un jour :
-est-ce que les cadavres saignent ?
-Non, répond le malade, sûr de lui.
-Alors, voulez-vous que nous nous prêtions à une expérience ?
– Oui
Le psychiatre lui piqua légèrement le bout de l’index à l’aide d’une épingle, et une goutte de sang perla aussitôt.
-Alors ? demanda le praticien
-Je ne savais pas que les cadavres saignaient, répondit le malade quelque peu troublé…
Nous sommes tous quelques fois ce fou qui s’attache à tout prix à des croyances irrationnelles.
2 mécanismes sont alors à l’œuvre pour renforcer nos croyances :
- Le biais de confirmation : notre cerveau ne va s’attacher qu’aux informations qui confirment ce que nous pensons. Ainsi, si je me lève ce matin en étant convaincue que ça va être une mauvaise journée, je vais m’attarder sur tout ce qui confirme que décidément, c’est une mauvaise journée (les bouchons sur la route, la réunion tendue, le problème urgent…). Je prête alors peu attention à tout ce qui pourrait être vu comme des éléments contribuant à en faire une bonne journée (une bonne nouvelle, un temps sympa d’échange avec des collègues…)
- La prophétie autoréalisatrice : ma croyance va impacter mes comportements, ce qui viendra confirmer que j’avais raison. Si je me lève ce matin en étant convaincue que ça va être une mauvaise journée, je vais être plus fermée, sur la défensive, grognon…. Mon attitude ne va pas donner envie aux autres d’être ouverts et sympas avec moi. Ce qui m’amènera effectivement à passer une mauvaise journée.
« Nous sommes ce que nous pensons. Avec nos pensées nous bâtissons notre monde ». Bouddha
L’impact de nos croyances
Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises croyances. Il y a des croyances aidantes et d’autres limitantes par rapport à ce que nous voulons obtenir ou réaliser.
Prenons l’exemple d’Anne qui a la croyance que les entreprises n’embauchent pas des personnes de plus de 55ans.
Anne a 59ans et me parle constamment de ce problème, qui, à ses yeux, est un fait indiscutable. Un peu provocatrice, je lui demande à quoi bon faire cet accompagnement, si, de toute façon, c’est perdu d’avance…. Dans la même conservation, je demande à Anne combien de candidatures, elle a envoyé et combien de réponses, elle a reçu. Elle m’avoue qu’en réalité, elle n’a pas encore envoyé une seule candidature… Ces deux petits recadrages bousculent un peu la croyance d’Anne, mais ce n’est pas suffisant. Attention, je ne remets pas du tout en question le fait qu’il soit plus difficile de trouver un travail à 59ans qu’à 30ans. La croyance d’Anne ne vient pas de nulle part. Mais plus difficile ne veut pas dire impossible. Et c’est cette nuance-là qui va faire toute la différence et que je vais essayer progressivement d’amener. Car tant qu’Anne reste convaincue que c’est impossible, à quoi bon essayer…
Nous commençons donc à avancer en ce sens. Et bingo, lors de la séance suivante, Anne m’annonce qu’elle a un premier entretien. Mais savez-vous ce qu’elle me dit immédiatement ? « Ils n’ont pas dû capter mon âge ». En rigolant, je lui dis qu’effectivement les RH ont rarement l’œil pour bien lire un CV et déduire l’âge à partir des expériences et études. Ce nouveau recadrage fait admettre à Anne qu’elle n’est pas convoquée par hasard. Mais elle est convaincue d’en connaitre la raison : l’entreprise se donne bonne conscience en convoquant quelques séniors en entretien.
Vous voyez à quel point, quand on tient à une croyance, on donne du sens à tout ce qui se passe autour de nous à la lumière de cette croyance, plutôt que d’admettre que nous faisons fausse route. Et ce, même si cette nouvelle perspective est a priori plus réjouissante pour atteindre notre objectif.
Le problème avec Anne, c’est que je crains le phénomène de prophétie autoréalisatrice. Car aller à un entretien, en s’imaginant que s’est perdu d’avance, ce n’est pas le meilleur état d’esprit pour réussir un entretien. Cela pourrait alors l’amener inconsciemment à s’autosaboter… Je lui explique donc le mécanisme des croyances et nous travaillons ensemble à la faire évoluer. Progressivement, Anne transforme sa croyance initiale « à 59ans, plus personne ne m’embauchera », par « à 59ans c’est difficile, mais pas impossible de trouver du travail. À moi de montrer que je suis la bonne candidate ». Et ce changement de mindset change tout. Anne a depuis retrouvé du travail.
« Que vous croyiez pouvoir le faire ou non, vous avez raison. » – Henry Ford
Dire que tout est possible n’est, à mon sens, pas plus juste que de dire que tout est impossible. Ce sont deux croyances. Mais quand la première nous donne du pouvoir et donc l’élan d’agir. La seconde génère du fatalisme et coupe tout élan.
C’est ce qui distingue une croyance limitante d’une croyance aidante.
D’après Robert Dilts, grand spécialiste de la PNL et du coaching, il existe 3 grandes catégories de croyances qui peuvent particulièrement limiter une personne :
- le manque d’espoir : « c’est impossible », « tous mes efforts ne servent à rien », « il ne m’arrive que des m… », « ça ne changera jamais ».
- Le manque de capacité : « je suis incapable de prendre la parole en public », « je n’ai pas confiance en moi »
- Le manque de mérite : « je ne mérite pas tout ce qui m’arrive ; je suis un imposteur », « il va forcément me tomber un truc horrible sur la tête après toute cette chance »
Les croyances peuvent porter sur nous-mêmes (ex : « je ne sais pas me vendre »), sur les autres (ex : « c’est toujours comme ça avec lui ») et de façon encore plus globale sur un système (ex : « tous les patrons sont des s… », « c’est impossible de réformer la France.. »).
Sauf que ces croyances ne sont pas anodines. Elles nous font bien souvent obtenir exactement ce que nous déplorons.
Prenons l’exemple d’un manager qui a la croyance qu’une personne de son équipe n’est pas au niveau et ne pourra jamais progresser.
- Quelles pensées cela lui génère-t-il ? On peut imaginer des pensées du type « ne perd pas ton temps avec cette personne » « si ça avait été moi, jamais, je ne l’aurais recruté ! » etc..
- Quelles émotions ces pensées génèrent ? Sans doute de l’agacement. Peut-être aussi un sentiment d’impuissance et de fatalité.
- Quelles actions ces émotions provoquent-elles chez ce manager ? Soit il investit peu de temps avec cette personne – soit il décide de lui mettre un peu de pression en espérant que la personne prendra la décision de partir.
- Quelles expériences aboutissent à tout cela ? Eh bien, n’investissant pas en accompagnement avec cette personne, forcément, cette dernière n’évolue pas. Voire, elle régresse face à l’indifférence ou la pression de son manager.
Bref, tout cela contribue à renforcer la croyance du manager : cette personne n’est pas au niveau…
On retrouve les mêmes mécanismes quand un salarié ou une équipe ne croit plus en son manager ou en sa direction.
Quand un conjoint ne croit plus en son partenaire.
Quand un parent ne croit pas en les capacités de son enfant.
Quand une société ne croit plus en ceux qui les gouvernement.
Quand on ne se croit pas, soi-même, capable ou méritant.
Etc…
La bonne nouvelle, c’est que l’inverse est aussi vrai. C’est ce qu’on appelle L’effet Pygmalion (ou Rosenthal) : Quand on se croit ou qu’on croit l’autre capable, méritant et/ou qu’on pense qu’il y a de l’espoir et bien un cercle plus vertueux peut se mettre en place.
Rosenthal fit d’abord l’expérience avec des rats. 12 rats qui devaient franchir un labyrinthe. Aléatoirement, il répartit ces 12 rats en 2 groupes qu’il confia à des étudiants. Au 1er groupe d’étudiants, il affirma que leurs rats avaient été sévèrement sélectionnés et qu’il fallait s’attendre à des résultats exceptionnels. À l’autre groupe, il affirma que leurs rats n’avaient rien d’exceptionnel et qu’il ne fallait donc pas s’attendre à ce qu’ils réussissent. Les résultats confirmèrent largement les prédictions fantaisistes.
Rosenthal fit une expérience similaire dans le système scolaire, avec des professeurs qui pensaient avoir des « champions », et d’autres, des élèves médiocres. Même conclusion…
Quelques clés pour se libérer des croyances limitantes
Soyons très clair, ça prend du temps de se libérer d’une croyance. (À moins que ce soit l’une de mes croyances …)
Je pense que ça prend du temps, car d’une part, ce n’est pas par hasard si nous croyons à cela. Nous avons quand même des expériences sur lesquelles la croyance est fondée. Il nous faudra alors beaucoup de « preuves contraires » pour commencer à imaginer qu’il puisse en être autrement.
D’autre part, même si la croyance est limitante, elle peut quelque part répondre à une intention positive (comme nous l’avons dans l’exemple de la recherche d’emploi, ça peut être « plus confortable » de s’estimer déjà perdant, plutôt que d’essayer et de se confronter à un potentiel refus).
Mais voici quelques pistes pour vous aider dans la révision de vos croyances limitantes :
Prendre conscience qu’il s’agit de croyances et non de faits :
Comme souvent, le premier pas est la prise de conscience. Mais ce n’est pas si simple que ça…. Car quand nos croyances sont bien ancrées, nous sommes convaincus qu’il s’agit de fait. Alors, pour vous aider à distinguer les croyances des faits, entrainez-vous à repérer dans vos phrases les « toujours », « personne », « il faut » etc…
- Est-ce réellement toujours ou jamais ? Personne ou tout le monde ? N’y a-t-il pas des exceptions ?
- Qui dit qu’il faut ? Il se passe quoi si on ne fait pas ?
Je vous conseille de prendre une feuille et de noter toutes les croyances qui vous viennent à l’esprit. Une fois que c’est fait, notez à côté de chacune, s’il s’agit pour vous d’une croyance aidante ou limitante.
Remettre en question
Maintenant, prenez les croyances identifiées comme limitantes et répondez aux questions suivantes :
- Sur quoi est-ce que je me base pour dire que…. ?
- Qu’est-ce que cette croyance me permet ?
- Qu’est-ce que cette croyance m’empêche de réaliser ?
- Y a-t-il un intérêt à continuer d’entretenir cette croyance ?
- Comment serait ma vie sans cette croyance ?
Transformer sa croyance
- Par quoi suis-je prêt à remplacer cette croyance ?
L’objectif est de trouver une phrase qui va offrir plus d’ouverture que la phrase de la croyance initiale. Attention, il est important d’écrire une phrase à laquelle on croît réellement. Sinon, ce sera peut-être joli sur le papier, mais ça ne changera pas votre façon d’aborder les choses.
L’exemple que je vous ai donné avec Anne illustre parfaitement ça. Il aurait été illusoire de vouloir transformer sa croyance par un « à 59ans, trouver un travail est facile ».
Idem pour le manager. On ne passe pas d’une croyance du type « avec telle personne, c’est impossible », à « cette personne est un super élément ». Mais peut-être que « cette personne a des limites mais aussi des forces. Au lieu de me concentrer sur les limites, je vais m’appuyer sur ses forces ».
J’ai souvent des personnes qui m’expriment « ne pas savoir faire de choix ». Et bien, je me souviens d’une personne qui a su dire « je suis capable de faire des choix ». Simplement parce qu’en retraçant son parcours, elle s’est rendu compte, qu’en réalité, des choix, elle en avait fait plein.
Dès fois, il suffit de rajouter un « pour le moment ». Par exemple, une personne qui avait la croyance « je ne sais pas me vendre », l’a simplement remplacée par « je ne sais pas me vendre pour le moment ».
Attention également au verbe « être » qui a tendance à créer des confusions au niveau de l’identité car on se colle une étiquette. Par exemple, quelqu’un avec la croyance « je suis colérique », l’a transformée en « j’ai tendance à me mettre rapidement en colère ».
Toutes ces nuances peuvent paraitre anodines. Et pourtant elles font toute la différence, car au lieu de claquer la porte à d’autres possibilités, on laisse la porte entrouverte à autre chose…
Affronter ses peurs
Une croyance, même limitante, répond quelque part à une intention positive. Elle nous protège souvent d’une peur. La peur de ne pas réussir, la peur d’être critiqué, la peur d’être rejeté etc… Il est important de prendre soin de cette peur, de l’entendre et en même temps de s’y confronter. En effet, beaucoup de nos peurs sont irrationnelles. Le seul moyen de les combattre est de les confronter à la réalité.
Ainsi, quelqu’un qui a la croyance « je ne sais pas me vendre » a sans doute très peur d’entendre non. Le non étant un signe de rejet pour lui. Après un peu de préparation, il faudra à un moment que cette personne passe à l’action et ose vendre pour constater par elle-même que la réalité est plus nuancée.
Verbaliser ses croyances :
Quand on s’exprime, ce n’est pas la même que de dire « il faut se battre dans la vie pour obtenir ce qu’on veut » ou « j’ai la croyance qu’il faut se battre dans la vie pour obtenir ce qu’on veut ».
Cette nuance change beaucoup de choses. Elle nous permet de rester vigilant sur le fait que ce n’est pas un fait, une vérité qu’on déclame, mais bien une opinion.
Se méfier des croyances des autres :
Chacun d’entre nous sommes bourrés de croyances. Et quand nous discutons avec les autres, nous partageons nos croyances. Quand nous donnons des conseils, nous donnons nos croyances en même temps.
Je me rappelle très bien les croyances de mes managers que j’ai fait mienne à force de les entendre me dire: « un bon manager ne doit jamais faire ça », « dans toutes les entreprises, c’est comme ci… », «il ne faut pas faire ça avec ton équipe», etc… Si j’arrivai à prendre du recul sur les croyances qu’on pouvait me dire à propos des autres, car je voulais me faire mon propre avis, j’avais beaucoup plus de mal à prendre de la distance sur ce qui me concernait directement. Par exemple, « tu es trop sensible, il faut t’endurcir » était une croyance partagée par plusieurs de mes managers et que j’ai donc cru être une vérité. En réalité, ce jugement et conseil était avant tout le reflet d’une croyance couramment partagée, qu’il faut être fort et ne pas montrer ses émotions au travail. Croyance particulièrement limitante pour l’hypersensible que je suis. Croyance qui ne m’aidait absolument pas à gagner en confiance et estime de moi. Croyance que j’ai depuis révisée. Aujourd’hui, ma croyance est que ma sensibilité est un de mes superpouvoirs.
C’est pour cette raison que j’aime cette phrase : « l’avis des autres, n’est que la vie des autres »
Dis moi à quoi tu crois et je te dirais ce qui risque de t’arriver…. Vous l’avez compris, nos croyances sont comme des vitres teintées à travers lesquelles nous voyons le monde. Quand ces vitres sont teintées de désespoir, d’incapacité, d’absence de mérite, malheureusement le monde apparait ainsi.
La question est alors : est-ce que ce à quoi vous croyez, vous permet d’obtenir ce que vous voulez ? Est-ce que telle ou telle croyance vous rend heureux ? Si la réponse est oui alors parfait. Si la réponse est non, alors un travail sur vos croyances peut être une bonne piste à creuser.
Bonne consolidation et/ou revisite de vos croyances !
Marion
