Je n’ai longtemps pas su dire non. Et même si aujourd’hui, je sais le faire, je n’aime pas ça.
Je préfère dire OUI aux gens. Répondre positivement à leur requête. Leur apporter l’aide et la disponibilité qu’ils me demandent. Aller dans leur sens plutôt que les contrarier. Mais je sais aujourd’hui que répondre systématiquement OUI, quand, au fond, j’aurai envie de dire NON, est une stratégie qui fonctionne rarement dans la durée. Ainsi, combien de fois me suis-je mise dans des situations inconfortables, finissant par m’en vouloir et en vouloir à celui ou à celle à qui j’avais voulu faire plaisir ! Et puis, je me suis surtout rendu compte que je ne me rendais absolument pas service, en ne respectant pas ce que je pensais et voulais profondément.
Vous me direz, dans la vie, on ne fait pas toujours ce qu’on veut. Il y a tellement de situations dans lesquelles nous sommes obligés de dire OUI, même si nous pensons NON.
C’est vrai. Par contrainte (loi, relation contractuelle), ou par bienséance (contrainte morale), on fait des concessions. Mais mon évolution en termes de connaissance de soi et affirmation de soi, m’a appris que ce qui fait la différence, c’est quand on fait ces concessions consciemment. Quand on dit OUI à la place d’un NON car c’est un choix de notre part. C’est tout à fait différent que quand on le fait sans s’écouter, sans même avoir exploré la piste du NON, simplement parce qu’on estime qu’on n’a pas le choix. Alors qu’en réalité, principalement lorsqu’il s’agit de contrainte morale, le choix, nous l’avons.
Pour ceux qui ont le plus de mal à dire NON, ce n’est même plus une question de contrainte et d’absence de choix, c’est carrément un réflexe. Pour eux, c’est normal de réagir ainsi.
Je pense à une coachée, manager, qui particulièrement soucieuse de préserver la motivation de ses équipes, se mettait un point d’honneur à répondre positivement à toutes leurs attentes, même celles qui n’étaient pas réellement exprimées.
Je pense à un coaché, qui manquait de confiance en lui. En quête de reconnaissance, il se montrait particulièrement serviable envers les autres. Toujours là pour écouter et donner un coup de main, quelle que soit l’heure ou sa propre charge de travail.
Je pense aussi à cette coachée, qui, pour ne pas créer de conflits avec ses collègues, préférait garder ses idées et avis pour elle, et aller dans le sens du groupe.
Je me souviens aussi d’une personne qui m’avait raconté qu’elle n’osait même pas dire non à un vendeur qui lui faisait de la vente complémentaire. Elle repartait alors souvent avec un accessoire dont elle n’avait absolument pas besoin.
Pourquoi avons-nous tant de mal à dire NON ?
Nous n’osons pas dire non, car nous avons tous une peur commune et fondamentale : la peur d’être rejeté par les autres. Nous cherchons donc autant que possible à être aimable, c’est-à-dire digne d’être aimé. Pour cela, nous optons pour des stratégies différentes, que l’analyse transactionnelle a résumé autour de 5 drivers : sois fort, dépêche-toi, fais des efforts, sois parfait et fais plaisir. Ceux qui rencontrent de grandes difficultés à dire NON, ont très souvent un « fais plaisir » assez marqué.
Quand nous ne savons pas dire NON, c’est que nos peurs sont aux commandes.
- La peur donc de déplaire, d’être rejeté
- La peur de décevoir
- La peur de blesser
- La peur du conflit
Toutes ces craintes n’étant pas exclusives les unes des autres.
Deux choses peuvent encore alimenter ces peurs :
- si la demande vient d’une figure d’autorité : nous nous sentirons alors sans doute encore plus contraints à dire OUI, notamment pour les profils qualifiés de « bon élève ».
- si nous manquons de confiance en nous : nous pouvons douter de la légitimité de notre avis (qui sommes-nous pour dire NON ?), craindre encore plus le jugement et le rejet, et donc accéder aux requêtes des autres sans oser exprimer que cela ne nous convient pas.
Autre élément à prendre en compte dans notre difficulté à dire NON : le conflit de valeurs.
Imaginons que vous vous réjouissiez de passer un week-end tranquille en famille à la maison. Ça fait des mois que cela n’est pas arrivé. Mais, le vendredi midi, un ami vous appelle en stress, car il déménage le lendemain et il lui manque des bras.
On peut imaginer, à l’intérieur de vous, un conflit entre votre valeur Amitié et votre valeur Famille, ou encore entre une valeur Entraide et une valeur Liberté.
Mais difficile de comprendre tout cela quand on n’a pas travaillé sur l’écoute de soi et ses valeurs. Vous aurez sans doute un ressenti désagréable, une sorte de tiraillement. Bref, vous vous sentez pris au piège. Désormais, ni l’option de passer le samedi sans aider votre ami, ni celle de passer le samedi sans profiter de votre famille, vous parait acceptable. Et pourtant, vous devez prendre une décision. À contrecœur donc, vous accédez à la requête de votre ami. Vous lui en voulez un peu de cette demande à la dernière minute. Vous n’êtes pas à l’aise avec votre décision, mais en faites part à votre conjoint et vos enfants, qui sentant votre malaise, ne manqueront pas, soit de vous rassurer pour ceux qui tendraient vers le fais plaisir (mais ce n’est pas parce qu’ils disent oui à votre choix qu’ils le pensent pour autant…), soit de vous faire culpabiliser de faire passer votre ami avant eux…
Bref, pas très confortable comme situation. D’où l’importance de travailler sur soi pour se sentir aligné et à l’aise dans ses choix.
Les conséquences
Les conséquences de tout ça, vous les avez sans doute déjà vécues et perçues à travers les exemples :
- s’engager dans des activités que l’on n’avait pas envie de faire
- ce qui peut avoir pour conséquence de les faire sans réelle motivation
- ce qui peut avoir pour conséquence de créer de la déception chez les autres, voire un conflit
- avec à la clé un bon sentiment de culpabilisation permanent
- cette désagréable impression de subir les choses, de faire tout ce qu’on peut pour les autres, mais que ce n’est jamais suffisant
- Alors, on remet les bouchées doubles pour essayer de satisfaire tout le monde et plus que jamais, on dit OUI. Voire, on va essayer de satisfaire les besoins avant qu’ils soient exprimés pour remonter dans l’estime de ceux qu’on aurait pu décevoir.
Vous voyez le cercle vicieux ?
Tout ça, sans compter qu’à force de dire oui à tout, on est surchargé, débordé, au bord de l’épuisement. Et surtout, surtout, à la fin, on obtient rarement toute la reconnaissance dont on aurait besoin et qui nous semble justifiée compte tenu des efforts qu’on déploie.
Bref, ça ne nourrit pas notre estime de nous. Voire ça la dégrade. On se dit qu’on est trop gentil, que les autres abusent. C’est comme ça que l’on entre dans le triangle dramatique. À force d’avoir joué les sauveurs et de ne pas obtenir ce qui nous semblait juste, on s’inscrit en victime (« ce n’est pas juste » ) et/ou en persécuteur (« après tout ce que j’ai fait pour vous ! »).
Les conséquences se trouvent aussi du côté de tout ce à quoi vous renoncez quand vous dites OUI.
Car dire OUI à quelque chose ou quelqu’un, c’est aussi, implicitement, dire NON à quelque chose d’autre ou quelqu’un d’autre.
- Quand vous dites OUI à votre ami pour son déménagement, vous dites NON à votre famille
- Quand vous dites OUI à un projet qui ne vous enthousiasme pas, vous dites NON à un temps qui aurait pu être consacré à un projet qui vous tenait à cœur
- Quand vous dites OUI à une relation en sens unique, vous dites NON à une relation qui pourrait être plus épanouissante
- Quand vous dites OUI à un job qui ne vous plait pas, vous dites NON à un job qui pourrait davantage vous plaire
- Et surtout, quand vous dites OUI à l’autre alors que vous pensez le contraire, c’est à vous-même que vous dites NON.
« Lorsque vous dites oui aux autres, faites en sorte de ne pas dire non à vous-mêmes ! » Paulo Coelho
Et ça, ce n’est pas bon en termes d’estime de soi. Vous ne vous écoutez pas. Vous ne vous respectez pas. Vous démontrez chaque jour aux autres, que vos envies et vos besoins ne sont pas importants. Que les demandes des autres passent avant vous. Malheureusement, implicitement, vous passez le message que vous n’avez pas de valeur, ou en tout cas, une valeur inférieure aux autres. Les autres, à moins d’être particulièrement sensibles et avoir envie de vous sauver pour vous montrer que vous avez bien plus de valeur que ça, feront alors avec vous ce que vous faites avec vous-même : vous faire passer après.
Bref, toute l’énergie que vous déployez à ne surtout pas contrarier les autres, être toujours là pour eux, faire tout ce qu’ils attendent etc… pour être aimé et faire remonter votre estime de vous, ça ne fonctionne pas vraiment.
Alors, comment faire, tout en préservant vos relations avec les autres ?
Comment faire pour dire NON ?
D’abord, dédramatisons !
Si vous, vous n’êtes pas à l’aise avec le NON. D’autres le sont beaucoup plus. Donc quand vous dites NON à quelqu’un, vous n’êtes sans doute pas la première et vous ne serez sûrement pas la dernière personne à ne pas accéder à sa requête. Elle s’en remettra… Et votre relation aussi. Si bien sûr, cela est fait dans le respect et avec les formes.
D’autre part, il y a souvent la crainte de passer pour quelqu’un d’égoïste, qui s’en fout des autres. Mais vous savez, au fond de vous, qu’entre l’extrême de faire tout le temps passer les autres avant vous et l’autre extrême, de vous faire toujours passer avant les autres, il y a tout un champ des possibles. A vous de mettre le curseur là où ça vous semble le mieux pour vous et pour votre relation aux autres.
Rappelons-nous aussi que le NON est nécessaire, tout autant que le OUI. Des parents qui disent NON à tout n’aident sans doute pas leurs enfants. Mais c’est pareil s’ils disent OUI tout le temps et qu’ils sont toujours là à tout anticiper pour leur éviter toute frustration. La vie est faite de frustrations. Autant qu’ils l’intègrent et apprennent à les gérer. Et bien en grandissant, c’est pareil. Même si nous ne sommes plus dans le cadre d’une éducation, quand on est en relation avec quelqu’un (qu’elle soit amicale, amoureuse ou professionnelle), on apprend à se connaitre, on se teste et on crée des habitudes. Si vous montrez à l’autre que vous répondez toujours positivement, alors il prendra une habitude. Résultat, le NON deviendra encore plus compliqué. Pour vous, car le NON vous demande de l’effort. Mais aussi pour l’autre, car il a pris l’habitude que vous accédiez facilement à ses requêtes. Il aura donc particulièrement du mal à entendre ce NON et réagira sans doute comme un enfant boudeur et frustré. Ce qui forcément, ne vous aide pas à tenir bon dans votre NON…
On en vient alors au sujet des limites.
Avant de vouloir savoir dire non, il faut donc déjà être au clair avec nos limites : qu’est-ce qui est acceptable pour nous et qu’est-ce qui ne l’est pas.
Imaginons par exemple que vous êtes en pause au travail. Vous sortez prendre l’air et discuter avec des collègues. Un fumeur vous demande gentiment si l’odeur et la fumée ne vous gênent pas. Par politesse, vous répondez qu’il n’y a pas de soucis. Alors qu’en réalité, vous détestez cette odeur et vous êtes certain de repartir avec un bon mal de tête. Ce fumeur enregistre que ce n’est pas un problème pour vous et ne vous reposera peut-être plus la question. Vous avez créé une habitude, une autorisation implicite à l’autre sur quelque chose qui pourtant ne vous convient pas. Poser ses limites, c’est simplement cela. Dire ce qui est ok ou pas pour vous. Car ce qu’on accepte ou laisse faire, devient la règle.
Et c’est justement ce qui peut être compliqué pour tous ceux qui n’ont pas l’habitude de dire NON. Comment va réagir notre entourage, lui qui ne nous connait que « bonne pâte » ?
L’important avant toute chose, c’est d’être en phase avec vous-même. Un non mal à l’aise, rempli de craintes et de culpabilité se ressent. Et l’autre ne manquera pas de s’engouffrer dans cette faille.
“Un « non » formulé avec la plus ferme des convictions est bien meilleur qu’un « oui » à peine exprimé pour plaire, ou pire, pour éviter les ennuis.” – Gandhi
Il est essentiel d’apprendre à vous écouter :
– Que ressentez-vous ? Quels sont vos besoins ?
– Quelles sont les raisons qui vous amèneraient à dire OUI et celles qui vous amèneraient à dire NON ?
– Quels sont les avantages à dire OUI ou NON ? Quels sont les risques ?
– N’y aurait-il pas une alternative entre le OUI et le NON ?
- un non pour tout de suite, mais un oui pour plus tard
- Un non dans ces conditions, mais un OUI si…
Si c’est vraiment difficile pour vous, commencez par des NON dont l’enjeu n’est pas trop important.
Votre interlocuteur s’énerve, exprime sa déception, voire essaie de vous faire culpabiliser ? Et bien, c’est son choix. Cela peut vous faire peur, mais donc quoi ? Vous êtes condamné à dire toujours OUI à cette personne pour le restant de votre vie ? Et elle, à quel moment, elle vous dit OUI ? Au moins un OUI à ce que vous avez exprimé. Un respect, une écoute de vos besoins et envies ?
Si c’est compliqué pour vous d’envisager cela, je vous invite à lire le livre : Avoir le courage de ne pas être aimé d’Ichiro Kishimi et Fumitake Koga
« Ne pas vouloir déplaire est probablement ma tâche, mais si je déplais à tel ou tel autre, c’est la tâche de ces personnes-là » d’Ichiro Kishimi
Pour reprendre ma propre expérience, j’ai par exemple appris à dire NON à des clients. Et pourtant, j’aurai bien sûr envie de dire OUI tout le temps : dire OUI car les personnes expriment le besoin qu’on les aide. Forcément, ça vient toucher ma corde sensible. C’est pour ça que je fais ce travail. Et puis, pour une raison économique. Chaque OUI de ma part, c’est une rentrée d’argent pour mon entreprise. Mais je dis régulièrement NON. D’abord je dis NON à des demandes où j’estime ne pas être la bonne personne. Je renvoie vers un autre coach ou vers un autre professionnel de l’accompagnement si je pense que ce n’est pas le coaching qui pourra aider cette personne. Sans doute que de nombreux coachs prendraient et diraient donc OUI. Moi, je préfère dire NON. Et je suis à l’aise car ma valeur éthique est plus importante. Et je sais que même si la personne peut exprimer de l’incompréhension ou de la déception, je reste convaincue que je nous rends service à toutes les deux car sur le moyen terme, ça ne l’aurait pas fait. Et finalement, c’est parce que j’ai su dire NON, qu’une relation de confiance s’est instaurée avec certains et qu’ils m’ont resollicitée par la suite…
Je dis non aussi à des demandes de RDV qui ne respecteraient pas mon écologie personnelle. Et vraiment ce n’est pas facile, d’autant plus quand je sens que la demande est urgente. Par exemple, si on me demande un RDV le lendemain à 19H, alors que ma journée démarre à 08H et qu’elle est déjà bien remplie, je préfère dire NON, que ce n’est pas possible même si factuellement je pourrai caler ce RDV. Je préfère proposer d’autres créneaux prenant en compte nos contraintes d’agenda respectives. Si je ne fais pas ça, je me retrouve avec des très grosses journées dans lesquelles je ne suis pas certaine d’être capable d’avoir l’écoute et la disponibilité adéquates pour tous. Encore une fois, même si cela peut contrarier le client, au final, c’est pour la qualité de mon accompagnement que je fais ça.
Finalement pourquoi est-ce que le non passe dans ce type de situation ? D’abord parce que je suis alignée avec mon NON. Ensuite parce que je propose une alternative et que j’ouvre le dialogue. Mon NON n’est pas juste une porte qui se ferme, voire se claque au nez de l’autre.
Heureusement, nous ne sommes plus cet enfant de 2ans dans sa phase du NON. Un NON qui est souvent par principe et qui ne laisse pas entrevoir la possibilité de négocier. On a grandi depuis. On a de l’expérience. On a du vocabulaire. On a de la maturité. Bref, on peut assumer et motiver un NON. On peut proposer d’autres options. Car finalement notre NON n’est pas à la personne, mais à sa demande.
Enfin, n’oublions jamais la richesse de l’enfant que nous avons été, qui par son NON, expérimentait déjà l’affirmation de soi et l’indépendance 😉
Belle expérimentation du OUI à vous-même !
Marion