Il arrive presque toujours un moment dans mes accompagnements où on me confie presque honteusement avoir énormément besoin de reconnaissance. Quand je demande ce sur quoi la personne se base pour évaluer un besoin qui serait plus élevé que les autres, on m’exprime en général que c’est quelque chose qui lui a déjà été reproché et/ou qu’on se rend bien compte qu’on court désespérément après un besoin de reconnaissance qu’on ne parvient jamais vraiment à satisfaire.
Si vous vous reconnaissez dans cette description, je vous invite d’abord à stopper ce sentiment de honte et de culpabilité. Relevez la tête et les épaules ; Avoir besoin de reconnaissance est tout à fait normal ! Et je parierai même que votre besoin n’est ni exceptionnel, ni démesuré. Il est sans doute globalement le même que tout le monde. La question est surtout de savoir comment vous faites pour satisfaire ce besoin.
C’est comme si vous me disiez avoir besoin de manger beaucoup plus que les autres. N’importe quel médecin ne vous prescrirait pas plus de nourriture. Il analyserait certes peut-être la quantité, mais aussi et surtout la qualité des aliments et la façon dont vous les ingérez.
Comme le sentiment de satiété ne s’instaure pas lorsqu’on mange trop vite et sans prêter attention à ce qu’on mange, et bien, le niveau de satiété de reconnaissance nécessite également quelques bons réflexes…
L’origine de ce besoin universel
Mais commençons par le début. Pourquoi avons-nous besoin de reconnaissance ?
Exister aux yeux des autres, c’est pouvoir (sur)vivre. Cette équation entre la reconnaissance et la vie, nous l’éprouvons dès notre arrivée en ce monde. Contrairement à d’autres espèces, l’être humain nait sans être autonome. Il a besoin qu’on prenne soin de lui, qu’on le nourrisse. Il est donc totalement dépendant des autres pendant ses premières années. L’angoisse de se retrouver seul est d’abord et avant tout une angoisse de la mort. Cela est viscéralement inscrit en nous.
Pour combler nos besoins et survivre, nous avons donc besoin des autres. Et cela ne concerne pas que les enfants en bas âge. Il y a quelques siècles, lorsque nous vivions dans des milieux beaucoup plus hostiles, laisser également un adulte seul, c’était le condamner. Et aujourd’hui, on sait aussi à quel point la solitude peut être dangereuse.
Ignorer quelqu’un, le mettre en quarantaine, c’est l’une des pires punitions que l’on puisse donner. D’ailleurs, selon l’analyse transactionnelle, l’être humain préfère encore avoir des signes de reconnaissance négatifs (appelés Strokes en AT), plutôt que rien du tout. C’est pour cela par exemple, qu’un enfant qui se sent négligé, préfère encore faire une bêtise et se faire disputer, plutôt qu’avoir l’impression d’être invisible aux yeux des autres. Mais il n’y a pas que l’enfant qui fait cela. On retrouve parfaitement cette mécanique chez les adultes. Prenons l’exemple d’un couple : pour ne plus avoir ce désagréable sentiment de devenir transparent aux yeux de la personne qu’on aime, on préfère chercher la dispute. Ça nous remet en relation avec l’autre, ça nous rassure sur le fait que nous sommes dignes d’intérêt, et donc vivants.
Depuis notre plus jeune âge, nous sommes donc dépendants de la reconnaissance que nous offre l’autre. On se construit ainsi, ce que la PNL appelle, un cadre de référence externe.
L’autre me dit si je me comporte bien ou mal, si je mérite ou non d’obtenir ce que je souhaite etc… L’autre étant au départ mes parents, puis progressivement le cercle s’élargit à la famille, aux amis, à l’école. Mais on grandit avec des signes de reconnaissance constants des autres allant du simple regard, sourire, câlins, considérations, notes, félicitations, punitions, réprobations…
Si on a la chance de recevoir de l’externe, majoritairement, des signes de reconnaissance positifs, on construit une bonne estime de soi. À l’inverse, si on reçoit principalement des signes de reconnaissance négatifs (réprobations, oppositions, brimades, punitions… ), on risque de construire une mauvaise estime de soi
Mais le rapport n’est pas de un pour un. Car nous sommes soumis à des biais cognitifs, et notamment le biais de négativité qui nous pousse à prêter plus d’attention aux messages négatifs qu’aux messages positifs. De plus, on peut également être soumis au biais de confirmation qui consiste à ne retenir que les informations qui viennent confirmer ce qu’on pense. Donc si je me pense nulle, je vais moins prêter attention aux signes de reconnaissance positifs, qu’aux signes confirmant la vision négative que j’ai de moi.
D’après le psychologue Losada, il faudrait 3 signes de reconnaissance positifs pour contrebalancer un seul signe de reconnaissance négatif. Le ratio serait même de 5 pour 1 pour entretenir une relation de couple harmonieuse…
Le hic, c’est qu’on est assez avare de signes de reconnaissance positifs. On a tendance à estimer que ce qui est bien est « normal ». Combien de fois peut-on entendre ça en entreprise ? On ne dit pas merci à quelqu’un qui fait juste son travail ! Et puis, on a aussi tendance à avoir peur que l’autre prenne la grosse tête, ou se mette à revendiquer des choses en retour. Non non, ne donnons surtout pas trop de signes de reconnaissance positifs, on ne sait jamais… Ou alors, on lâche enfin un truc positif, mais tout de suite, on y accole un « mais », comme ça, on est bien sûr que le signe de reconnaissance positif est tout de suite annulé par tout ce qui va suivre… Et autant préciser que la fameuse méthode sandwich enseignée en management (1 feedback positif, 1 axe de progrès, 1 feedback positif) n’est pas idéale puisqu’elle propose un ratio de 2 pour 1 et non du minimum de 3 pour 1 ;
Mais il n’y a pas que dans le monde de l’entreprise que nous sommes avares de signes de reconnaissance positifs. Dans nos vies personnelles, combien de fois omettons-nous de remercier les autres, de souligner ce qu’ils ont fait, simplement parce que ça nous semble normal ? (comme un diner préparé, une pelouse tondue, un temps que l’autre nous consacre…). Nous sommes aussi très souvent pudiques quant à nos sentiments. Dire à ceux qu’on aime, qu’on les aime, qu’ils comptent pour nous, ce n’est pas toujours facile. Pourtant, d’une façon ou d’une autre, c’est bien ça qu’on cherche aussi à obtenir de leur part, non ?
Enfin, de façon plus intime, on est aussi très avare de signes de reconnaissance positifs envers nous-même. Dans nos dialogues internes, nous passons plus de temps à nous juger de façon négative, qu’à nous féliciter pour ce que nous avons fait. Et oui, on a beau entendre que nous sommes dans une société où le narcissisme, l’individualisme et l’égocentrisme sont rois, il n’empêche que ce n’est pas pour autant que les gens s’aiment. Les gens passent plus de temps à voir leurs défauts, ce qu’ils pensent avoir mal fait ou dit, qu’à apprécier leurs qualités et leurs réalisations. Notre société ne souffre pas de personnes trop sûres d’elles, mais de personnes qui manquent totalement d’amour d’elles-mêmes et qui cherchent par tous les moyens à combler alors à l’extérieur ce besoin de reconnaissance.
Cependant, la peur d’être rejeté est tellement forte qu’on a tendance à présenter aux autres un masque social : notre moi prétendu. En général, ce moi prétendu est censé être plus favorable pour notre image. Mais si ça ne plait pas, ça fonctionne comme un blindage. On se dit qu’au pire, les feedbacks négatifs ne nous toucheront pas puisque ce n’est pas vraiment nous. Le problème c’est que la logique est la même lorsqu’on plait avec notre masque.
Ainsi, obtenir des signes de reconnaissance sur ce moi prétendu et non sur notre moi authentique ne nous comble pas.
Toutes les célébrités le démontrent régulièrement dans les interviews : leur soif de reconnaissance n’est jamais totalement comblée malgré leurs succès. Tous les likes du monde ne pourront jamais satisfaire notre besoin fondamental : celui d’être aimé et reconnu pour ce que nous sommes profondément.
Les 4 types de reconnaissance
Il y a 4 grandes façons de donner des signes de reconnaissances :
- De façon positive
- De façon négative
- De façon conditionnelle
- Et de façon inconditionnelle
Signes de reconnaissance positifs vs négatifs, j’imagine que c’est assez clair pour vous 😉
La distinction entre conditionnel et inconditionnel, et elle, moins connue. Un signe de reconnaissance conditionnel concerne les comportements, ce que la personne fait. Ce dernier peut donc être positif « Tu as réalisé un très bel article », ou négatif « ton article n’est pas terrible ».
Lorsque le signe de reconnaissance est inconditionnel, il vise la personne, son identité, son être. En version positive, cela donne : « tu es une bonne rédactrice ». Et en version négative : « tu es nulle en rédaction ». Les signes de reconnaissance inconditionnels sont à éviter. Pourquoi ? Parce qu’ils consistent, qu’ils soient positifs ou négatifs, à coller une étiquette sur la personne.
On comprend assez facilement les dégâts que cela peut causer lorsqu’ils sont négatifs… et pourtant, chacun a hélas entendu ce type de phrases lors de son enfance : « tu n’es pas gentil », « tu es nul » « élève fainéant »… Ces phrases restent ancrées très fortement chez nombre d’adultes. Ce ne sont plus leurs parents, leurs professeurs ou d’autres figures d’autorité qui leur serinent ces signes de reconnaissance négatifs, mais eux-mêmes. Devenant ainsi leurs propres bourreaux… Et par le biais de confirmation déjà évoqué plus haut, ces personnes auront tendance à davantage prêter attention à tous les signes de reconnaissance venant confirmer ces croyances négatives sur eux-mêmes. En gros, si vous êtes certains d’être nul, vous aurez beau entendre 10, 20, 100 personnes vous dire le contraire, si une seule vous confirme que vous êtes nul, c’est principalement à ce message que vous donnerez du crédit…
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les signes de reconnaissance inconditionnels positifs peuvent aussi être dangereux. Car si on définit qui je suis, en me disant par exemple que je suis drôle, je ne me sens plus le droit de ne plus l’être. Je vais alors totalement rejeter la partie de moins plus triste. Et je vais jouer à fond le rôle du clown. Car c’est comme ça que j’ai compris que j’allais être reconnu et aimé des autres. Je me construis alors un masque social, avec toutes les limites évoquées plus haut. Et voilà comment, une intention au démarrage positive, peut devenir un vrai piège qui se referme sur celui à qui on a donné ce signe de reconnaissance inconditionnel positif (pour en savoir +, (re)découvrez cet article).
Les Leviers de la reconnaissance
Face à notre besoin de reconnaissance, nous agissons souvent comme si nous n’avions aucun pouvoir dessus. La seule chose que nous pourrions faire, c’est essayer de faire quelque chose ou d’être quelqu’un qui mériterait peut être une attention pour avoir un signe en retour.
Pour reprendre le parallèle avec la nourriture, c’est comme si nous étions sagement assis et que nous attendions qu’on nous donne la bectée.
Or, la nourriture, nous pouvons la demander, la prendre, la donner, la refuser, et se la donner à soi-même. Et bien encore une fois, il en est de même avec les signes de reconnaissance. C’est un cadeau qu’on peut demander, prendre, refuser, donner et se donner à soi-même.
On distingue ainsi 5 leviers :
- Donner : Quelle est votre capacité à donner des signes de reconnaissance ? Sachant que donner l’exemple, le faire, c’est inconsciemment donner une autorisation à l’autre de faire de même. Et comme l’écho d’une montagne, si on a tendance à donner des signes de reconnaissance négatifs, on aura en retour davantage de signes de reconnaissance négatifs. A l’inverse, si on est généreux dans nos feedbacks positifs, il est fort à parier qu’on en recevra également davantage.
- Demander : quelle est votre capacité à en demander ? Plutôt que de rentrer dans un jeu psychologique (ex : je vais me mettre à bouder ou chercher le conflit car personne ne m’a rien dit sur ce repas que j’ai mis tant de temps et de cœur à préparer ), on peut simplement formuler la demande : « qu’avez-vous pensé du diner ? »
- Recevoir : quelle est votre capacité à recevoir des signes de reconnaissance ? Comment réagissez-vous ? Lors de coachings collectifs, je travaille souvent sur les feedbacks. Il y a notamment un exercice où chacun donne un feedback positif à l’autre et ce dernier ne doit rien répondre. Pourtant, combien de fois est-ce que je vois la personne gesticuler sur sa chaise tellement c’est inconfortable pour elle de recevoir un signe de reconnaissance positif. Et à chaque fois, malgré la consigne, il y a toujours un participant qui ne peut s’empêcher de répondre au feedback qu’il vient de recevoir, en le minimisant : « ah bon ? ça m’étonne ce que tu me dis » ou bien « oui.. enfin… c’était facile ça… »
- Refuser : quelle est votre capacité à les refuser ? Si vous n’êtes pas d’accord avec le signe de reconnaissance qu’on vous donne, quelle est votre capacité à vous dire que ce n’est que l’avis de la personne et non forcément la vérité ? Alors, au vu des exemples cités précédemment, on pourrait croire que l’on a plus de facilité à refuser les feedbacks. Et bien, oui et non… Je remarque que souvent, on sait parfaitement les refuser lorsqu’ils sont positifs, mais on ne sait pas le faire lorsqu’ils sont négatifs…
- Se donner : quelle est votre capacité à vous en donner à vous-même ? Et pas uniquement des signes négatifs ! Mais aussi et surtout des signes positifs. Vous dire BRAVO. Vous dire « Je suis fière de moi » etc…
Il me semble que le dernier point est essentiel. C’est comme la base. Si je ne sais pas me donner à moi-même des signes de reconnaissance et notamment des signes positifs, dans quelle mesure vais-je être capable de prendre ceux des autres ? ça serait comme essayer de remplir un puits sans fond. C’est exactement ce que vivent les personnes prises au piège du cercle vicieux du syndrome de l’imposteur.
Par exemple, si je considère que cet article est nul, même si quelqu’un me donne un signe de reconnaissance positif sur cet article, il y a peu de chance pour que je le prenne totalement. Je me dirai que la personne se force, le fait pour me faire plaisir, mais ne le pense pas vraiment etc…
J’entends souvent des personnes qui savent demander des signes de reconnaissance (ce qui est déjà très bien) mais, qui, comme elles n’osent pas reconnaitre positivement ce qu’elles font, vont non seulement formuler une demande assez maladroite, mais en plus, ne prendrons pas vraiment la réponse et donc reviendrons plus souvent à la charge, mais sans jamais réussir à combler leur appétit de reconnaissance. En réalité, ce n’est pas la réponse de l’autre qui pose problème, c’est l’état d’esprit et la formulation de la demande. Par exemple, si je demande « c’est pas trop mal ce que j’ai fait, hein ? ». Implicitement, je demande à l’autre de me rassurer. Mais comme la réponse sera forcément influencée par le ton de ma requête, quand bien même j’aurai un feedback positif, je risque de le minimiser en me disant que l’autre fait simplement preuve de gentillesse. Maintenant, changez cette phrase par « je suis fière de ce que j’ai réussi à faire. Qu’en penses-tu ? », ou simplement « j’aimerai ton avis sur ce que j’ai fait ». Vous voyez la différence ? La réponse sera peut-être la même dans l’idée, mais dans la forme et surtout dans la façon dont moi, je vais prendre ce retour, ce sera totalement différent. J’ai plus de chance de combler mon besoin de reconnaissance dans le second cas que dans le premier.
Bref, comme toujours, à la racine de tout, c’est l’amour de soi qui fait la différence. Et ça, c’est quelque chose qu’on apprend avec l’âge. Ainsi, en complément du cadre de référence externe, on apprend à développer un cadre de référence interne : s’autoévaluer, se donner à soi des signes de reconnaissance, indépendamment du regard et de l’avis des autres. Et c’est ainsi qu’on satisfait plus facilement notre besoin de reconnaissance. On saura alors plus facilement aller chercher les signes chez les autres en cas de besoin. On saura s’en satisfaire et on saura aussi ne plus prendre ce qui ne nous fait pas du bien. Ainsi, on osera davantage ôter nos masques et dévoiler qui nous sommes, ce qui donnera plus de poids aux signes de reconnaissance que les autres nous donnerons….
Et voilà comment un cercle vertueux se met en place ; Permettant à chacun d’atteindre plus facilement son niveau de satiété.
Belle reconnaissance de vous-même 😉
Marion