Je suis en train de cuisiner. La télé est allumée, mais je n’y prête pas attention. Je suis dans mes pensées. Et d’un seul coup, je sens que je suis parcourue de frissons, que les poils de mes bras se dressent et qu’une profonde tristesse m’envahie. Je me demande ce qui se passe pour que mon corps réagisse comme ça. Je lève la tête et prête attention à ce que la télé diffuse. Ce sont les infos. On parle de l’ouverture du procès des attentats du 13 novembre. Il y a des témoignages de survivants.  Si mon conscient n’était pas branché sur ça, mon inconscient lui capte et réagit aux informations… Je trouve ça incroyable.

Cela fait maintenant plusieurs années que je sais que je suis hypersensible et pourtant, je m’étonne encore de certaines de mes réactions. Et à chaque fois, je repense à la petite fille que j’étais : comment ai-je fait avec tout ce que je ressentais et que je n’étais capable ni de comprendre et encore moins de verbaliser ? Combien de fois ai-je pu croire que ces émotions étaient les miennes sans comprendre pourquoi elles arrivaient de façon si soudaine et violente ?

1 personne sur 5 est hypersensible. Elaine N.Aron a fortement contribué à faire connaitre l’hypersensibilité. Elle parle de Highly sensitive person (HSP). Ce qui donne différentes traductions : personne hypersensible, hautement sensible ou ultrasensible. Mais on parle bien de la même chose.

Quand on ignore son hypersensibilité

Je suis enfant. Dans ma chambre. J’entends une voiture arriver. Au bruit du moteur, je sais lequel de mes parents est en train de rentrer. À sa façon d’arriver dans la cour, de se garer, de refermer la portière, d’ouvrir la porte de la maison, de déposer ses affaires, de se déchausser, je peux vous dire comment il ou elle va. Et au-delà de le savoir, je le sens dans mon corps. Ces ressentis, je les ai vécus pendant des années. Mais sans y prêter vraiment attention, car je pensais que c’était normal. Et surtout sans comprendre les conséquences que cela avait pour moi.

Car quand tout va bien ; quand ils vont bien ; c’est génial. Je me sens légère, heureuse. Mais s’ils ont passé une mauvaise journée, s’ils sont fatigués, agacés, préoccupés. Je le ressens avant même de les voir. Ils peuvent faire attention, faire mine que tout va bien. Ça ne marche pas. Je sais que ce n’est pas vrai. Et ça m’inquiète encore davantage. Alors, soit je reste enfermée dans ma chambre pour tenter de garder mes distances, soit je me glisse dans le salon pour ranger mon bazar et leur éviter ainsi une contrariété supplémentaire, ou alors, je me plante devant eux en exigeant de savoir ce qui ne va pas. Déroutant pour des parents qui ont leurs propres préoccupations d’adultes et qui n’ont pas forcément envie d’en parler à leurs enfants et encore moins de les voir s’inquiéter. Mais je n’y peux rien…Et eux non plus.

Heureusement, ma vie est douce. Je suis préservée de grosses tempêtes. Cependant, je me demande comment grandissent des enfants hypersensibles dans des milieux beaucoup moins apaisés…  Car pour moi, la moindre tension provoque une tempête interne. Tous ces ressentis me rendent très soucieuse de ce qui se passe autour de moi. On me voit alors comme étant très mature pour mon âge. Et en même temps, dès fois, tellement immature dans ma façon de réagir. Tout est disproportionné. Mais à l’époque, on ne parle pas d’hypersensibilité. Je suis une petite fille sensible, intelligente, empathique, attentionnée et particulièrement susceptible… Mon frère en joue. Un simple mot, une petite boutade, et me voilà en larmes. « c’est bien de la fille » comme on dit chez moi.  Mais comment font les petits garçons hypersensibles ? 

boite de mouchoirs

L’hypersensibilité n’est pas un trait de caractère. C’est une spécificité cérébrale. Notamment au niveau du système nerveux. Schématiquement, notre cerveau réagit à des stimulations. Celles-ci peuvent être externes (c’est alors l’un de nos 5 sens qui capte l’information) ou internes (des pensées, des émotions). Selon notre seuil d’activation, ce stimulus est traité par notre cerveau et envoie une réponse. Chez les hypersensibles, le seuil d’activation est particulièrement bas. Ce n’est donc pas un caractère fragile, ou de la sensiblerie, c’est simplement le système nerveux qui est plus sensible que d’autres ; Une sensibilité accrue aux émotions et aux sensations.

Je suis une éponge. Si ma famille, mes amis, mes professeurs, ma classe, vont bien, sont dans l’énergie, le sourire, la bonne humeur, je suis légère, heureuse. Mais il suffit d’une personne stressée, de mauvaise humeur, agacée pour que je me sente mal. Face à ça deux stratégies possibles pour moi enfant : soit fuir la situation et aller m’isoler dans un endroit où je ne ressentirais plus ça (ce qui n’est pas toujours possible à faire). Soit faire ce que je pense nécessaire de faire pour que la personne se détente. Car si elle se détend, alors moi aussi je me détendrais…Résultat, je suis hyper soucieuse des autres. Je m’efforce de tout faire pour qu’ils soient bien. Comme si j’en avais toute la responsabilité… 

éponge

L’hypersensibilité, c’est aussi la forte sensibilité de nos sens. Mais comme pour les émotions, comme il s’agit d’abord de ressentis internes, comment savoir que les autres ne perçoivent pas de la même façon ? Oui certaines choses m’étaient désagréables comme des odeurs, des matières, des volumes sonores, mais comme tout le monde, non ? En réalité, la surstimulation de certains sens me provoque des maux de tête réguliers et une fatigue importante. 

En puis, arrive le travail et ces fameux open-space… l’enfer des hypersensibles…  Je crois que ce n’est pas par hasard si j’ai fini par faire un métier de nomade qui me permettait de me retrouver seule dans ma voiture plusieurs heures par jour.

Deux faits essentiels pour Elaine N.Aron :

– « Tout le monde, hypersensible ou non, ressent un bien-être maximal lorsque la stimulation n’est ni trop forte ni complètement absente

Le degré d’activation du système nerveux diffère considérablement d’une personne à une autre, dans la même situation, face aux même stimuli »

Il est donc essentiel de se connaitre, de comprendre son seuil d’activation, et non de se comparer aux autres en pensant qu’on devrait tous réagir de la même façon.

Par chance, lorsque j’ai travaillé dans des sièges sociaux, j’ai majoritairement pu être dans un bureau. Mais on me reproche régulièrement que ma porte reste trop souvent fermée. Pour réussir à me concentrer sur mon travail et avoir l’énergie nécessaire pour l’effectuer, j’ai besoin de limiter les sollicitations. Mais je mets cela sur le dos de l’introversion. Les bruits me fatiguent. La lumière des néons m’agresse. Mon bureau est un havre de paix dans lequel je réduis autant que possible les stimulations. J’arrive tôt le matin pour avoir un temps tranquille rien qu’à moi. Je n’allume la lumière que quand l’inconfort du manque de luminosité devient trop gênant. Je ne décore pas mon bureau. L’aspect dépouillé et minimaliste me va très bien.

Je maitrise donc plus ou moins mes sens. Mais mes émotions, c’est autre chose. Mon bureau devient le bureau des plaintes et des pleurs. Mon oreille attentive, mon empathie, ma bienveillance poussent à la confession. Je suis heureuse de générer cette confiance chez les autres. Mais je ne sais pas quoi faire de toutes les émotions de l’autre.. Je suis vite sous tension. On m’invite à prendre du recul. Mais c’est difficile. Pourquoi les autres semblent savoir faire cela et pas moi ?

30% des hypersensibles seraient extravertis. J’avoue que pour moi, c’est un mystère. Comment retrouver de l’énergie en allant chercher de la stimulation ? Mais il faut savoir que ça existe. À l’inverse donc, 70% des hypersensibles sont introvertis. Attention, je n’ai pas dit timides. Ce n’est pas la même chose. Pour en savoir plus sur l’introversion et l’extraversion, je vous invite à lire cet article : introversion ou extraversion osez être la meilleure version de vous-même

Je suis en réunion et je m’énerve. On tourne en rond et on ne s’attaque pas au vrai problème. C’est comme s’il y avait un énorme éléphant au milieu de la pièce et que tout le monde faisait comme s’il n’était pas là. Je ne comprends pas. C’est tellement énorme que je ne peux pas envisager deux secondes que les autres ne le voient pas ! Mais encore une fois, on me dit que j’exagère, que je dois prendre du recul. Je doute encore un peu plus de moi. Pourquoi les autres savent ignorer cet éléphant, et pas moi. Je les envie. Je me dis que j’ai un problème. Ce que je ne sais pas à cette époque, c’est que les autres, ils ne savent pas faire avec l’éléphant ; ils ne le voient pas. Ou alors, c’est juste une petite souris pour eux.

Antenne

Dès que je rentre dans une pièce, je ressens toutes les émotions. Tout ce qui est latent est explosif pour moi. Tout ce qui est du non-dit, je l’entends. Hélas, notre cerveau favorisant les informations négatives plutôt que les informations positives, il suffit d’une seule personne de mauvaise humeur pour que son énergie négative l’emporte sur tout le reste et m’emporte donc avec. Je sens que je me contracte. C’est comme si je réfléchissais à toute allure pour vite savoir ce que je dois faire. Comme si sentir cette mauvaise humeur avait déclenché en moi un minuteur capable de me faire imploser d’une seconde à l’autre. Je n’arrive pas à trouver la bonne stratégie. Et surtout je regarde les autres qui semblent eux vivre très bien la situation. Je me dis que j’ai vraiment un problème…

On entend désormais beaucoup parler des neurones miroirs. Chez les Hypersensibles, leur activité est plus élevée et ils fonctionnent en continu. C’est ce qui fait que les Hypersensibles sont particulièrement empathiques. C’est aussi pour cette raison qu’ils sont constamment en recherche d’harmonie, d’endroits et de gens avec lesquels ils se sentent en paix, en sécurité, sans tension.

L’imagerie médicale a permis de voir les deux grandes zones qui s’activent dans des cerveaux hypersensibles :

  • Le système limbique : connu pour être le siège des émotions
  • L’insula : c’est le siège de la conscience

Résultat, les hypersensibles sont plus alertes et plus conscients. Ils peuvent ainsi voir les choses bien avant qu’elles deviennent une réalité pour les autres. (Quand je vous disais qu’il y avait un éléphant dans la pièce !!! 😊)

Dans la communication, les mots ne pèseraient que 7% dans le message que l’on reçoit. Tout le reste, le para-verbal et le non verbal, pèseraient donc très lourd. Pour moi, peut être encore plus, car j’y perçois ce que d’autres ne voient absolument pas.

On m’a appris à partager mes ressentis. Le truc, c’est que je ne fais que ça. Et ça fatigue mon entourage…. Et puis dès fois, ça gène. Car je mets exactement le doigt sur ce qu’on ne veut pas voir. On me somme donc de m’en tenir aux faits, d’arrêter de tout interpréter.

Mais je sais que j’ai raison ! Je m’obstine…

intuitif

Je peux donc faire peur. Certains me voient comme un danger puisque je semble décrypter leurs réelles intentions. Alors, soit ils m’évitent. Soit ils attaquent. Je vois clair dans leurs jeux, mais je ne sais pas trop comment me sortir de ce type de situations. Mes réactions souvent disproportionnées ne m’aident pas à être crédible et me faire entendre. C’est hélas une histoire qui se répétera à de nombreuses reprises, notamment au travail. Enfin, si je sais faire preuve d’une grande lucidité sur certaines personnes, sur d’autres, je suis totalement aveugle. Je suis une proie facile pour les manipulateurs. Il suffit de savoir jouer sur le registre des émotions et notamment la culpabilisation pour me prendre dans son filet.

Les hypersensibles ont souvent une idée assez précise de ce que doit être la justice, l’honnêteté, l’amour, l’amitié… Leur système de valeurs vise l’absolu, la perfection. Difficile pour eux de faire face à quelqu’un qui ne partage pas cet absolu, voire bafoue leurs valeurs ; Résultat, ils sont souvent très déçus des comportements humains. Et peuvent ainsi finir par s’isoler ou se lancer corps et âme dans des combats type David contre Goliath…

Je manage. Et je manage plutôt bien. Mon empathie, mon attention réelle à l’autre et ma capacité à le comprendre sont appréciées et très utiles. Certains m’avouent dès fois être déstabilisés par ce que je comprends sans qu’ils n’aient rien eu besoin de me dire. Je prends mon rôle à cœur. Je sais que mes équipes feront d’autant plus un bon travail, auront des bonnes performances et se sentiront bien, si moi, en tant que manager, je crée le bon environnement pour eux. Je me plie en 4 pour que ce soit le cas. Je m’adapte. Je m’adapte. Je me sur adapte.

Le moindre mécontentement, la moindre réflexion m’ébranle. J’ai l’impression d’être un château de cartes qui peut s’écrouler au moindre petit coup de vent. Dans le perso ou le pro, je suis hyper susceptible. Le manque de confiance en moi ne m’aide pas…

Il faut que je me blinde…

J’enfile petit à petit une énorme carapace. Je deviens un robot. Je crois que je ne ressens plus grand-chose. En fait, mon corps ressent toujours et donc réagit. Mais je me coupe de lui. Comme 2 entités différentes : d’un côté la tête, et de l’autre, le cœur et le corps. Alors je n’entends pas tous les signaux que mon corps m’envoie pour me dire de ralentir, de prendre soin de moi. Je finis par faire un burnout

alarme
Infographie du bonheur en barres

Notre cerveau, c’est environ 2% de notre poids et 20% de notre consommation d’énergie. Chez les hypersensibles, le cerveau ne s’arrête jamais ; toujours stimulé par quelque chose. Résultat, la tension nerveuse est constante et le repos, pourtant nécessaire, peut être difficile à trouver. Ce sont donc des cerveaux qui consomment plus et qui ne parviennent pas vraiment à se mettre en pause pour récupérer, ce qui engendre anxiété, stress chronique, fatigue. L’hypersensible est particulièrement sujet au burnout. Pour en savoir + sur les mécanismes du stress, découvrez cet article : le stress : mécanisme, équation et protection

Quand on découvre son hypersensibilité

Je suis fatiguée. Toute stimulation me pompe une énergie que je n’ai pas. Je vis plusieurs mois dans une bulle, loin de toute l’agitation du monde. Moi qui ai fait des kilomètres et des kilomètres pendant des années, je ne me sens plus capable de conduire. Trop d’infos à traiter en même temps. Trop de choses sur lesquelles il faut être vigilant. Même encore aujourd’hui, conduire en ville est un supplice pour moi et ça me fatigue très vite.

On me parle de haut potentiel intellectuel et d’hypersensibilité. Au départ, je rejette tout en bloc. Et puis, petit à petit, je creuse le sujet, je lis beaucoup, j’apprends. Et je ne peux que me rendre à l’évidence… Cette acception décuple mes sens. Comme si une digue avait lâché et qu’enfin reconnectée à mon corps, mes sensations s’amplifient. J’entends passer une ambulance près de chez moi. Ce n’est pas la première fois. Mais là, c’est tellement fort que j’ai l’impression qu’elle est dans mon salon ! 

A certains moments, c’est plus prononcé. Particulièrement quand je suis fatiguée. Sauf que tout ressentir me fatigue encore plus. C’est un cercle vicieux. Je dois apprendre à le rompre. Repos. Méditation. Réduction des stimulations. Choix de stimulations qui me font du bien…  Je découvre mes besoins et apprends à respecter ma propre écologie personnelle (pour en savoir +, découvrez cet article Prendre soin de son écologie personnelle ).

portrait type hypersensible

Je suis à une conférence sur l’hypersensibilité. On nous fait écouter ce qu’entend un hypersensible au restaurant. Pas de surprise, c’est effectivement conforme à mon vécu. Et puis, on nous fait entendre ce qu’une personne avec une sensibilité normale entend. Et là, c’est le choc. Le son est très faible et surtout, c’est comme si les nuances étaient plus prononcées, ce qui rend le dialogue des personnes autour beaucoup plus clair. Moi qui finissais par croire que je devais être un peu sourde… (Effectivement dans les soirées, je passe mon temps à faire répéter les gens. C’est lassant pour eux et pour moi). En fait, je ne suis pas sourde. Je suis hypersensible et toutes les stimulations sensorielles arrivent en même temps sans que mon cerveau puisse les traiter et me faire ressortir le plus important. C’est ce qu’on appelle le déficit d’inhibition latente.

L’hypersensibilité sensorielle désigne une perception accrue d’un sens particulier ou de tous. On parle d’hyperacousie, d’hypersensibilité olfactive, d’hypersensibilité visuelle, d’hypersensibilité gustative, d’hypersensibilité cutanée et enfin l’hyperproprioception (conscience accrue de son corps et de ses mouvements dans l’espace)

Vivre avec son hypersensibilité

Je sais maintenant depuis plusieurs années que je suis hypersensible et pourtant, je m’étonne encore de l’effet de certaines stimulations. Par exemple, je suis en train de regarder un film. Cela fait bien longtemps que j’évite les films violents. Mais j’aime les films issus d’histoires vraies. Celle-là, se passe pendant la première guerre mondiale. Pendant tout le film, le héros, soldat britannique, manque de mourir à plusieurs reprises. À la fin du film, je me rends compte de l’état d’angoisse dans lequel je suis. Si ma tête sait parfaitement que je suis en sécurité sur mon canapé et que j’ai simplement regardé un film, mon corps lui tremble de partout, mon plexus solaire est complètement fermé, j’ai du mal à respirer.

Force est de constater que je n’étais pas seulement rentrée dans le film et en stress pour le héros. Toutes les réactions de mon corps, c’est comme si c’était moi qui étais en danger….Je vais mettre plusieurs heures avant de réussir à m’apaiser…

Heureusement, l’inverse est également vrai. Il me suffit de regarder un reportage sur la montagne pour ressentir les bienfaits dans mon corps. Comme si j’étais au bon air, en connexion avec la nature. C’est aussi pour cela que j’ai commencé à apprécier les méditations guidées et qu’aujourd’hui je pratique pour moi et pour les autres l’hypnose.

batterie faible

Notre cerveau ne fait pas la différence entre le réel et l’imaginaire. C’est pour cette raison qu’on se reconnecte à nos émotions positives lorsqu’on repense à un souvenir agréable. Et qu’on ressent des émotions désagréables lorsqu’on ressasse des éléments négatifs du passé. Notre cerveau retraite comme si c’était la réalité pour nous à l’instant présent. Il en est de même lorsqu’on regarde un film ou lit un livre. À nous donc de hacker notre cerveau pour l’amener à se focaliser sur ce qui nous fait du bien. Pour en savoir +, découvrez cet article : Reprogrammons notre cerveau

Je suis en formation d’hypnothérapeute. Nous devons travailler un protocole en binôme. La personne avec qui je m’exerce, souhaite travailler sur son intolérance au gluten. On échange et instinctivement, je mets ma main sur mon ventre. C’est ce qu’on appelle de la synchronisation. Elle aussi à la main sur son ventre. Mais je ne suis pas en train de la singer ; c’est instinctif. Nous avons donc toutes les deux nos mains sur nos ventres et là, je sens le mien se durcir. Je lui demande comment est le sien. Elle me répond que rien que d’en parler, son ventre devient dur. Je déroule le protocole et encore une fois, de façon totalement inconsciente, ses gestes sont les miens. Ces ressentis sont les miens. Et je finis par sentir mon ventre se relâcher. Je vérifie comment c’est pour elle. Elle me confirme qu’elle commence à se sentir mieux, mais comme elle me le dit « je pense que j’aurai besoin quand même de lâcher quelque chose ce soir ou demain ». Résultat, j’ai passé ma matinée du lendemain aux toilettes… Anecdote drôle mais marquante pour moi. Je me sais hypersensible, mais je suis encore aujourd’hui sidérée de découvrir ce genre de phénomènes. Et à chaque fois, j’ai la même pensée : mais comment ai-je fait quand j’étais enfant ? Tout ce que j’ai dû trimballer et qui ne m’appartenait pas. Et sans savoir l’exprimer ; le comprendre… Il y a effectivement de quoi douter de soi et perdre pied. D’où l’importance fondamentale pour moi de le savoir si on est hypersensible, d’en comprendre les impacts et d’apprendre constamment à faire le tri.

Il me semble aussi essentiel de faire un travail sur soi. Car l’hypersensible captant tout, les blessures des autres deviennent aussi les siennes. Les petits accrochages de sa vie peuvent avoir généré d’énormes blessures. Quant aux évènements plus difficiles, ils sont de véritables traumatismes. Résultat, tant que ces plaies ne sont pas guéries, elles se rouvrent dès que l’hypersensible ou quelqu’un dans son environnement vit quelque chose qui y fait écho. Et comme tout prend de l’ampleur chez lui, la caisse de résonance est puissante. Et les ressentis peuvent l’emporter très loin dans la souffrance et le désarroi. 

Tout le monde connait des vagues émotionnelles. Pour un hypersensible, c’est son quotidien. S’il profite d’un moment d’émerveillement et de beauté, il n’est pas seulement bien, il est euphorique, il plane. L’instant d’après, il capte une émotion négative et le voilà au 36ème dessous. Les montagnes russes, il connait. Mais ce n’est pas pour autant que les hypersensibles sont bipolaires. Si ce n’est pas toujours facile à suivre pour les personnes qui l’entourent, ce n’est pas évident pour lui non plus. Et on connait tous l’effet cocotte minute, plus on met le couvercle pour éviter que ça sorte, plus ça finit par ressortir de façon exponentielle. Alors, laissez passer ses vagues émotionnelles, positives comme négatives, cela évitera un tsunami…

Aujourd’hui, avec ce que je sais de moi et le travail que j’ai fait sur moi, je bénis mon hypersensibilité. C’est un cadeau précieux dans les activités que j’exerce ; Mon corps m’envoie ainsi des tonnes d’indices lors de mes accompagnements. Il réagit sans cesse. Ma haute sensibilité devient alors une boussole précieuse pour mieux accompagner les autres. Mon empathie maitrisée est mon trésor.

Mais oui, il ne se passe pas une journée pour moi, sans que les larmes me montent aux yeux ou que mes poils se dressent. Mais je préfère ça à l’insensibilité. Et ces ressentis, ce n’est pas que pour les choses négatives. Je m’émerveille devant la nature, je peux rester hypnotisée devant une peinture ou je peux être totalement transportée par le son d’un piano.

Alors s’il faut choisir entre ressentir fortement ou ne rien ressentir, mon choix est vite fait. On plaint les hypersensibles de tout ce qu’ils ressentent, moi, je plains ceux qui ne ressentent plus rien, qui ne s’émeuvent ni devant les drames qu’on nous raconte chaque jour, ni devant la beauté de la nature ou d’une œuvre d’art.

coeur brisé

L’hypersensibilité concernerait 1 personne sur 5.

L’objectif de mon témoignage est simplement de pouvoir mieux comprendre ce que vit la personne et d’arrêter de croire qu’il s’agit d’une question de caractère ou encore de volonté. J’aimerais tellement qu’on arrête de demander à ces personnes de prendre du recul. C’est comme si vous placiez une éponge sous l’eau et que vous espériez qu’elle reste sèche. Ce n’est pas possible. Si vous voulez qu’elle ne soit pas mouillée, alors il ne faut pas la mettre sous l’eau.

Si vous voulez qu’un hypersensible soit plus posé, acceptez qu’il verbalise ce qu’il ressente, qu’il exprime ses émotions. Accueillez sans juger. Ne le faites pas culpabiliser. Et acceptez aussi qu’il ait besoin de temps de récupération. Et vous, ne marchez pas non plus sur des œufs. C’est une belle intention de votre part, mais ce serait fatigant pour vous et surtout inutile. L’hypersensible le sentira 😉

L’objectif de mon témoignage est aussi d’encourager les personnes concernées à accepter leur hypersensibilité et apprendre à en faire quelque chose de bénéfique pour eux et pour les autres.

Alors, l’hypersensibilité : cadeau ou fardeau ?

Imaginons que vous fassiez plus de deux mètres, est-ce un cadeau ou un fardeau ? J’imagine que vous me répondriez que c’est comme ça ; vous n’avez pas le choix. La question ne se pose pas. Ok dans certaines circonstances, c’est embêtant. Par exemple, ce n’est sans doute pas très confortable de faire un long voyage en train ou en avion. Mais j’imagine que dans d’autres situations, c’est aidant. Par exemple, aucune crainte de ne rien voir lorsque vous êtes à un concert. Idéal aussi bien sûr, si vous choisissez de faire du basket.

Et bien c’est la même chose pour un hypersensible. Le truc, c’est que contrairement à la taille pour laquelle il est facile de repérer tout de suite si on est dans la norme ou pas, c’est un peu moins détectable pour l’hypersensibilité. Résultat, beaucoup d’hypersensibles s’ignorent et n’aiment donc pas cette partie d’eux qu’ils voient ressurgir souvent de façon incontrôlable (pour en savoir +, découvrez l’article: mieux vaut être complet que parfait).

Si vous faisiez plus de 2m, imagineriez-vous vivre toute votre vie courbé pour tenter de vous fondre dans la masse ? Non. Pourtant, c’est ce que beaucoup d’hypersensibles font.

Alors, redressez-vous et soyez fier de votre hypersensibilité.

Apprenez à mieux vous connaitre, comprendre vos besoins, faire le tri de tout ce que vous percevez et trouver votre place vous permettant de faire de votre hypersensibilité, un atout considérable. Beaucoup d’hypersensibles exercent ainsi par exemple des métiers artistiques ou dans l’accompagnement et la relation à l’autre.

Belle rencontre avec votre hypersensibilité et/ou celle des autres.

Marion

accepter son hypersensibilité

Quelques références pour aller plus loin :

  • Le livre de Cathy Assenheim « Mon cerveau est hyper »
  • Le livre d’Elaine N. Aron « Ces gens qui ont peur d’avoir peur »
  • Le site internet de l’observatoire de la sensibilité
  • le site internet du Bonheur en Barres dont vous trouvez plusieurs illustrations dans cet article
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