D’après vous, qu’est-ce qui rend les gens heureux ? Qu’est-ce qui fait, qu’à la fin de notre vie, nous estimerons avoir été comblés de bonheur ?
Une étude Harvard a été menée pendant plus de 70 ans pour tenter de répondre à cette question. Et au final, ce n’est ni notre niveau de vie, ni la carrière que l’on a menée, ni la gloire obtenue, ni le savoir accumulé au cours de notre vie, mais « juste » la qualité de nos relations sociales qui nous rendrait heureux et qui, en plus, nous permettrait de nous maintenir en meilleure santé.
Et pourtant, s’il y a une chose à laquelle nous sommes peu armés, c’est bien cela. Si nous intégrons quelques bases lors de notre enfance, elles sont souvent tronquées par les croyances personnelles, culturelles ou encore religieuses, des parents, professeurs ou autres figures d’autorité qui nous les ont transmises. Certaines nous sont aidantes (comme les règles de politesse), mais d’autres vont s’avérer limitantes dans notre capacité à construire des relations harmonieuses et épanouissantes avec les autres.
Ainsi, on nous apprend davantage à nous défendre et défendre nos points de vue, plutôt qu’à débattre d’idées et coopérer pour compléter notre façon de voir les choses.
On nous apprend davantage à nous imposer ou nous soumettre, plutôt que d’envisager des relations d’égal à égal.
On nous apprend davantage à réprimer nos émotions, plutôt qu’à les écouter et les exprimer.
On nous apprend davantage à porter un masque et « faire comme si », plutôt qu’à être soi-même.
On nous apprend davantage à nous débrouiller seul, plutôt que de demander de l’aide et exprimer ses besoins.
Etc…
Or, tout cela fait majoritairement de nous des adultes handicapés en termes d’intelligence émotionnelle et de communication interpersonnelle… Et donc au final des adultes peu heureux puisque frustrés de se retrouver dans des relations bien trop souvent conflictuelles ou frustrantes.
Schématiquement, il y a ceux qui disent toujours OUI, ou en tout cas, jamais NON, par peur du conflit ou de se tromper. Mais ça ne traduit pas profondément ce qu’ils pensent, et ils en souffrent.
Il y a ceux qui s’imposent, haussent le ton, adoptent des comportements agressifs parce que c’est pour eux la seule manière d’être entendu. Mais cela ne veut pas dire qu’ils n’aspirent pas, comme tout le monde, à des relations plus apaisées.
Il y a ceux qui râlent, qui jugent parce que l’on n’a pas fait ce qui leur semblait évident. Mais comme ils ne l’ont pas demandé, difficile pour les autres de deviner. Ils accumulent alors nombre de frustrations qui les amènent à penser que les relations avec les autres sont toujours décevantes.
Etc…
Nous avons tous adoptés ces différentes attitudes, avec souvent une préférence comportementale, liée à nos croyances dominantes (c’est-à-dire les hypothèses que l’on fait sur nous-mêmes et les autres). Ce schéma représente le processus inconscient à l’œuvre (partie grisée) avant tout comportement de notre part. Nous voyons ainsi que nos croyances influencent notre manière de penser, de ressentir, d’agir et finalement de voir le monde. Mais on oublie souvent que ce ne sont que des hypothèses et qu’en les changeant, on changera nos pensées, nos émotions, nos actions et donc notre réalité.
Et pour changer notre réalité et l’imprégner de relations de qualité, il est particulièrement aidant d’avoir des croyances qui permettent de:
– Envisager les relations d’égal à égal
– S’autoriser à ressentir ses émotions et à les partager
Voyons plus en détail ce que cela signifie:
Envisager les relations d’égal à égal
L’analyse transactionnelle nous offre une lecture intéressante à travers les positions de vie. Il y en a 4, comme le montre ce schéma.
La position de vie est une vision subjective de la valeur que nous nous accordons et que nous accordons aux autres. Cette vision évolue en fonction de l’environnement, des sujets concernés et des personnes avec lesquelles nous sommes. Nous ne sommes donc pas figés dans une seule position de vie.
Prenons l’exemple de Stéphanie :
– Avec ses enfants, elle est majoritairement en position +/- (moi OK – les enfants pas OK) : Stéphanie ne les juge en effet pas encore autonomes et capables de prendre les bonnes décisions. Pour leur bien, elle continue donc de leur dire ce qu’ils doivent faire.
– Avec sa collègue, Stéphanie est en position -/+ (moi pas OK – ma collègue OK) : Stéphanie manque de confiance en elle. Elle aimerait tellement ressembler à sa collègue Mélanie. Elle admire son aisance dans la prise de parole, la pertinence de ses propos et sa capacité à toujours trouver des solutions créatives. Alors, lorsqu’il y a des échanges en réunion, Stéphanie a tendance à laisser sa collègue parler en premier et à se ranger de son point de vue.
– Avec son patron, Stéphanie a plutôt tendance à être en position -/- (moi pas OK – mon patron pas OK) : si elle ne se sent pas toujours légitime dans son poste, elle porte le même regard sur son patron. Pour elle, il ne sert à rien. Alors quand elle a besoin de conseils, ce n’est pas vers lui qu’elle se tourne, mais vers Mélanie.
– Avec son mari, Stéphanie a trouvé un bel équilibre qui lui permet majoritairement d’être en position +/+ (moi OK – mon mari OK). Ils se font confiance et face aux aléas de la vie, ils cherchent des solutions ensemble. Comme tous les couples, ils ont des disputes. Mais une fois les émotions fortes retombées, ils renouent le dialogue, non pour dire qu’untel avait raison et l’autre tord, mais pour exprimer comment ils ont vécu les choses et de quoi ils ont besoin à l’avenir pour éviter que cela ne se reproduise.
etc…
A partir du moment où on s’estime et/ou on estime les autres comme n’étant pas OK (et donc en -), alors, on juge, on critique. Et si on n’y prend pas garde, cela s’ancre comme une croyance (on part systématiquement de cette hypothèse) qui va conditionner nos pensées, nos émotions, nos comportements et donc notre réalité.
Par exemple, un manager se plaint du manque d’autonomie de son équipe. S’il reste « bloqué » là-dessus, il se construit une croyance comme quoi son équipe n’est pas OK et heureusement que lui est là. Cela va l’amener à nourrir des pensées négatives concernant son équipe, ce qui génère des émotions comme de la colère (lorsque ces derniers ne vont pas agir de manière autonome) ou de la peur (lorsque ces derniers vont essayer d’agir de manière autonome). Du coup, il est constamment sur le dos de son équipe, ce qui peut les stresser et les amener à faire des erreurs, ou les lasser et les amener à renoncer à tenter quoi que ce soit. Dans tous les cas, il y a de très forte probabilité pour que la croyance initiale du manager vienne ainsi se renforcer.
La solution n’est donc pas d’attendre que les autres changent de comportements, mais de poser un regard différent sur eux pour agir soi-même autrement et ainsi permettre également aux autres d’agir différemment. Cela ne marchera pas à tous les coups, ou dès la première tentative. Mais ça a toujours plus de chance de fonctionner que d’attendre que l’autre change alors qu’au fond de nous, on est persuadé qu’il n’en est pas capable… Par exemple, pour ce manager, s’il a désormais la croyance que son équipe a la capacité d’y arriver et qu’il leur fait confiance, alors, il nourrira de nouvelles pensées plus positives qui généreront d’autres émotions, qui impliqueront d’autres comportements, ce qui modifiera la réalité…
Vous l’aurez compris, la seule position valable pour générer des relations constructives et saines avec les autres est la position +/+.
Mais elle nécessite de croire « par défaut » en soi et les autres. Autant dire que c’est une hypothèse assez peu répandue. Et pourtant, cela change tout…
Attention, cela ne veut pas dire être naïf et que tout se passera toujours bien. Par contre, ça donne un cadre de confiance réciproque dans lequel chacun peut apporter sa pierre à l’édifice sans que des notions de pouvoir, de responsabilité unilatérale ou d’égo n’interviennent. Chacun sait faire preuve d’assertivité pour avancer ensemble de manière constructive.
Se servir des émotions pour comprendre ses besoins et les exprimer
Nos émotions, qu’elles soient conscientes ou non, maitrisées ou refoulées, vont influer sur tous nos comportements. Plus on saura les détecter, les reconnaitre, comprendre leurs messages et verbaliser les besoins qu’elles expriment, plus on génèrera des actions en accord avec nous-même et avec les autres. En effet, tant qu’elles ne sont pas conscientisées et acceptées, nous privilégierons les actions réflexes, et risquons de nous enfermer dans cette émotion.
A l’inverse, si on les détecte, les décode, les exprime, on chemine vers une action plus évoluée. Cette évolution se fait avec nous-même (intégrer l’émotion et l’accepter) et avec les autres (partager notre émotion et exprimer nos besoins). C’est un long chemin, d’autant plus que nous sommes peu habitués à cela. (pour en savoir + sur les émotions, découvrez cet article : Ces émotions qui nous veulent du bien)
On distingue ainsi 9 degrés de maturité émotionnelle. À votre avis, où vous situez-vous majoritairement ?
1ᵉʳ degré : l’émotion est refoulée dans l’inconscient, elle est niée purement et simplement
2ᵉ degré : l’émotion est reconnue, mais réprimée dans son expression
3ᵉ degré : l’émotion est rackettée ; elle s’exprime, mais sous la forme d’une autre émotion
4ᵉ degré : l’émotion est exprimée, mais de façon désordonnée, disproportionnée (on parle alors d’émotion élastique)
5ᵉ degré : l’émotion est exprimée de façon juste en relation avec ce qui la déclenche (émotion authentique)
6ᵉ degré : l’émotion est exprimée et assortie d’un besoin
7ᵉ degré : l’émotion est exprimée et assortie d’une demande
8ᵉ degré : l’émotion est exprimée et assortie d’une proposition
Enfin, le 9ᵉ degré dans lequel on voit tout clairement jusqu’à la demande qui pourrait être formulée et la solution envisagée, mais sans rien dire, ou plutôt rien attendre, considérant que ce qui sera, sera parfait (avec ses imperfections).
Bon soyons clair, ce 9ᵉ degré nécessite une très très grande sagesse réservée à quelques personnes d’exception. Viser le 7ᵉ ou 8ᵉ degré est déjà un beau challenge 😉.
La maturité émotionnelle se décompose donc en 2 temps : comprendre ce qui se passe en soi, puis s’en servir pour le communiquer aux autres.
Pour nous aider sur le 2ème temps et éviter les écueils de l’accusation, du jugement ou de la revendication, on parle de communication non violente avec le processus OSBD:
O = Observation : il s’agit de poser les faits « quand je vois, quand j’entends… »
S = Sentiment : il s’agit de verbaliser ses émotions : « je me sens…. »
B = Besoin : il s’agit d’expliciter son besoin : « parce que j’ai besoin/envie… »
D = Demande : il s’agit de demander ou proposer « est-ce que tu accepterais de …. ? »
Même si on aime montrer l’autre du doigt lorsqu’on a du mal à communiquer avec lui, la seule personne sur laquelle on peut agir, c’est nous-même. Alors, voici en synthèse les 4 étapes si vous souhaitez cultiver de nouvelles relations et passer au-delà de mésententes ou conflits :
1/ Repositionnez l’autre comme étant OK. Car si vous le montrez du doigt, c’est que vous n’êtes plus dans l’état d’esprit propice à la coopération, c’est-à-dire la position de vie +/+ . Si vous voulez changer la relation avec cette personne, alors vous devez changer votre état d’esprit la concernant. (même chose avec vous-même, si vous vous considérez également comme non OK)
2/ Sachez faire le premier pas et n’attendez pas que la personne fasse tout de suite le même cheminement que vous. Elle peut encore vous considérérer comme n’étant pas OK, mais si vous parvenez à rester dans un dialogue vous plaçant et plaçant l’autre comme étant OK, vous verrez qu’au bout d’un moment, elle fera de même. Alors, oui, ça vous demande de faire le premier pas. Mais tout dépend ce que vous recherchez : gagner (et ainsi faire réussir la relation) ou avoir raison (montrer que la relation est impossible avec cette personne et que c’est particulièrement de sa faute..).
3/ Ne faites jamais rien sous le coup d’une émotion trop forte. Nos capacités cognitives sont altérées dans ces moments-là et la communication non violente s’avérera pratiquement impossible.
4/ Utilisez le processus OSBD
Pas simple tout ça ? Je vous l’accorde. C’est un travail continu sur soi. Mais quand l’enjeu est notre bonheur, ça en vaut la peine. Et comme « on ne peut pas ne pas communiquer » (P. Watzlawick), commençons dès maintenant à semer de nouvelles croyances, de nouvelles pensées et finalement de nouveaux modes de communication avec les autres, et notamment les personnes qui nous sont chères ou que nous côtoyons quotidiennement.
Communiquez-bien !
Marion